Mali : Bakary Togola, le « roi du coton », acquitté
Le puissant leader paysan, ancien soutien du président déchu Ibrahim Boubacar Keïta, était accusé du détournement de 10 milliards de francs CFA. Alors qu’il risquait la perpétuité, il a été acquitté ce lundi 29 novembre.
Les juges de la Cour d’assises spéciale pour les crimes économiques semblent avoir entendu le plaidoyer de Bakary Togola. Alors qu’il risquait la perpétuité, le « roi du coton », comme il est surnommé, a été acquitté. Mardi 23 novembre, à la barre, le principal accusé dans l’affaire dite des « ristournes de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton » s’était défendu pendant deux heures des accusations de détournement de 10 milliars de Francs CFA (15 millions d’euros) dont il faisait l’objet.
À l’époque des faits, entre 2013 et 2019, il était à la fois président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (Apcam) et de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC).
« Tu vas voir! »
« Pour moi, il n’y a pas eu de détournement, car je n’ai reçu aucune plainte de la part d’aucune fédération », avait-il déclaré. L’ancien patron des cotonculteurs du Mali, réputé proche de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta avait aussi dénoncé les multiples trahisons, celle « de [ses] agents », mais surtout celle de l’ancien Premier ministre Boubou Cissé. « J’ai refusé de signer un papier concernant la montée du prix des engrais. Boubou m’a dit : ‘Tu vas voir !’ Et quelques jours plus tard, j’ai été interpellé et conduit au pôle économique et financier ».
Pour son avocat, Saïbou Togola, les juges ont rendu une décision courageuse en acquittant Bakary Togola et ses onze co-accusés. « Ils ont été jugés sur la base des articles 106 et 107 du code pénal pour fautes dans la gestion des coopératives. Or, selon la législation communautaire [OHADA], les biens des coopératives et des sociétés ne sont pas des biens publics mais sociaux. La base des poursuites n’était pas bonne. Et dans un cas comme le notre, aucune peine n’est prévue », explique celui qui a plaidé la nullité de la procédure dès le départ.
Businessman épris de politique
L’affaire a fait grand bruit au Mali à cause de l’image du principal accusé. Bakary Togola s’était construit une légende de self-made-man. Devenu riche businessman, il s’était aussi mêlé de politique. D’abord proche du président Amadou Toumani Touré, il s’était ensuite rallié à IBK et s’était montré très actif lors de la campagne de 2018.
Lorsque les poursuites commencent, un an plus tard, c’est Mahamadou Kassogué, alors chef du parquet financier qui avait placé Bakary Togola en détention, pour des faits de « corruption » et de « détournements de deniers publics ». Devenu ministre de la Justice sous le gouvernement de transition, il est désormais un des visages de la lutte contre la corruption que promet de mener le régime.
Lutte contre la corruption
Début septembre, il a promis « d’engager sans état d’âme une lutte contre la corruption et la délinquance financière ». Le Premier ministre, Choguel Maïga, a renchérit en août face au Conseil national de transition (CNT) en annonçant une « gouvernance de rupture et d’exemplarité ».
Des déclarations de bonnes intentions que relativise l’ancien ministre de la justice Mamadou Ismaïla Konaté : « Au plan politique, on a décidé de mener une lutte implacable contre la corruption mais les voleurs ne prescrivent pas les médicaments qui vont les empêcher de voler. »
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