Mohamed Cheikh Biadillah, ministre de la Santé

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Drôle de parcours que celui de Mohamed Cheikh Biadillah. Sahraoui né à Smara en 1949, il quitte brutalement son univers d’enfant à l’âge de 7 ans : la répression coloniale espagnole fait rage, et son père, juge respecté et nationaliste convaincu, décide de l’envoyer à Casablanca entamer ses études primaires. C’est son oncle, colonel de l’armée marocaine, qui lui fait office de guide et de tuteur légal. Il est inscrit à l’école privée Bennis. Interne, il obtient de bons résultats, mais se distingue par son indiscipline. « J’étais un élève difficile, se remémore-t-il en souriant, sans doute une façon pour moi de me rebeller contre la séparation. » Après Casablanca, son oncle le conduit au collège Mohammed-Cheikh de Bouizekarne, au sud d’Agadir, puis à Agadir même, où il poursuit ses études secondaires. Il s’y montre tout aussi brillant… et tout aussi indiscipliné. L’année du baccalauréat, le voici à Rabat, au prestigieux lycée Moulay-Youssef. Jugé « élément perturbateur », il change trois fois d’internat dans l’année, mais décroche son diplôme. Il est temps, pour lui, de retrouver le Sahara et ses parents, qu’il n’a pas revus depuis dix ans pour cause de frontière parfaitement étanche.
Avec des camarades dans la même situation, il fait le siège à la frontière, dans l’attente d’un sauf-conduit. Au bout d’un mois, on les autorise enfin à aller voir leur famille… pendant cinq jours. Révoltée, l’équipée, une fois sur place, se met à haranguer les passants pour les convaincre de lutter pour la marocanité de leur territoire. Les Espagnols expulsent immédiatement ces perturbateurs. Biadillah n’aura revu sa famille qu’une seule nuit : c’est le début d’une vie de militant. De retour à Rabat, il s’inscrit à la faculté de médecine. Il est de toutes les manifestations pour défendre la cause du Sahara, et se fait régulièrement bastonner par la police. Nous sommes alors au début des années soixante-dix. La monarchie tangue, secouée par deux coups d’État successifs, le monde est en pleine ébullition… Des portraits de Che Guevara, Martin Luther King ou Nelson Mandela emplissent les chambres d’étudiants… « Ces combats pour la liberté dans le monde nous inspiraient, se souvient Mohamed Cheikh Biadillah. Nous étions les produits de cet environnement. »
Le jeune Sahraoui, à qui ses convictions et son jeune âge donnent des ailes, se lance alors dans une folle expédition. En 1973, il prend une année sabbatique alors qu’il doit passer son internat de médecine et décide d’aller en Mauritanie, à la rencontre de Mohamed Abdelaziz, le leader du Polisario, qui créera la République arabe sahraouie démocratique (RASD) trois ans plus tard. L’indépendantiste est alors emprisonné avec deux de ses lieutenants. Biadillah se fait volontairement embastiller pour pouvoir le rencontrer, et lui transmet un message, celui de « réintégrer le royaume du Maroc, [de] ne pas se lancer dans cette entreprise séparatiste ». Libéré, il revient à Rabat, reprend ses études de médecine et s’implique de plus en plus dans la vie publique marocaine. Alors qu’il suit son internat, en 1975, il part pendant trois mois à New York en tant que pétitionnaire pour défendre devant l’Organisation des Nations unies la marocanité du Sahara face aux indépendantistes. Lesquels comptent dans leurs rangs le propre frère de Biadillah, aujourd’hui membre influent du Polisario.

Rentré au Maroc, il passe son examen d’interne en médecine et décide de se présenter aux élections législatives. Entre-temps, Hassan II a lancé sa Marche verte, et le Sahara est revenu au Maroc. Sa carrière de député, menée de front avec celle de gastro-entérologue, commence en 1977. Sept ans plus tard, il gagne un second mandat. Ces longues années au Parlement, où il est régulièrement élu à la tête de diverses commissions, des Affaires étrangères à l’Équipement, font de Mohamed Cheikh Biadillah un serviteur de l’État de plus en plus apprécié. Le 20 août 1992, Hassan II le nomme gouverneur de la préfecture de Salé. Durant six ans, il s’attelle à faire renaître cette ville moribonde… En 1998, nouvelle promotion : le monarque le nomme cette fois wali de la région de Safi. Il occupait encore ce poste le 6 novembre dernier, veille de la nomination du gouvernement Jettou, quand ce dernier l’appelle pour lui annoncer qu’il est le nouveau ministre de la Santé et lui demande de se rendre séance tenante à Rabat. « Je pensais que j’allais être nommé gouverneur de Laayoune, mais c’était là mon destin, résumé en quatre S : Smara, Salé, Safi, Santé. » Il en reste un cinquième : Sahara, un thème qu’il connaît, dit-il, « sur le bout des doigts ».

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