Peter Benenson

Le fondateur d’Amnesty International est mort le 26 février à Oxford.

Publié le 7 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Peter Benenson, n’était pas, en France, le plus médiatique des défenseurs des droits de
l’homme. La disparition, le 26 février, dans un hôpital d’Oxford, en Angleterre, à l’âge de 83 ans, du fondateur d’Amnesty International n’a pas fait la une des journaux. Pourtant, cet avocat anglais qui a consacré l’essentiel de sa vie à faire sortir de l’oubli les prisonniers politiques embastillés et maltraités par les dictatures a été plus qu’une figure respectable du mouvement associatif mondial : un authentique pionnier, un précurseur génial qui avait compris le formidable impact des médias sur ce qu’on n’appelait pas encore l’opinion publique internationale et qui avait appris à s’en servir.

C’est à Amnesty qu’on doit l’invention de la notion de « prisonnier d’opinion ». C’est aussi à elle qu’on doit le recul de la torture dans certaines parties de la planète et l’adoption, par les Nations unies, en 1984, d’une importante convention réprimant son usage, qui sert maintenant de base aux poursuites lancées contre d’anciens dictateurs, comme par exemple le Chilien Augusto Pinochet. C’est à elle, toujours, qu’on doit la campagne pour l’abolition de la peine de mort, en particulier aux États-Unis. Présente dans plus de 150 pays, forte de 1,8 million de membres, l’association dont le logo, une petite bougie entourée de fil de fer barbelé, se lit comme une métaphore de la condition carcérale, a parrainé plus de 50000 dissidents en quarante-cinq ans d’existence. Des inconnus, mais aussi le Sud-Africain Nelson Mandela, l’Angolais Agostino Neto, le Russe Andreï Sakharov, le Tchèque Vaclav Havel, la Birmane Aung Saan Suu Kyi

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Petit-fils de banquier juif russe émigré en Grande-Bretagne, orphelin de père à l’âge de 9
ans, et converti au catholicisme à 15 ans, Peter Benenson est l’héritier d’une tradition humanitariste très anglaise qui puise ses racines dans l’histoire du libéralisme. Encore adolescent, mais déjà révolté, il sensibilise et mobilise ses condisciples du prestigieux collège d’Eton pour les orphelins républicains de la guerre civile espagnole et pour les Juifs allemands persécutés par les nazis. Il réunit des fonds, aide des réfugiés à s’installer en Angleterre. Après des études d’histoire et un passage à l’armée, il devient avocat, adhère au parti travailliste, et assiste, comme observateur de la Confédération syndicale britannique, aux procès de syndicalistes espagnols au début des années 1950. Horrifié par le déroulement de la procédure et les lacunes de l’accusation, il détaille ses griefs au président du tribunal et, fait rarissime dans les annales de la dictature franquiste, le procès se solde par un acquittement. Auréolé par ce succès, l’avocat enchaîne ensuite les missions : Chypre, Hongrie, Afrique du Sud
La lecture d’un article relatant l’emprisonnement de deux étudiants portugais, simplement coupables d’avoir porté un toast « à la liberté » dans un café de Lisbonne, marque un tournant dans la vie de Benenson. Nous sommes en novembre 1960. Outré par ce qu’il vient d’apprendre, il veut protester devant l’ambassade du Portugal mais, en chemin, il se ravise. Seule, sa voix ne portera pas. Si des milliers de réprobations silencieuses peuvent se transformer en une bruyante protestation, relayée par les médias, ce sera plus efficace. Il fait part de son idée à quelques amis. Ensemble, ils créent une association. Amnesty International est née.
Benenson en expose la méthode et les objectifs dans un article publié sur cinq colonnes à la une du quotidien anglais The Observer, le 28 mai 1961, et illustré des photos de six prisonniers d’opinion, dont celle du leader indépendantiste angolais Agostino Neto. Le retentissement est énorme. Dons et militants affluent. Le mouvement est lancé.
Les missions dans les pays étrangers vont se multiplier, financées, le plus souvent, par les propres deniers du fondateur. Amnesty trouve rapidement sa vitesse de croisière, et Benenson prend un peu de recul. En 1976, il se retire dans une ferme du Buckinghamshire. C’est là qu’il apprend, l’année suivante, l’attribution du prix Nobel de la paix à l’organisation qu’il a fait naître et vivre.

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