Nabil Benabdellah, ministre de la Communication

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement : Nabil Benabdellah, communiste rénovateur et fervent monarchiste, a hérité d’un poste très exposé. Un honneur, mais pas vraiment un cadeau. Ce responsable du Parti du progrès et du socialisme (PPS) se sait attendu au tournant : il doit orchestrer la libéralisation de l’audiovisuel. Ancien journaliste – il a été directeur d’Al Bayane, le journal du PPS, de 1997 à 2000 -, il aimerait aussi améliorer le mode de fonctionnement de la presse et l’amener à se professionnaliser. Un enjeu vital : les ventes de quotidiens, sur fond de ravageuses polémiques confraternelles, ne cessent de chuter. Elles sont aujourd’hui inférieures à 300 000 exemplaires par jour, tous organes confondus, soit moins que le tirage du seul quotidien algérien Al Khabar. Mais pas question de réformer à la hussarde : les changements se feront dans la concertation ou ne se feront pas. Alors que le souvenir de l’interdiction de trois hebdomadaires, en septembre 2000, reste vivace, Benabdellah refuse par avance de cautionner de telles décisions : « Je ne crois ni en la censure ni en la saisie. Mais la liberté d’expression doit se pratiquer avec responsabilité, et les journalistes ne sont pas au-dessus des lois. Ils doivent admettre l’idée qu’ils puissent être attaqués en diffamation, au lieu de se défausser en criant au procès politique dès qu’un problème surgit. »
Enfant de Rabat, Benabdellah a poursuivi sa scolarité au lycée Descartes (bac littéraire). De son père, nationaliste tendance moderniste et cadre du Parti démocrate de l’indépendance (Hezb Ech-Choura), il a hérité de la fibre politique. C’est à Paris, où il fait ses études supérieures, qu’il s’épanouit dans le militantisme. « À Descartes, mes camarades vivaient dans une bulle, ils n’avaient jamais entendu parler de la Marche verte », se souvient-il, amusé. Il se forme à l’Union nationale des étudiants marocains (Unem), la centrale syndicale de gauche. Rationaliste, il est séduit par l’approche développée par le PPS, auquel il adhère en 1978. « Notre lecture du communisme était critique et refusait tout dogmatisme. Nous adaptions la doctrine socialiste à la réalité marocaine, à la monarchie et à la cause nationale. » Très actif, couche-tard et lève-tôt, il s’investit dans la vie de l’organisation et monte rapidement en grade. Son diplôme de droit obtenu, il rentre à l’Inalco (l’institut des langues orientales), la voie royale pour embrasser la carrière diplomatique. Mais en 1985, Benabdellah doit retourner au Maroc pour soutenir son père malade et reprendre son cabinet d’interprétariat et de traduction.
Au PPS, sa trajectoire est météorique : responsable de la jeunesse, il accède, en 1988, au comité central du parti ; en 1995, à 37 ans, il entre au bureau politique. Couvé par Ali Yata, le leader historique du PPS, il incarne le rajeunissement des cadres, participe avec ferveur à la mutation du mouvement en un parti de gouvernement, mais s’oppose aux tentatives de récupération orchestrées par Tami Khiari. Celui-ci, qui entendait transformer l’organisation en vulgaire « parti de l’administration », compromis et notabilisé, finira par faire scission. En 1997, à la mort d’Ali Yata, il assure l’intérim à Al Bayane et, ne trouvant pas de remplaçant, s’installe aux commandes du journal, à titre bénévole. Une expérience usante et frustrante, la base se montrant réticente à la transformation du titre en une publication indépendante, militante, mais non liée organiquement au parti. En octobre 2000, il rend son tablier, dépité, et pense se consacrer entièrement à son cabinet de traduction. Finalement, il continue et prend en charge la communication du PPS. Pressenti pour être tête de liste à Rabat, avec de vraies chances de succès, aux législatives de 2002, il décline l’offre : « Je ne me suis pas senti la force. Et, autant le reconnaître, les élections, ça coûte cher. Mes trois ans de bénévolat à Al Bayane m’avaient suffisamment coûté… »

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