Mauvaise passe pour les journaux français

De moins en moins de points de vente, des prix trop élevés, la concurrence des autres sources d’information, des recettes publicitaires en chute libre… Tout concourt au marasme de la presse quotidienne hexagonale. Revue de détail.

Publié le 7 mars 2005 Lecture : 15 minutes.

Mais que s’est-il donc passé ? En cinq ans (de 1998 à 2003), 800 000 lecteurs français de la PQN (la presse quotidienne nationale) se sont évanouis dans la nature, ce qui correspond à une baisse globale de plus de 12 % des ventes au numéro. À ce rythme, l’Observatoire de la presse diffusera bientôt ses communiqués au-dessus d’un champ de ruines.
Or la population du pays ne cesse de croître, le niveau de son instruction aussi, et, bon an mal an, son pouvoir d’achat progresse. On pourrait croire que le besoin de comprendre n’a jamais été aussi fort, suivant en cela les progrès de la « démocratie citoyenne » dont… la presse nous vante les mérites. Le temps consacré aux loisirs, législation sur les 35 heures aidant, a progressé de 15 % depuis 1999. Les résultats 2004 des éditeurs de livres ont créé la (bonne) surprise. Quand on les interroge sur la presse écrite généraliste (BVA, février 2003), les Français, notamment les jeunes, pourtant censés être de « mauvais clients », en renvoient une image qui a tout pour combler d’aise les directeurs de rédaction : ils sont 74 % à déclarer qu’un quotidien leur permet d’être en phase avec l’actualité, et seulement 26 % à estimer que le journal télévisé les informe suffisamment. Néanmoins, sur la trentaine de quotidiens nationaux que l’on pouvait trouver dans l’immédiate après-guerre, les deux tiers ont disparu. Et aucun des survivants n’a réellement réussi le pari de renouveler son lectorat.
Alors, pourquoi une telle débâcle ?
On avance tout d’abord des explications « techniques ». Un : si la PQN va mal, c’est qu’il devient de plus en plus difficile d’acheter son journal. Le nombre des maisons de la presse et des kiosques diminue régulièrement (près de 5 000 d’entre eux ont fermé durant les dix dernières années, soit environ un sur sept !). Ceux qui ont déjà vu un kiosquier se contorsionner, aux petites heures du jour, pour entasser dans une minuscule cahute les monceaux de « papier » qu’on lui a livrés (4 069 titres recensés, toutes catégories confondues, en 2003, sans parler des suppléments gratuits, DVD et autres gadgets) comprendront qu’un travail aussi mal rémunéré ne suscite guère les vocations. Résultat : seulement 30 000 points de vente en France (trois fois plus en Allemagne) et l’obligation d’accomplir un véritable « parcours du combattant » pour dénicher son quotidien… à moins d’y renoncer, éventuellement au profit d’un « gratuit » qu’on vous colle dans les mains à la sortie du métro.
Deux : les journaux sont trop chers. La faute aux syndicats français (barricadés dans le bastion des ouvriers du Livre) qui défendent si bien leurs salariés qu’ils paralysent les mutations et la modernisation des processus d’impression, faisant ainsi flamber les coûts de fabrication. Les quotidiens français (vendus jamais moins de 0,65 euro, et 1,20 euro pour la plupart) sont 50 % plus chers qu’au Royaume-Uni, par exemple. Depuis cinq ans, ils augmentent plus vite que l’inflation. Comme argument commercial, on fait mieux…
Mais certaines causes du marasme de la presse française sont plus diffuses, liées à de nouvelles habitudes de consommation de l’information. L’Observatoire du débat public (un organisme indépendant de veille sociologique) évoque le déclin de la notion de « média référent » qui fondait la fidélité du lecteur à son journal. S’y substitue une sorte de zapping sur les écrans des ordinateurs et de la télévision, suffisant pour disposer d’infos nombreuses et sommaires, comme un fast-food permettant d’aller « au plus vite au plus simple ». Ces nouvelles pratiques de la « mal-info » (par analogie avec la « malbouffe ») seraient justifiées, si on écoute ceux qui avouent y céder, par le fait que les quotidiens traversent une crise de crédibilité, à l’origine d’une crise de confiance chez leurs lecteurs.
Dans ce domaine, tout « fait ventre » (et non pas vendre !) : les multiples scandales survenus en Amérique au Washington Post ou au New York Times (lesquels ont répliqué aux attaques venues d’outre-Atlantique en dénonçant la discrétion avec laquelle la presse parisienne avait traité des relations entre Jacques Chirac et le régime de Saddam Hussein) et, en France, les accusations infondées de l’affaire Baudis/Patrice Alègre, les publireportages travestis de l’un, les piteux rectificatifs d’un autre…
De quoi « plomber » la PQN en lui interdisant de se draper dans sa respectabilité de « presse noble qui hiérarchise l’information, prend du recul, analyse » pour riposter à la radio et à la télé, à Internet et aux « gratuits ». Or ces mêmes journaux ne retrouvent pas en attractivité ce qu’ils ont perdu en sérieux : 67 % des « sondés » d’une étude Ipsos déclarent que leur présentation « ne donne pas envie de lire », et 68 % leur reprochent de « ne pas donner assez la parole aux gens » en traitant les sujets « sous un angle trop politique » (80 %).
Ce manque d’enthousiasme des lecteurs pour leur journal du matin (ou leur quotidien du soir…) est fâcheusement aggravé par la paresse persistante du marché publicitaire. On a partout fait son deuil des petites annonces qu’on a vu se transporter sur Internet dans un voyage sans retour. Les chiffres des recettes de la publicité dans la presse quotidienne ne sont pas seulement parlants : ils sont criants. Une chute – en cinq ans – d’un tiers pour la publicité commerciale, de la moitié pour la publicité financière et de deux tiers pour les offres d’emploi n’est pas de nature à distraire les éditeurs des avanies de leurs ventes au numéro ! Ironie du sort : c’est à la télévision, ouverte en 2004 aux éditeurs de presse pour la promotion de leurs titres, que les quotidiens ont souvent cru bon de confier les espérances qu’ils placent dans leurs nouvelles formules avec, d’ailleurs, un inégal bonheur.
Devant un aussi sombre tableau de « sa » presse, le ministre français de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, qui claironnait en septembre dernier qu’il s’agit « de l’avenir et de la pérennité du pluralisme qui est au fondement de notre démocratie », ne pouvait pas faire moins que mettre la main à la poche. Entre TVA au taux super-réduit, exonération de la taxe professionnelle, subventions à la Poste pour le transport des journaux, abonnements souscrits par l’État, en passant par les aides directes (150 millions d’euros) et le montant réservé à la « modernisation sociale » de l’imprimerie (38 millions d’euros), « l’ambitieux chantier de rénovation » ouvert pour la presse sur fonds publics en 2005 va peser lourdement sur les contribuables, qu’ils soient, ou non, lecteurs de quotidiens. Un « coup de pouce » qui se calcule en centaines de millions d’euros et permettra, peut-être, de faire le partage entre, d’une part, ce qui relève dans cette crise du « malaise dans la civilisation » et, de l’autre, plus simplement, des défauts qui dissuadent les acheteurs potentiels d’ouvrir tout grand leur quotidien.

« Le Monde »
Lagardère à la rescousse

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Le 20 décembre dernier, Le Monde a fêté son 60e anniversaire dans l’immeuble de son nouveau siège, une audacieuse – et coûteuse – réalisation de l’architecte Christian de Portzamparc. Mais les colombes géantes de Plantu dessinées sur la façade de verre prennent leur essor dans un ciel chargé. La diffusion payée France du quotidien a plongé de près de 5 % en un an, à moins de 340 000 exemplaires en moyenne. Depuis le début de cette année, la rumeur d’une baisse encore plus alarmante (à deux chiffres…) circule. Les recettes publicitaires qui s’étaient effondrées en 2002 tardent à se redresser. Le déficit d’exploitation, 25 millions d’euros environ pour 2004, vient gonfler une dette de 130 millions d’euros.
Les changements survenus après le départ d’Edwy Plenel de la direction de la rédaction (et son remplacement par Gérard Courtois) suscitent encore davantage de remous que d’initiatives nouvelles. Le plan social adopté n’est toujours pas bouclé (68 départs volontaires enregistrés contre 93 escomptés, sur un total de 740 salariés), ce qui laisse planer la menace de futurs licenciements. Notamment au Monde-Initiatives, d’ores et déjà condamné après la fermeture du supplément-spectacles hebdomadaire Aden et les compressions de personnel prévues dans l’imprimerie. Avant même d’être amorties, les récentes acquisitions du groupe sont remises en vente, comme les immeubles de Télérama et des titres secondaires. Jean-Marie Colombani, président du directoire, qui fait depuis plusieurs mois la tournée des investisseurs potentiels, n’emporte dans sa besace que deux produits « sains » : le « Monde interactif » (le site Internet), en progression constante, et le supplément magazine hebdomadaire Le Monde 2, dont on affirme qu’il est enfin en voie de trouver son équilibre.
Pour distraire ses interlocuteurs de la sévérité des chiffres, Colombani s’efforce de valoriser le capital immatériel du quotidien, son influence, son prestige (qu’on dit toutefois sérieusement écaillé par les polémiques suscitées après la publication du livre de Pierre Péan et Philippe Cohen) et sa part de marché publicitaire. Ce sont sans doute ces atouts qui ont décidé Arnaud Lagardère – dont le groupe de communication est déjà présent dans la filiale du Midi-Libre ainsi que dans la régie publicitaire du quotidien – à sceller une importante prise de participation dans le capital du Monde SA. Si l’assemblée générale des actionnaires, prévue au mois de mars, ne leur ferme pas la porte au nez, le grand quotidien espagnol El Pais (groupe Prisa) et les Italiens de La Stampa uniront leurs efforts à ceux de Lagardère pour mettre sur la table les 50 millions d’euros que les banques réclament de toute urgence. Entre l’obligation d’éponger les pertes, la nécessité de relancer le titre et les dangers qui pèsent sur l’indépendance de celui-ci, la partie s’annonce cependant particulièrement serrée pour les patrons du Monde, qui n’en sont déjà plus tout à fait les maîtres…

