Yasmina Baddou, secrétaire d’État à la Famille

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Bottes écarlates, chemise du même ton et tailleur gris à la dernière mode parisienne : Yasmina Baddou porte élégamment sa quarantaine toute récente. Madame la ministre chargée de la Famille, de la Solidarité et de l’Action sociale est une femme comme le Maroc en produit peu : mariée à 17 ans, contre l’avis de ses parents, elle a mené de front carrière (elle est avocate), famille (elle a trois filles, de 18, 16 et 10 ans, qui sont « sa fierté »)… le tout avec force détermination. À peine installée pour l’interview, elle reçoit un appel de son mari : « As-tu tout préparé pour ma réunion de travail de ce soir ? » En un coup de fil, la maîtresse de maison règle l’organisation de la réception, puis sourit pour s’excuser et commence à se raconter. « J’ai toujours relevé des défis : mariée tôt, il m’a fallu prouver que je pouvais mener à terme mes études et avoir en même temps une vie familiale, élever mes enfants. » Après un troisième cycle en droit des affaires passé à la faculté de Casablanca, elle se présente au barreau. Dès l’âge de 25 ans, elle s’implique au sein du parti de l’Istiqlal, le parti historique du Maroc, dont son père, ex-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, fut membre du comité exécutif. De simple militante, elle devient secrétaire de section, puis gravit les échelons jusqu’aux élections législatives de septembre dernier. Tête de liste de la circonscription Casablanca-Anfa, elle mène sa campagne tambour battant, sillonne sans relâche les rues à la rencontre des électeurs. « Une période passionnante, et épuisante : je ne dormais que deux ou trois heures par nuit. » Son engagement fait mouche : Yasmina Baddou remporte haut la main son siège de député. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais son nom commence à circuler lors de la composition du nouveau gouvernement. On lui demande son curriculum vitae : « Je n’y croyais pas vraiment, on l’a demandé à beaucoup d’autres personnes. » On lui fait alors une proposition qu’elle ne peut refuser : le secrétariat d’État à la Famille, à la Solidarité et à l’Action sociale, qu’elle cumulera avec son siège de député. Un regret, tout de même, pour cette femme ambitieuse : « J’aurais préféré que l’on me propose la Justice, la Jeunesse et les Sports ou, en dernier lieu, la Culture. » Il n’empêche, Yasmina Baddou s’accommode très bien de son ministère, qu’elle dirige avec toute la fermeté qui la caractérise. Sans, bien entendu, négliger ses électeurs. « Habitant toujours à Casablanca, je fais quotidiennement la navette pour me rendre à Rabat. Le soir, avant de rentrer à la maison, je m’arrête systématiquement au siège de ma circonscription pour rencontrer mes électeurs ». Ses yeux s’animent lorsqu’elle parle des grands objectifs que se fixe son département : « Je dois m’occuper de toute l’action sociale, des enfants en situation de détresse, des enfants handicapés… Il y a un vide législatif qu’il faudra combler. Nous allons élaborer un code de protection de l’enfant, mettre en place des centres d’accueil, former des assistantes sociales… » Avec courage, elle s’attelle à ce défi, aidée par les organisations non gouvernementales impliquées sur le terrain. La ministre devient inflexible lorsqu’il s’agit de parler de la condition féminine dans le royaume : « Notre loi est obsolète. Il est aujourd’hui nécessaire de la réformer, dans le cadre de nos convictions morales et religieuses. Cela n’est pas incompatible. » Et de se féliciter de la nomination par le roi de M’Hammed Boucetta, ex-secrétaire général du parti de l’Istiqlal, à la tête de la commission de réforme de la Moudawana, le code de statut personnel marocain. Yasmina Baddou n’hésite pas à dire ce qu’elle en pense : « Je suis contre la polygamie, mais la loi devra tout réformer en douceur. Pour être effective, une réforme doit coller aux réalités du pays. » Debout tous les jours à 5 heures du matin, elle commence invariablement sa journée en faisant du sport, avant de partir pour Rabat. « Je suis une sportive, et j’aime par-dessus tout l’endurance »…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires