Marques de fabrique

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Bonne nouvelle pour les Marocains : cette année, la croissance économique va atteindre les 4 %, voire plus. Moins bonne nouvelle pour les mêmes sujets de Sa Majesté : ce taux, en apparence séduisant, ne modifiera guère leur quotidien, si ce n’est un modeste frémissement qui risque de passer inaperçu tant le déficit est grand. Tout au plus permettra-t-il de contenir la hausse des prix de certains légumes et autres aliments de base, et de ralentir l’exode rural. Sur les fronts de l’emploi, de l’investissement, de la création d’entreprises, de la lutte contre la pauvreté ou de l’amélioration des services sociaux, le déclic tant attendu continuera de se faire attendre. À qui la faute ? Ne vous aventurez jamais à poser cette question à vos interlocuteurs marocains, car la réponse est majoritairement et… politiquement très incorrecte.
Beaucoup en effet vous rappelleront les tares congénitales du Makhzen, ce fameux système de gouvernement pour lequel les Marocains détiennent une exclusivité mondiale, et dont un certain nombre se seraient bien passés. Parmi ces tares : le comportement de l’administration qui, le plus souvent, annihile toute velléité de progrès ; la corruption, cause de ravages à tous les étages du système ; l’absence d’une justice digne de ce nom qui fausse bien des règles du jeu et fragilise un tissu social déjà mal en point ; enfin, une inégalité de distribution des revenus qui en devient parfois indécente tant elle est choquante. Quand le pouvoir d’achat varie parfois de 1 à 10 000, la situation peut vite devenir ingérable.
Les plus optimistes, malheureusement moins nombreux – et l’auteur de ces lignes tente encore d’en faire partie -, vous feront part des atouts incroyables dont le Maroc dispose et qui pourraient, à peu de frais, faire de ce pays insaisissable un dragon à part entière. Intarissables, ils mettront en exergue sa position géographique, la diversité de ses cultures, l’esprit d’ouverture et de tolérance qui, malgré certains coups de griffe, y règne, la richesse de son sol, de son sous-sol et de ses côtes. Autant d’éléments qui ont permis à l’île Maurice de jouer dans la cour des grands, mais qui, faute d’avoir été mis en valeur de manière judicieuse, n’ont toujours pas permis au Maroc de décoller.
Le royaume est de surcroît riche d’hommes et de femmes dont les qualités et les talents ne sont plus à démontrer. À preuve, ils brillent pratiquement sous tous les cieux et bien au-delà des frontières de la seule vieille Europe. De l’Australie aux États-Unis en passant par l’Argentine, l’Afrique du Sud, les Émirats arabes unis ou Singapour, ils sont des centaines à avoir réussi des aventures humaines et des carrières professionnelles incroyables. Dans des pays où l’on sait saluer l’initiative individuelle comme il se doit, il n’est pas rare de les voir propulsés sur le devant de la scène et occuper la une de certains journaux. Dans la plupart des cas – générosité naturelle oblige -, ils sont aussi très actifs dans le monde de la culture, des organisations non gouvernementales, de l’entraide.
Ce faisant, ils ont réussi à transposer dans ces contrées éloignées un système de solidarité plus que millénaire et à leur transmettre cette approche particulière des rapports humains qui fait encore la fierté et la spécificité du royaume. Une marque de fabrique typiquement made in Morocco, qui, si l’on n’y prend garde, risque – elle aussi… – de passer au rayon des souvenirs.

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