Opération séduction

Rabat espère qu’une approche plus souple et moins centralisée permettra d’attirer davantage de capitaux étrangers.

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Il n’y a, en la matière, pas encore de quoi pavoiser : le royaume a beau se classer parmi les pays africains attirant le plus de capitaux étrangers, le total des investissements directs étrangers (IDE) n’y a guère dépassé, sur l’ensemble de la dernière décennie, 4 % du Produit intérieur brut (PIB). Longtemps proches de la barre des 5 milliards de dirhams par an (près de 500 millions d’euros), ces IDE ont entamé une phase ascendante vers la fin des années quatre-vingt-dix. Mais cette hausse s’est faite en dents de scie : à certaines années, excellentes, ont succèdé d’autres, un peu plus moroses.
Les années « fastes » ont en réalité été le fruit d’opérations financières exceptionnelles liées à des privatisations d’envergure. Ainsi, près de 60 % des investissements réalisés en 1999 – soit une « cagnotte » de 10,8 milliards de dirhams – proviennent de l’achat de la deuxième licence de téléphonie mobile GSM par le consortium Meditelecom, regroupant l’espagnol Telefónica et le portugais Portugal Telecom. Même scénario deux ans plus tard, lorsque le groupe français Vivendi Universal acquiert quelque 35 % du capital de Maroc Télécom, premier opérateur téléphonique du pays, à l’occasion de sa privatisation. Une manne pour les finances chérifiennes : le produit de cette acquisition – 23,3 milliards de dirhams – représente plus de 70 % des investissements étrangers réalisés cette année-là. Cette performance record – 33,2 milliards de dirhams d’investissements et de prêts étrangers au total – a même permis au pays de devenir la seconde destination de capitaux sur le continent en 2001, après l’Afrique du Sud.
Les IDE au Maroc ne se limitent pourtant pas au seul secteur des télécommunications. Bénéficiaires : l’industrie – principalement du textile et du cuir – (2,5 milliards de dirhams en 2001), le commerce (1,2 milliard de dirhams), l’immobilier (865 millions de dirhams) et les banques (358 millions de dirhams). Le tourisme reste, malgré son vaste potentiel, relativement faible (344 millions de dirhams). Sans surprise, c’est l’Union européenne, principalement la France, l’Espagne et les Pays-Bas, qui représente le premier investisseur dans le royaume, avec une part de marché de 65 % en 2001. Viennent ensuite, loin derrière, les États-Unis (3,3 %) et la Suisse (1,3 %). La part des autres pays du Maghreb est plus que marginale : 74,9 millions de dirhams pour l’Algérie, 70,1 millions pour la Tunisie et 5,9 millions pour la Libye…
Le gouvernement marocain souhaite donner un coup de fouet à ces investissements étrangers, jugés peu satisfaisants et par trop irréguliers. En janvier 2002, le roi Mohammed VI annonçait solennellement la création de seize Centres régionaux d’investissements (CRI). Un an plus tard, la plupart sont opérationnels. Dans ce cadre a été renforcé le pouvoir décisionnel des walis, ces préfets de région qui présentent depuis l’avènement au pouvoir du jeune souverain un profil de gestionnaire plus que de politique. Mesures longtemps attendues par les investisseurs, le soutien à la création d’entreprise et l’aide aux investisseurs devraient permettre d’alléger les procédures administratives, encore trop souvent pénalisantes et dissuasives. À terme, un « guichet unique » devrait même voir le jour, et un autre organisme prodiguera aux candidats toutes les informations pratiques (procédures juridiques, statut foncier, etc.) dont ils pourraient avoir besoin.
Symbolisant une nouvelle approche de l’investissement, plus souple et moins centralisée, les CRI permettront, du moins l’espère-t-on à Rabat, d’attirer davantage de capitaux étrangers vers le Maroc. Ce qui se révèle plus qu’une nécessité si le royaume veut donner un vrai sens aux privatisations et au développement des grands chantiers (touristiques, portuaires…) en cours et à venir. La privatisation de la Régie des tabacs, par exemple, est déjà en cours. L’appel d’offres international, qui vient d’être lancé, devrait aboutir en juin prochain. Et l’opération pourrait rapporter 6,4 milliards de dirhams à l’État.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires