Covid-19 : face au variant Omicron, le Maroc se barricade

Le Royaume a décidé de suspendre tous les vols commerciaux pendant quinze jours. Bien que les indicateurs sanitaires soient au vert et ceux du tourisme au rouge, Rabat poursuit ainsi sa stratégie du principe de précaution maximale contre le Covid-19.

L’aéroport international Mohammed-V, à Casablanca. © JALAL MORCHIDI/AFP

L’aéroport international Mohammed-V, à Casablanca. © JALAL MORCHIDI/AFP

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Publié le 30 novembre 2021 Lecture : 6 minutes.

Face à la menace d’une cinquième vague de coronavirus, et pour se protéger du nouveau variant Omicron, le Maroc a choisi tout bonnement de se « bunkériser » en fermant l’ensemble de ses frontières aériennes et maritimes, et en suspendant toute liaison internationale – dans les deux sens, en provenance et à destination du Royaume – à partir du lundi 29 novembre à 23h59. C’est l’un des premiers pays au monde à avoir pris une telle mesure, avant le Japon et Israël.

La décision, annoncée un jour à peine avant son entrée en vigueur, a pris de court des milliers de personnes qui séjournaient (ou s’apprêtaient à voyager) au Maroc ou dans d’autres pays, faisant souffler un vent de panique sur les compagnies aériennes, les agences de voyage, les sites de réservation de billets d’avion, etc. Entre annulations, reports des vols et recherche désespérée de places, la tension est à son comble, dans les aéroports comme sur les réseaux sociaux.

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Vent de panique

Plusieurs compagnies aériennes, dont Air France et Royal Air Maroc, ont ainsi augmenté leur nombre de vols avant la fermeture de l’espace aérien, et des avions supplémentaires ont été affrétés pour permettre à un maximum de passagers d’embarquer avant l’heure fatidique. Mais la plupart des intéressés ne décolèrent pas.

Selon l’ambassadrice de France, les vols spéciaux opérés par Air France et Transavia seront « soumis à autorisation ».

« Nous essayons au maximum de les rassurer, en leur proposant des alternatives comme un avoir utilisable pendant douze mois, une modification de dates sans pénalité quand ils ont la possibilité de reporter leur voyage, ou en expliquant qu’il y aura des vols spéciaux pour rapatrier ceux qui n’ont pas pu trouver de solution à temps », témoigne ce responsable de comptoir de la Royal Air Maroc à Marrakech.

L’ambassadrice de France au Maroc Hélène Le Gal a confirmé, elle aussi, que des rapatriements sont prévus : « Des vols spéciaux sont mis en place pour les personnes n’ayant pas pu rentrer en France. » Selon la diplomate, ces vols, opérés par Air France et Transavia, seront « soumis à autorisation ». Mais pour le moment, les compagnies aériennes attendent toujours le feu vert des autorités marocaines.

Cela signifie que le programme de vols spéciaux d’Air France, largement partagé sur les réseaux sociaux, n’est ni validé ni officiel. « Nous sommes dans l’attente des modalités applicables à compter du 30 novembre 2021, et notre programme sera mis à jour dès que possible », a annoncé Air France.

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De son côté, l’ambassade de Belgique déclare ne pas disposer d’informations sur de possibles vols de retour. « Dès que de nouvelles informations seront disponibles, celles-ci seront publiées sur notre compte Facebook. »

Résultat, le flou règne. « Les clients sont très anxieux, stressés à l’idée de rester bloqués comme en mars 2020, et certains se montrent même agressifs, car le traumatisme du premier confinement et des blocages, qui ont parfois duré plusieurs semaines, est encore très présent », explique une directrice d’agence de la Royal Air Maroc. « Le choc est d’autant plus marqué qu’ils ne s’attendaient pas, dans leur grande majorité, à cette fermeture, et avaient planifié des vacances de Noël en Turquie, en Israël… sans compter les pèlerinages à La Mecque. »

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« Un bouclier contre le nouveau variant »

Mais si cette mesure, pour le moins drastique, de fermer l’ensemble des frontières du Maroc n’est pas bien comprise, voire mal acceptée par la population, elle est cohérente avec la stratégie de gestion de la pandémie adoptée par le Royaume depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020.

