Dans le chemin d’Allah… et de Saddam

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Le 28 mars, la chaîne Al-Arabia retransmet en direct la « prière du vendredi » de la mosquée Abd el-Qadir el-Qilani, à Bagdad. Le préposé au rite, le cheikh Abd el-Ghafour el-Qaysi, brandit un kalachnikov et lance à l’assistance : « Nous interpellons les musulmans et les Arabes, où qu’ils se trouvent, pour leur dire : le jour du djihad est arrivé ! Le djihad est devenu le devoir personnel de tout musulman. Éviter le djihad aujourd’hui reviendrait à violer les commandements d’Allah. Ce serait un péché. » Avant d’ajouter : « La bénédiction va à tous ceux qui meurent dans la sainteté : ils reçoivent la force en ce monde et le paradis dans le monde futur. »
Le lendemain matin, près de Nadjaf, ville sainte chiite située à 150 km au sud de Bagdad, un taxi s’arrête près d’un check-point gardé par des soldats de la Ire brigade de la IIIe division d’infanterie de l’US Army. Le chauffeur, Ali Jaafar Moussa Hammadi el-Nomani, un officier de l’armée irakienne, amorce le détonateur et se fait exploser. Le premier attentat suicide de la seconde guerre du Golfe tue quatre soldats américains et en blesse plusieurs autres.
Il n’y a peut-être pas de lien direct entre les deux scènes. L’appel de l’imam et l’acte du kamikaze démontrent, néanmoins, le lien que les musulmans en général et les islamistes en particulier établissent entre la pratique de la foi et la défense de la communauté des croyants. Ce lien, que le messianique George W. Bush aura sans doute du mal à comprendre, le laïc Saddam Hussein cherche aujourd’hui à en tirer le meilleur parti dans sa guerre contre « les impies qui souillent la terre de l’islam ».
En attribuant, le jour même, à l’auteur de l’attentat deux distinctions militaires à titre posthume, dont la médaille Oum el-Maarek (la « Mère de toutes les batailles », nom irakien de la guerre de 1991), et en l’élevant au rang de colonel, le président irakien a voulu glorifier « le martyr Ali » (allusion à l’imam Ali, cousin du Prophète Mohammed, dont le martyre est au coeur de la foi chiite), et le donner en exemple à tous les Irakiens.
Le premier kamikaze irakien a 50 ans. Il est marié et père de cinq enfants, à la différence de ceux du Hezbollah, du Hamas ou d’el-Qaïda, qui sont généralement beaucoup plus jeunes et célibataires. Membre de la communauté chiite, dont les stratèges de Washington pensaient qu’elle accueillerait les marines en libérateurs, il a servi pendant la guerre contre l’Iran (1980-1988) et s’est porté volontaire pendant la deuxième guerre du Golfe (1991).
Nomani a-t-il agi de son propre chef, comme le prétend Bagdad, ou a-t-il été téléguidé par l’un des corps d’élite de l’armée irakienne ? L’attentat suicide de Nadjaf préfigure-t-il un nouveau type de résistance ? Les quatre mille volontaires arabes venus se battre aux côtés des Irakiens sont-ils tous candidats au martyre ? Les Américains, qui prennent cette menace au sérieux, affirment en tout cas avoir pris des dispositions pour déjouer d’éventuelles attaques suicide.

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