« Libération »
Un Rothschild au journal de Sartre

« Happy end providentiel à Libération, ou dernier clou enfoncé dans le cercueil du quotidien gauchiste créé en 1973 sous l’égide de Jean-Paul Sartre ? Le chèque de 20 millions d’euros qui vient d’être déposé par Édouard de Rothschild sur le compte de la Saip (la société propriétaire) suffit largement à éponger ses pertes de 2004 (2 millions d’euros), à résorber la dette accumulée (de 12 à… 18 millions d’euros, selon les sources) et à alimenter les « investissements stratégiques » que l’avenir réclame. Pour apaiser les soupçons d’une rédaction qui a longtemps bu le lait de la lutte des classes, le nouvel actionnaire affiche son plein accord sur la composition de l’équipe actuelle. Il s’engage à préserver l’indépendance de Libération en plafonnant ses propres droits de vote à 40 %, même si des pertes d’exploitation persistantes l’amenaient à augmenter la mise en souscrivant, comme prévu dans l’accord de partenariat, jusqu’à 49 % des parts du journal. Pour l’heure, le pouvoir qu’il retire de son investissement (36 %) dépasse à peine celui de la société civile des personnels. Malgré toutes ces précautions, le nouvel « actionnaire de référence » du quotidien de la rue Béranger tranche sur les compagnons de route de Serge July.
« Un Rothschild à Libé, c’est comme un métallo au Figaro », a-t-on ironisé à l’adresse du fils d’une famille « qu’on ne présente pas », ancien banquier d’affaires et grand amateur de chevaux, qui a jeté son dévolu sur ce poulain d’un genre particulier. Saura-t-il lui faire remonter le peloton malgré l’érosion des ventes (- 0,03 % en 2004, soit une baisse de plus de 7 % en cinq ans, au-dessous de la barre de 150 000 exemplaires), aggravée par la concurrence des journaux gratuits que Libé subit de plein fouet ? La panoplie des mesures envisagées grâce à cette manne n’a rien de révolutionnaire : un marketing-abonnements plus performant, le développement du portage à domicile, l’augmentation d’une offre Internet le plus souvent payante, une baisse du prix facial en semaine (de 1,20 euro, aujourd’hui, à 1, voire 0,80 euro) et un nouvel essai de magazine hebdomadaire et/ou de suppléments thématiques.
Pas de quoi décoiffer l’équipe des anciens cadres de Vivendi qui prennent en main le « management » de Libé, dans le sillage de Rothschild. Maintenant que l’actionnariat est stabilisé, reste aux journalistes à fidéliser les lecteurs !

« France-soir »
Un nouveau départ ?

