Affaire Miss Sénégal : aucune inculpation, malgré l’indignation
Quand un viol dénoncé par Miss Sénégal 2020 n’inspire pas de compassion spontanée de la présidente du Comité d’organisation du concours de beauté, c’est la question d’une apologie des agressions sexuelles qui est posée au pays de la Teranga.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 1 décembre 2021 Lecture : 2 minutes.
L’occidental #MeToo aurait, selon certains, suscité un excès de solidarité féminine automatique parfois à l’origine de lynchages prématurés de mâles présumés innocents. Si l’on en croit une récente polémique sénégalaise, l’Afrique verserait dans l’écueil inverse : banaliser les agressions sexuelles par ce qu’il devient commun de nommer « la culture du viol ». Lorsque Ndèye Fatima Dione, Miss Sénégal 2020, évoqua l’agression sexuelle qu’elle aurait subie, dans le cadre du concours, elle se vit répondre : « Si on te viole, c’est que tu l’as cherché ». Réponse non pas du berger à la bergère, mais d’une autre bergère…
C’est lors d’un voyage organisé par le Comité d’organisation de Miss Sénégal que Ndèye Fatima Dione, déjà gagnante de l’édition 2020, aurait été violée et serait tombée enceinte, selon ses révélations de mi-novembre. Le 18 du même mois, plus corporatiste que féministe, la présidente dudit comité déclare que Ndèye Fatima Dione « l’aurait cherché », ce crime qui, selon ses dires, « implique deux personnes ». Ajoutant publiquement que « majeure, elle n’a qu’à porter plainte », Amina Badiane embouche une trompette bien connue : les jeunes femmes agressées devraient s’interroger sur leurs accoutrements ou leurs comportements…
Inertie du parquet
Très rapidement, et malgré des excuses présentées, dès le lendemain, par la présidente du comité, la polémique grandit. Des associations féministes dénoncent une « apologie du viol ». Ces dernières – notamment la plate-forme Ladies Club Sénégal – lancent une pétition pour exiger la dissolution du comité et décident de porter plainte contre Amina Badiane, auprès des ministères de la Culture et de la Femme et auprès des comités internationaux de Miss Univers et Miss Monde. Le 24 novembre, c’est une plainte collective qui est déposée au tribunal de Dakar. Et les militantes de rappeler que, tout autant que le crime, « l’apologie du crime » est mise à l’index dans le code pénal.
Les réseaux sociaux et les médias suscitent de multiples témoignages, notamment de la part de plusieurs candidates du concours de beauté. Ces dernières rapportent des pratiques malsaines, voire des agressions, au sein du comité d’organisation, allant d’invitations à dîner à des attouchements, en passant par des propositions de « promotion canapé ». Des habitudes qui flirteraient même avec le proxénétisme. Le sponsor CFAO Motors Sénégal a mis fin à son partenariat noué avec l’événement. Et le hashtag #JusticepourFatima est apparu…
Au-delà du cas du concours de beauté, le débat permet de soulever la tendance à incriminer les victimes dans le déroulement des viols. Mais si la pétition contre Amina Badiane a réuni environ 70 000 signatures, le parquet, lui, ferait preuve d’inertie. Selon l’Association des juristes sénégalaises (AJS), citée par le quotidien français Libération, plus de 1 200 cas de viols et de pédocriminalité auraient pourtant été commis dans le pays entre janvier et novembre 2019….
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