Place au privé

Le rôle de l’État consistera désormais à encadrer les programmes de construction plus qu’à les réaliser lui-même

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

La crise du logement est patente, fruit d’une hausse démographique constante et d’une urbanisation galopante : il manquerait aujourd’hui, au Maroc, quelque 700 000 habitations. Après des décennies de tergiversations et l’abandon d’un programme de construction de 200 000 logements lancé par Hassan II, l’État s’engage enfin dans un ambitieux programme de réformes.
Première décision, entérinée par le ministère de l’Habitat au début du mois de mars : la restructuration des organismes sous tutelle, soit sept Établissements régionaux d’aménagement et de construction (Erac). Leur gestion, qui dépendait jusqu’à présent du ministère de l’Habitat, a souffert des classiques lenteurs et pesanteurs de l’administration marocaine. Pour plus d’efficacité et une meilleure productivité, les Erac passeront désormais à un régime juridique privé, en devenant des sociétés anonymes (SA) à directoire et conseil de surveillance présidées par le wali (préfet) de la région. Neuf nouveaux Erac vont être constitués, et ce sous forme de SA dès le départ. Ils dépendront, comme les autres, directement du wali, donc du ministère de l’Intérieur. Cela va dans le sens de la politique annoncée l’an dernier par le roi Mohammed VI, qui affirmait que les walis disposeraient d’un pouvoir supérieur à celui des ministres.
Toujours pour les soulager de cette pesanteur administrative, d’autres structures sous tutelle de l’État vont fusionner. Ainsi, de puissants organismes comme la Société nationale d’équipement et de construction (Snec), l’Agence nationale de lutte contre l’habitat insalubre (Anhi) ou encore la société Attacharouk (aménagement, construction et promotion immobilière) ne formeront plus qu’une seule entité, dont le nom n’est pas encore connu. L’activité principale de ces établissements portera désormais essentiellement, et c’est là le noeud de la réforme, sur l’aménagement de zones d’habitations, de zones touristiques ou industrielles. Ils ne pourront plus lancer des programmes de construction de logements sociaux, sauf cas exceptionnel, c’est-à-dire si la rentabilité du projet est clairement démontrée. L’État souhaite, par cette nouvelle politique, encourager l’initiative privée et conclure des partenariats. De grands chantiers seront lancés avec l’aide du secteur privé. Un projet de nouvelle zone périurbaine à Casablanca vient ainsi d’être engagé. Il prévoit la construction de près de 400 000 logements.
Taoufik Hjira, le nouveau ministre du Logement et de l’Urbanisme, s’est montré très clair sur le nouvel axe défini : « Le rôle de l’État consistera à encadrer et non à produire des logements », a-t-il précisé lors d’une récente réunion avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM, syndicat patronal). La réalisation de 100 000 logements sociaux par an est l’un des principaux objectifs que s’est fixés le gouvernement de Driss Jettou. Des pourparlers sont en cours avec le lobby des promoteurs immobiliers de la Fédération nationale de l’immobilier (FNI) pour définir sa faisabilité. L’opération devrait se faire dans le cadre d’un contrat-programme.
Reste que l’État aura à montrer sa bonne volonté pour séduire les investisseurs privés. Ceux-ci ne manquent pas de se plaindre de la hausse des prix des matériaux de construction, due, selon eux, aux taxes excessives sur le ciment et le fer à béton. Ainsi, Miloud Chaâbi, président du Holding Ynna et l’un des principaux promoteurs privés du royaume, écrivait-il dans une lettre ouverte publiée le 6 février dernier par le quotidien L’Économiste : « Le ciment marocain est le plus cher du monde. […] Cette situation que connaît le secteur de l’habitat n’encourage nullement à l’engagement dans des projets de construction ». Le ton est donné…

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