« Le Maroc, sous la conduite du roi Mohammed VI, a érigé ce “principe de précaution maximale” comme ligne de crête de son action contre le Covid-19. Et cette décision de suspendre tous les vols entrants et sortants pour quinze jours afin de déployer un “bouclier” contre le nouveau variant et protéger les populations s’inscrit dans la continuité de cette politique », précise le président de l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique, Abdelmalek Alaoui.

Et de poursuivre : « Je pense que d’autres pays s’achemineront vers ce schéma dans les jours à venir. Car même si certains pays, notamment européens, ont parfois critiqué cette ligne d’ultra précaution, l’on observe que les faits donnent davantage raison au Maroc qu’à l’Europe, où les contaminations reprennent de plus belle. »

Le Royaume a choisi de privilégier la santé, en adoptant une approche radicale et en se barricadant

Le nouveau variant Omicron, qui serait plus contagieux que le variant Delta, selon les premières données connues, a déjà été détecté dans une dizaine de pays d’Afrique et d’Europe. Mais il n’est pas encore apparu au Maroc, selon Mouad Merabet, coordonnateur du Centre national des opérations d’urgence de santé publique au ministère de la Santé, qui s’est exprimé dans les colonnes du journal marocain en ligne Médias 24.

Un coup fatal au tourisme

En fermant ses frontières, le Royaume, dont les indicateurs sanitaires sont encore au vert – ce lundi 29 novembre, le pays dénombrait 53 nouveaux cas de Covid et 1 décès –, espère surtout empêcher l’entrée du nouveau variant, qualifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de « préoccupant », ou tout au moins la retarder au maximum. Car comme l’explique le professeur Azzedine Ibrahimi, directeur du laboratoire de biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, dans un post sur sa page Facebook, « le Maroc ne fera pas exception. Le variant finira par y être détecté. Le risque d’une éventuelle contamination se rapproche ».

Face à cette perspective, le Royaume a choisi de privilégier la santé en adoptant une approche radicale et en se barricadant. Au risque de porter un coup fatal au tourisme, qui commençait à peine à sortir la tête de l’eau.

« L’optimisme était revenu dans le secteur, il y a eu du monde pendant les vacances de la Toussaint, et déjà beaucoup de réservations pour les vacances de fin d’année. Là, c’est terminé. Le tourisme local ne peut rien changer au marasme, c’est une rustine.  Les touristes locaux ne font tourner que l’hôtellerie, mais pas le reste de l’écosystème – guides, transporteurs, tour-opérateurs, etc. », se désole Fouzi Zemrani, tour-opérateur à Marrakech et ex-vice président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), dont le mandat s’est achevé récemment.

 Des aides insuffisantes

« C’est fatigant. Vraiment. Surtout que cette suspension de 15 jours sera probablement renouvelée et que la situation pourrait très bien durer trois mois ou plus, le temps que des vaccins soient mis au point pour affronter le nouveau variant. Il faudra attendre au moins le début de l’été pour espérer rebondir », soupire-t-il, même s’il concède qu’il comprend le gouvernement, « qui a très peur d’une nouvelle vague, comme ce qu’on a pu voir cet été ».

Comme d’autres opérateurs, il est convaincu que cette nouvelle fermeture des frontières porte l’estocade au secteur touristique et que de nombreuses entreprises pourraient faire faillite, malgré les aides annoncées par le département dirigé par Fatima-Zahra Ammor.

Le manque à gagner pour le secteur touristique est énorme et se chiffre en milliards de dirhams

« Il s’agit en fait de mesures qui avaient été négociées avec l’ancienne ministre du Tourisme, Nadia Fettah Alaoui. Le mécanisme d’aide avait été arrêté le 30 juin 2021. Ces aides vont à nouveau être distribuées pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre. Mais cela ne suffira pas, car le manque à gagner est énorme et se chiffre en milliards de dirhams. Il faudrait un plan de soutien bien plus important », observe cet autre opérateur, désabusé. « Nous avons peu d’espoir que les autorités fassent quoi que ce soit pour changer la donne. »

Un point de vue partagé par Fouzi Zemrani : « Dans le secteur, nous sommes livrés à nous-mêmes, nous n’avons aucun contact avec l’actuelle ministre, aucune réunion de crise… » La saison hivernale s’annonce pour le moins morose…

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