Le retour des enfants prodigues

Attirés par le développement des secteurs à forte valeur technologique, les émigrés diplômés commencent à revenir au pays.

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Finie, en Chine, la fameuse « fuite des cerveaux », qui pénalise tous les pays du Sud en les privant d’une bonne partie de leurs élites ? Pas encore. Mais le phénomène inverse, celui du retour au pays des plus brillants et des plus entreprenants des exilés chinois, semble en tout cas devenu une tendance avérée. Et qui s’accélère.
En 2001, à en croire les dernières statistiques officielles disponibles, près de vingt mille émigrés diplômés sont revenus s’installer dans l’empire du Milieu, considéré comme un nouvel eldorado par les jeunes gens ambitieux qui rêvent de réussite professionnelle… et, bien sûr, financière. Ils n’étaient que dix mille en 2000 à avoir suivi le même chemin. En 2001 encore, la moitié des rapatriés volontaires auraient participé à la création de quelque cinq mille start-up dans divers secteurs à forte valeur technologique.
On cite volontiers le cas de Ying Luo, qui avait quitté son pays natal en 1986 pour s’inscrire à l’université aux États-Unis. Ses amis, jaloux et furieux de ne pas avoir pu profiter de la même opportunité, lui avaient dit non pas « au revoir » mais « adieu ». Et, de fait, une fois diplômé en médecine et en biologie, l’ex-étudiant a trouvé des emplois successifs dans des grandes firmes pharmaceutiques en Californie et il est même devenu citoyen américain. En 2002, alors qu’il gagnait déjà plus de 100 000 dollars par an, de quoi faire rêver tous ses anciens camarades restés en Chine, il a pourtant décidé de retraverser le Pacifique.
Ayant obtenu l’assurance de voir financer par divers partenaires – dont les autorités chinoises – une société de pointe en recherche pharmaceutique (découverte de nouveaux médicament grâce à la « génomique »), il a compris que c’est à Shanghai et non plus dans la Silicon Valley qu’il pourrait rapidement faire fortune grâce à ses idées et son esprit d’entreprise. Il a donc déménagé, recruté des dizaines de scientifiques locaux ainsi que quelques exilés très qualifiés tentés, eux aussi, par le retour, et s’est mis au travail. Il pense pouvoir déjà introduire son affaire en Bourse l’an prochain, quand elle emploiera plus de cent personnes et sera devenue très rentable… notamment grâce à ses contrats de recherche pour des laboratoires américains. Sa femme, restée aux États-Unis où l’éducation des enfants est mieux assurée, le rejoindra-t-elle bientôt ? En tout cas, il ne regrette pas son choix. Le bon choix, que feront désormais de plus en plus d’exilés, assure-t-il.
Le gouvernement, il est vrai, fait tout pour accélérer le mouvement, notamment en accordant des avantages matériels divers aux diplômés tentés par le retour : aide au logement ou à la scolarisation des enfants et, surtout, facilités financières pour lancer de nouvelles entreprises. Le jeu en vaut la chandelle : sur les quelque six cent mille Chinois partis étudier à l’étranger depuis le lancement de la politique d’ouverture par Deng Xiaoping en 1978, seuls cent cinquante mille seraient finalement revenus. Et le nombre des départs continue aujourd’hui à augmenter plus vite – trois fois plus vite, dit-on – que le nombre des retours, malgré l’augmentation spectaculaire de ceux-ci. La véritable inversion de la tendance n’a donc pas encore eu lieu, même si tout indique qu’on va dans cette direction. Sur les traces de… Taiwan, qui a réussi, depuis deux décennies, à provoquer un renversement de la situation en rapatriant désormais chaque année plus de cerveaux exilés que l’île n’en perd.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires