Les nouveaux Black people

Depuis quinze ans, le nombre des immigrants subsahariens croît de manière vertigineuse. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les Africains-Américains.

Publié le 7 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Pour la première fois, il arrive chaque année aux États-Unis davantage de Subsahariens qu’aux plus beaux – ou aux pires – jours de l’esclavage et de la traite négrière (abolie en 1807). Soit environ cinquante mille immigrants légaux par an, en moyenne. Les Africains qui depuis 1990 se sont installés outre-Atlantique sont au total plus nombreux que ceux qu’on y a amenés de force au cours des deux siècles précédents.
Bien sûr, ce n’est là qu’une goutte d’eau comparée au flux des immigrants venus d’Amérique latine et d’Asie, mais le phénomène remet en question la notion même d’« Africains-Américains » : les Américains dont les ancêtres ont été victimes de la traite négrière, du racisme et de la ségrégation. Le pourcentage de ces derniers par rapport à la population totale du pays baissant régulièrement, le débat sur l’affirmative action (qu’on appelle en France la « discrimination positive ») et sur les diverses mesures destinées à combattre les conséquences de l’esclavage se trouve relancé.
Ce flot d’immigrants subsahariens s’est amorcé dans les années 1970, avec notamment le débarquement de très nombreux réfugiés éthiopiens et somaliens. Dans les années 1990, le nombre des arrivées a triplé. Si l’on y ajoute celles des Antillais, on constate que la population noire aux États-Unis a globalement augmenté de 25 % pendant la décennie. Le pourcentage des Noirs nés à l’étranger est passé, au cours de cette période, de 4,9 % à 7,3 %. À New York, un Noir sur trois est né à l’étranger.
Encore ne s’agit-il que des immigrants légaux : réfugiés, étudiants, bénéficiaires du regroupement familial et des visas spéciaux. La plupart d’entre eux parlent anglais et ont été élevés dans des grandes villes, par des familles classiques. Ils ont généralement fait des études beaucoup plus poussées et occupent des emplois beaucoup mieux payés que les Noirs nés aux États-Unis. Il n’y a pas d’évaluation officielle du nombre de ceux qui sont entrés illégalement dans le pays ou sont restés après l’expiration de leur visa, mais il pourrait y en avoir quatre fois plus, selon plusieurs services sociaux new-yorkais.
Les historiens sont aujourd’hui à peu près tous d’accord pour estimer à environ 500 000 le nombre total des esclaves noirs introduits aux États-Unis, avec des pics annuels d’environ 30 000. Ce n’est qu’une toute petite partie de la douzaine de millions d’Africains victimes de la traite négrière. Beaucoup sont morts pendant la traversée. La plupart ont été débarqués aux Antilles et, surtout, au Brésil, où la variole et diverses maladies venues d’Europe ont fait des ravages. Les conditions de travail dans les champs de canne à sucre et l’exploitation éhontée de la main-d’oeuvre n’ont pas permis, là-bas, aux esclaves de faire souche comme ils l’ont fait, en dépit de tout, aux États-Unis.
Les Africains noirs étaient proportionnellement beaucoup plus nombreux au xixe siècle qu’aujourd’hui : en 1800, ils représentaient environ 20 % d’une population globale de 5 millions d’Américains. La proportion ne dépasse pas actuellement 13 %, alors que les États-Unis comptent 300 millions d’habitants.
Comment vont évoluer ces nouveaux Africains dans la société américaine ? Ils ont une image plus positive que ceux qu’on appelle désormais les « Africains-Américains », estime l’historienne new-yorkaise Sylviane Diouf : « Ils ont une meilleure formation, ils sont venus ici pour travailler et gagner de l’argent. Ils sont plus accommodants et ne représentent pas une menace. »
« Traditionnellement, dit un autre historien, Eric Foner, de l’université Columbia, les nouveaux immigrants ont toujours doublé les Noirs nés aux États-Unis. Il se pourrait bien que les immigrants africains le fassent eux aussi. »

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