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Le feuilleton du « Seul quotidien vendant plus d’un million d’exemplaires », ainsi qu’il osait s’afficher en « une » dans les années soixante, a-t-il enfin connu son épilogue ? Depuis la mort de son fondateur Pierre Lazareff en 1972, l’histoire de ce titre mythique de la presse populaire s’apparente au récit d’une descente aux enfers : de repreneur (la Socpresse, Georges Ghosn, Poligrafici Editoriale, Presse Alliance…) en plan social (guère plus d’une cinquantaine de journalistes ont survécu), France Soir n’est plus que l’ombre de lui-même. La diffusion payée stagne autour de 60 000 exemplaires tandis que les dettes s’accumulent avec des pertes de l’ordre de 500 000 euros par mois.
C’est pourtant le moment choisi par un homme d’affaires égyptien, Raymond Lakah, pour mettre – dans un premier temps – 4,5 millions d’euros sur la table et construire avec une rédactrice en chef chevronnée, Valérie Lecasble, un plan de relance original. Au programme, trois journaux au lieu d’un : le quotidien lui-même, ranimé autour des sports, de la consommation et des faits divers par une nouvelle équipe qui bénéficiera des conseils de Jean-François Kahn ; France-Soir Archives, un hebdomadaire chargé de valoriser un fonds historique de plus d’un demi-siècle de grands reportages ; enfin et surtout, une édition internationale en anglais dont André Bercoff prépare la sortie pour le mois de mars, à l’intention des millions d’anglophones qui séjournent en France ou visitent chaque année le pays. Un « nouveau départ » ?

« Le Figaro »
Quand la menace vient du patron

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A la fin de l’année dernière, le navire amiral de la Socpresse (2 325 journalistes répartis dans 70 journaux) a tangué comme une coque de noix. Il faut dire que, pour le nouveau directeur de la rédaction, Nicolas Beytout, il s’agissait « du passage d’une ère à une autre ». Non que la situation du « grand quotidien du matin » s’avérât particulièrement catastrophique : avec un tassement des ventes estimé à moins de 2 % en 2004 (soit une diffusion payée de 334 000 exemplaires) et un résultat courant négatif de 10 millions d’euros environ, Le Figaro n’a pas si mal résisté à la conjoncture désastreuse dans laquelle se débattent l’ensemble de ses confrères.
Davantage que les chiffres, ce sont les hommes qui sont à l’origine de cette tempête. Ou plus exactement l’un d’entre eux, le sénateur UMP Serge Dassault, propriétaire du groupe aéronautique du même nom, qui a pris le contrôle de la Socpresse pour un prix inférieur à celui d’une escadrille de ses célèbres avions de combat Rafale. Bientôt octogénaire, le nouvel homme fort du Figaro paraît en effet décidé à mettre les bouchées doubles, tant pour rendre ses entreprises profitables que pour faire prendre à « son » journal l’axe exact de la piste de décollage choisie. L’héritage de Robert Hersant a été liquidé, l’état-major remplacé, mais ce sont surtout les intentions du PDG, exprimées avec une redoutable franchise, qui inquiètent : « Je souhaite posséder un journal pour exprimer mon opinion et peut-être aussi pour répondre à quelques journalistes qui ont écrit sur moi de façon pas très agréable. »
L’avenir dira si Nicolas Beytout réussira à faire respecter par son remuant patron le pacte de non-intervention qu’il assure avoir obtenu de lui. Concernant « le reste », c’est-à-dire les mesures à prendre pour restaurer la rentabilité du titre, la doctrine officielle n’est pas aussi arrêtée. Francis Morel, le nouveau directeur général, affirme que sa gestion sera « sans tabous ». Il évoque tout à la fois un format « berlinois » réduit, calqué sur celui du Monde, un « gratuit » à l’étude dans le but d’élargir l’assise publicitaire du groupe, la modernisation du système informatique et l’abandon du « siège historique » du Figaro, rue du Louvre, avec le « regroupement de tout le monde » dans un immeuble unique.
Mais, pour contrebalancer la fuite sur le « Net » des petites annonces du Figaro Entreprises, la riposte s’organise surtout autour de la fourniture avec le quotidien, de produits annexes Hier, les DVD avaient connu des fortunes diverses. Aujourd’hui, on s’arrache l’un après l’autre les 22 volumes de l’Encyclopaedia Universalis, au prix imbattable de 11,90 euros. Un succès presque inquiétant : pour bien se vendre, l’information écrite doit-elle désormais servir d’emballage à une promotion commerciale ?

