« Couscousgate » : quand les tensions entre le Maroc et l’Algérie se font culinaires
Le ministre marocain de la Culture a-t-il rouvert une plaie suturée par l’entrée du couscous « maghrebin » au patrimoine immatériel de l’Unesco ? Mehdi Bensaïd souhaite un « label » spécifiquement marocain…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 4 décembre 2021 Lecture : 2 minutes.
16 décembre 2020. Les fronts maghrébins perlés d’une sueur fiévreuse s’assèchent. C’est grâce à un front commun du Maroc, de l’Algérie, de la Mauritanie et de la Tunisie que la recette du couscous obtient enfin la reconnaissance suprême de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), via l’inscription au patrimoine immatériel de l’organisation onusienne.
Le « hourra » poussé est d’autant plus un « ouf » que l’union des quatre candidats semblait de circonstance, suite à des divergences politiques, mais aussi des philosophies culinaires éparses. Au niveau de la recette, si chacun s’accorde sur une base de semoule, une sauce et une cuisson à la vapeur, un tel insiste sur les oignons tandis que tel autre promeut les légumes.
Quant à l’apport en protéines, il peut provenir, selon les écoles gastronomiques, de poulets, de têtes d’agneau, d’escargots et même de poulpes. Si la présence de céphalopode dans le couscous n’avait pas empêché le Sénégal de remporter, quelques semaines avant le sacre onusien, la 22e édition du « Cous Cous Fest », c’est le « lit de mangues » du mets primé qui avait fait grincer quelques dents…
Crispation culinaire
Il fallait donc s’attendre à ce que les susceptibilités nationales refassent surface. C’est sur la chaîne de télévision semi-publique 2M que le ministre marocain de la Culture vient de revendiquer un « label » spécifique pour le couscous marocain dans les registres patrimoniaux de l’Unesco. Mehdi Bensaïd souhaite une définition précise de « ce qui entre dans le patrimoine marocain » pour « interagir avec les institutions internationales, parmi lesquelles l’Unesco, afin d’obtenir une reconnaissance internationale du patrimoine marocain et de l’histoire marocaine ».
La substitution d’une logique de « bande à part » au front commun gastronomique n’est-elle qu’un climax anecdotique dans les tensions récentes entre l’Algérie et le Maroc ? Au mois d’août dernier, les deux pays sont allés jusqu’à rompre leurs relations diplomatiques. L’Algérie a depuis fermé le gazoduc qui passait par le Maroc, avant d’accuser Rabat d’être impliqué dans la mort de trois de ses ressortissants au Sahara. La guerre diplomatique sera-t-elle alimentée par une bataille du « cousksi », « barbucha » ou encore « seksu » ?
Lors de son intervention « culinaire » aux allures de crispation identitaire, Mehdi Bensaid s’est bien gardé de citer l’Algérie : « L’idée est de créer un “label Maroc” pour mettre fin au débat sur la question de savoir si le couscous est marocain ou tunisien ». Exit la présentation de 2020, devant l’Unesco, du couscous comme « le symbole privilégié de l’art de recevoir, de la commensalité et de la convivialité chez toutes les familles marocaines et maghrébines ». Il reste à savoir si l’Algérie aura « l’art de recevoir » la pique du ministre marocain. Attention à ne pas s’étouffer avec la semoule de blé dur ou les pois chiches…
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