Nawal el-Moutawakel : de la piste olympique aux chemins de l’école

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

La « petite Nawal », comme la surnommaient affectueusement ses coéquipiers et entraîneurs, est devenue grande. Dix-neuf ans après son exploit de Los Angeles, Nawal el-Moutawakel a réussi une brillante reconversion. Première athlète marocaine, arabe, africaine et musulmane à décrocher une médaille d’or aux jeux Olympiques – sur 400 mètres haies -, elle est aujourd’hui directeur exécutif de la Fondation BMCE Bank pour l’éducation et l’environnement, membre du Comité international olympique (CIO), où elle représente les athlètes, et s’est impliquée dans le milieu associatif. « Ma médaille m’a ouvert des horizons insoupçonnés. Elle a marqué le début d’une nouvelle carrière, celle de militante. J’ai voulu m’en servir comme d’un tremplin pour promouvoir le rôle de la femme dans le sport, mais aussi dans la société. Je voulais montrer qu’un athlète savait faire autre chose que courir et pouvait dire des choses intelligentes. La vision de ces grands champions, qui, dès qu’ils raccrochaient, sombraient dans l’oubli, m’avait marquée. Je ne souhaitais pas offrir cette image à mon tour. »
Nawal a arrêté le sport de haut niveau à 25 ans. Ce qui a fait dire à ses détracteurs, qui oublient au passage ses cinq titres continentaux, qu’elle n’a été que « la femme d’une course ». Mais quelle course ! La finale des J.O. 1984. Elle fait remonter le début de son aventure olympique un an plus tôt, et attribue une importance décisive à son titre méditerranéen gagné à Casablanca, en 1983 : « La compétition, jouée à domicile, touchait à sa fin, et aucun Marocain n’avait encore triomphé. J’ai senti l’attente de tout un pays. À Los Angeles, le niveau était beaucoup plus élevé, mais la pression était sur mon adversaire, l’Américaine Judy Brown. Moi, je désirais bien figurer, mais la principale question que je me posais était : est-ce que les gens regarderont la course au Maroc ? Avec le décalage horaire, il y était 2 heures du matin. La victoire était irréelle ; après mon tour d’honneur, Sa Majesté Hassan II m’a appelée. Je n’en revenais pas qu’il ait pu regarder l’épreuve. Avant le départ pour les États-Unis, le roi avait reçu la délégation d’athlètes. Nous étions une trentaine, j’étais la seule femme, et il a eu ces mots prémonitoires : « Je suis sûr que l’un ou l’une d’entre vous rapportera au moins une médaille d’or. » Ça donne envie de se surpasser. Finalement, avec Saïd Aouita, on en a ramené deux ! »
Puis la lassitude a pris le pas sur l’envie, à mesure que les saisons gâchées par les blessures s’accumulaient. Sans regrets, Nawal raccroche en 1987-1988, termine ses études en éducation physique et kinésithérapie, se marie, fonde une famille. Et s’engage au sein des instances fédérales nationales et internationales : « L’athlétisme dirigeant a été, pendant quatre-vingt-quatre ans, un monde exclusivement masculin. La non-reconnaissance du rôle de la femme dans le sport était anormale. Depuis sept ans, le CIO entrouvre la porte et, malgré les réticences que cela suscite, fixe un quota de 10 % de femmes dans les fédérations. C’est un début, il faut s’engouffrer dans la brèche. » Du côté marocain, en tout cas, Nawal n’a pas à se plaindre. En août 1997, elle est invitée, avec trois autres femmes, à participer au gouvernement apolitique d’Abdellatif Filali – une première dans l’histoire du pays. Jusqu’en février 1998, elle est secrétaire d’État à la Jeunesse et au Sport, une expérience brève, mais passionnante.
Othmane Benjelloun, le président de la BMCE, fait sa connaissance et lui confie la supervision des activités de la fondation créée par la banque, qui scolarise quatre mille enfants dans cinquante-cinq écoles en milieu rural. Un retour aux sources : le père de Nawal, qui n’a eu de cesse de l’encourager quand elle courait, était cadre dans cette même banque. Enfin, la championne organise aussi chaque année, en mai, avec l’association Sport et Développement, « la course des femmes de Casablanca ». La manifestation amicale, patronnée par la princesse Lalla Meriem, a rassemblé dix mille participantes l’an dernier, la plus forte affluence enregistrée pour une épreuve de ce type. Son programme tient en peu de mots : « courir pour le plaisir »…

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