Ali Abdessalem Triki

« Toute aide aux Américains constitue une participationdirecte à l’agression »

Publié le 8 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Pour le docteur Ali Abdessalem Triki, secrétaire du Comité populaire général de l’Union africaine (UA), les États-Unis perdront la guerre sur le plan politique. À 65 ans, le Libyen continue de ferrailler contre les pays arabes qui, à ses yeux, manquent de fermeté à l’égard de Washington et de Tel-Aviv.

Jeune Afrique/L’intelligent : Êtes-vous surpris par le déroulement de la guerre en Irak ?
Ali Abdessalem Triki : À la comparaison des forces en présence, on n’imaginait pas que les Irakiens seraient capables de tenir ainsi face aux Anglo-Saxons. Les Américains s’attendaient à ce que la population les accueille avec des roses, mais les Irakiens ont montré leur détermination à défendre leur pays. C’est un peuple qui a une histoire, qui a déjà combattu plusieurs envahisseurs. Par sa résistance héroïque, il vient déjà de remporter une victoire. Je crois que cette résistance recommencera après la guerre, contre le nouveau colonialisme.
Saddam Hussein a-t-il encore un avenir ?
Je ne parle pas d’individus, mais de l’Irak en tant que peuple et nation. Je pense que, politiquement, les Américains seront les perdants, car l’Irak dispose d’un soutien presque total dans les pays arabes et dans le monde entier.
Que pensez-vous des pays arabes qui offrent leur territoire et une aide logistique aux Américains ?
Malheureusement, cette guerre a commencé entre l’Irak et le Koweït, c’est-à-dire entre les Arabes eux-mêmes. Sous prétexte de défendre l’un contre l’autre, les Américains se sont installés dans la région, notamment dans les pays du Golfe. Au dernier Conseil des ministres de la Ligue arabe, en mars, au Caire, la Libye a demandé à tous ces pays de n’accorder aucune facilité aux agresseurs de l’Irak, car une telle coopération n’est pas du tout justifiée. L’Irak est actuellement l’objet d’une agression extérieure hors la loi et hors les Nations unies. Toute aide de la part d’un pays, arabe ou non, constitue donc une participation directe à l’agression.
Des régimes de la région pourraient-ils être déstabilisés si la guerre se prolongeait ?
Certainement. Le sentiment de frustration dans le monde arabe et musulman peut avoir des conséquences. La stratégie américaine est claire : au-delà de l’Irak, Washington veut changer la situation dans la région. Les plus menacés par cette politique sont les pays du Golfe.
Et la Jordanie ?
Elle est menacée de deux côtés. Par la guerre en Irak, mais aussi par l’éventualité que les Israéliens profitent de la situation pour se déployer à nouveau militairement dans tous les Territoires occupés et en chassent massivement les Palestiniens. C’est la Jordanie qui en subira alors les conséquences.
La Libye était sur le point d’indemniser les victimes de l’attentat de Lockerbie. Cette guerre ne remet-elle pas en question votre rapprochement avec les États-Unis ?
Nous sommes prêts à discuter sérieusement et à résoudre tous les problèmes qui existent avec les États-Unis, comme nous l’avons fait avec la Grande-Bretagne et d’autres pays. Mais cela n’empêche pas que nous ayons une position ferme concernant la Palestine ou l’Irak. D’ailleurs, notre réaction sur l’Irak n’est pas différente de celle de l’Algérie, de l’Égypte, et même de l’Arabie saoudite si vous faites attention à la position des autorités et de la presse de ce pays. Même l’Europe est sur cette position.
Comment réagissez-vous au coup d’État qui a porté au pouvoir François Bozizé, le 15 mars dernier, en Centrafrique ?
Nous nous conformons à la résolution d’Alger de l’Union africaine, qui condamne les coups d’État et ne reconnaît pas les régimes qui en sont issus.
Vos troupes ont protégé le président Patassé jusqu’en décembre dernier. Pourquoi les avoir retirées ?
À Bangui, nous avons sauvé le régime légal et démocratiquement élu. Quand la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) a voulu nous remplacer, nous l’avons laissé faire. Je crois que la responsabilité de ce qui est arrivé repose sur la Cemac, pas sur la Libye.
Le Tchad est impliqué dans ce coup d’État. Vos relations avec N’Djamena ne risquent-elles pas de se dégrader ?
Nous continuerons d’avoir les meilleures relations avec ce pays.
Alpha Oumar Konaré pourrait-il être un bon candidat au poste de président de la future Commission de l’Union africaine ?
Je crois qu’il est déjà candidat. Nous l’avons connu comme président de la République et nous avons de bonnes relations avec le Mali. Mais je ne veux, pour le moment, porter aucun jugement sur tel ou tel postulant. Nous donnerons notre point de vue au moment de l’élection, en juillet prochain, à Maputo.

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