« L’Équipe »
En tête du peloton

Le seul quotidien sportif de la presse française est en superforme, dopé en 2004 par les bonnes performances des clubs français en Coupe d’Europe, un Euro particulièrement suivi au Portugal et les jeux Olympiques d’Athènes. Un score à faire pâlir d’envie ses concurrents généralistes : + 11,65 % de juillet 2003 à juin 2004, à près de 350 000 exemplaires de moyenne, ce qui vaut aux sprinteurs du groupe Amaury (L’Équipe, L’Équipe magazine, France football, Vélo magazine, Le Parisien, Aujourd’hui en France…) le maillot jaune des quotidiens.
Christophe Chenut, le directeur général du titre, se garde cependant bien de pavoiser. Les hautes performances de L’Équipe sont le fait d’une mécanique fragile qui n’est pas sans connaître de sérieux « coups de pompe » dans les années pauvres en événements sportifs. De plus, la même irrégularité des ventes se retrouve dans les mois de l’année et les jours de la semaine (300 000 exemplaires vendus le mardi, 450 000 le samedi), ce qui oblige la publicité et les services de diffusion du journal à jouer leur partie sur des terrains excessivement glissants.
Enfin, le succès du sport dans les médias fait des émules : l’offre des chaînes câblées séduit de plus en plus les supporteurs tandis qu’Internet, voire le téléphone mobile, leur fournissent des résultats instantanés. Une menace que le groupe Amaury a renoncé à affronter par le biais d’un quotidien gratuit, préférant pour l’heure jouer la carte de l’excellence journalistique et de l’analyse. Les lecteurs arbitreront.

« Aujourd’hui en France »
Le salut par la distribution autonome ?

Le quotidien national du groupe Amaury-Le Parisien, crédité d’une hausse de plus de 2 % de sa diffusion payée en 2004, refuse toute présentation de ses chiffres qui n’engloberait pas les résultats des éditions régionales du Parisien. Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi : en fusionnant les ventes de ces dernières (353 000) avec celles d’Aujourd’hui en France (150 000), on obtient un total de 503 000 exemplaires, soit un score très supérieur à celui du Monde ou du Figaro, alors que les résultats de l’édition nationale, à eux seuls, ne sont guère ébouriffants. En revanche, pas de contestation pour les 50 millions d’euros de pertes subies par le titre sur les trois dernières années. La direction du groupe a réagi par le gel des embauches, un appel aux départs volontaires et un plan d’économies draconien.
Sensible à l’érosion du nombre de ses points de vente (maisons de la presse, kiosquiers…), Aujourd’hui en France s’est lancé dans un programme ambitieux de distribution autonome après avoir quitté, en 2001, les Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP). Mais la société de diffusion créée par le quotidien pour se substituer aux NMPP (la Société de vente et de distribution du Parisien – SDVP) a jusqu’ici entraîné davantage de charges exceptionnelles qu’elle n’a engendré de profits. L’équipe de Christian de Villeneuve compte donc surtout sur la dynamique éditoriale (pagination augmentée, nouvelle maquette, usage accru de la quadrichomie, éditions dominicales…) pour retrouver l’équilibre de son exploitation.

« L’Humanité » et « La Croix »
Il n’y a que la foi qui sauve

L’un descend, une à une, les marches de son calvaire, l’autre aurait plutôt tendance à renaître sur la route d’un avenir meilleur, mais c’est paradoxalement le quotidien communiste qui connaît une grave crise financière et le quotidien catholique dont les ventes s’envolent ! L’Humanité, qui a fêté son centenaire en avril 2004, n’est plus que le fantôme du journal créé par Jean Jaurès et devenu par la suite l’organe officiel du Parti communiste français. Avec 47 700 ventes payées, c’est aujourd’hui la lanterne… rouge des quotidiens nationaux. Les aides généreuses de l’ère Mitterrand ayant été promptement englouties, le « journal de création communiste » s’en remet désormais pour sa survie, toute honte bue, à TF1 et au groupe Lagardère, propriétaires de 20 % de son capital.
La Croix s’en tire mieux. Après avoir bénéficié pendant des années, à l’instar de L’Huma, de subventions importantes, elle s’est redressée sous l’impulsion de la nouvelle formule mise sur pied par son directeur, Bruno Frappat : 95 000 exemplaires ont été vendus en moyenne chaque jour sur la France entre juin 2003 et juillet 2004, soit la deuxième meilleure hausse – derrière L’Équipe – de la presse française (+ 3,6 % l’an dernier, + 10 % sur les cinq dernières années), ce qui met l’objectif des 100 000 exemplaires à portée de main. Mais l’opération de rajeunissement du lectorat de La Croix, si elle a porté ses fruits, se déroule cependant à une trop petite échelle pour que l’on puisse tirer des conclusions générales de cette embellie particulière.

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