Le Ghana devient indépendant

Publié le 7 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

« Le Ghana, votre pays adoré, est libre à jamais. Il faut prendre conscience que nous ne sommes dorénavant plus un peuple colonisé. » Alors qu’il prononce ces mots devant les Ghanéens en liesse, Kwame Nkrumah, nouveau Premier ministre de son pays, ressentit une joie « presque intolérable ». Car, quelques minutes auparavant, à minuit, dans la nuit du 6 au 7 mars 1957, la Gold Coast (Côte-de-l’Or) est devenue le premier pays d’Afrique subsaharienne à s’affranchir du joug colonial. En devenant le Ghana, elle accède, dans le calme et la paix, au statut de membre indépendant au sein du Commonwealth.
C’est cinq mois plus tôt que s’est joué l’événement qui allait bouleverser toute l’Afrique. Le 17 septembre 1956, Kwame Nkrumah est convoqué par le gouverneur général, sir Charles Arden-Clarke, qui, dès son arrivée, lui tend un télégramme reçu de Londres et annonçant la date de l’indépendance. « Quand j’arrivai au cinquième paragraphe, des larmes de joie que j’avais du mal à cacher m’empêchèrent de lire le reste du document. » Le lendemain, jour de son 47e anniversaire, il se rend à l’Assemblée nationale et annonce aux représentants réunis que le gouvernement britannique est en train de soumettre à l’approbation des lords son intention d’accorder l’indépendance à la Côte-de-l’Or. Stupeur. Silence dans les rangs. Avant que n’explosent les cris et manifestations de joie de ceux qui allaient bientôt devenir le corps législatif du Ghana.

C’est le résultat d’une longue bataille avec la puissance coloniale. Considérant qu’il fallait laisser le choix au peuple de la Côte-de-l’Or lui-même de savoir s’il voulait, ou non, devenir indépendant, le secrétaire d’État aux Colonies, Lennox-Boyd, avait organisé des élections générales le 7 juillet 1956. La victoire du Convention’s People Party (CPP) de Nkrumah avait fini de persuader l’Angleterre que la seule manière de résoudre les différends avec la colonie était de lui accorder l’indépendance au sein du Commonwealth. Sept mois plus tard, le 7 février 1957, le Ghana Independent Act (loi de l’indépendance) était approuvé par la Couronne et, le 22, la reine signait un ordre du conseil établissant la première Constitution du Ghana.
Le 5 mars, Kwame Nkrumah tremble d’impatience. Les célébrations sont prévues de longue date et doivent durer deux jours. À 23 heures, Nkrumah donne son dernier discours en tant que chef d’un État sous tutelle. Juste avant minuit, dans un discours devant les députés, le Premier ministre Kwame Nkrumah avait assuré que l’association avec le Commonwealth était fondée sur « une égalité absolue et l’amitié ». « Le Commonwealth peut, je pense, devenir un schéma pilote pour développer les méthodes les plus efficaces afin de mettre fin au colonialisme sans révolution ni violence. » Une heure plus tard, le chantre du panafricanisme deviendra Premier ministre et « le Ghana aura retrouvé sa liberté perdue », annonce-t-il. Les douze coups sonnés, les couleurs de l’Union Jack sont baissées, et on hisse à la place un drapeau rouge, jaune et vert, au centre duquel resplendit l’étoile noire.

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Le lendemain matin, les cérémonies officielles débutent à 9 h 30. Habib Bourguiba est là. Martin Luther King aussi, qui avouera plus tard avoir pleuré de joie aux paroles de Nkrumah ; Harold Macmillan, le Premier ministre britannique, évidemment. Mais le vice-président américain, Richard Nixon, qui mène une nombreuse délégation d’Africains-Américains, a également fait le déplacement. Ainsi que des représentants du Canada, d’Australie, d’Inde, du Pakistan, de Chine, et les gouverneurs de nombreux pays africains sous domination anglaise ou française.
Sir Charles Arden-Clarke, le dernier gouverneur de la Côte de l’Or, est nommé gouverneur général du Ghana. Suit le discours de la duchesse de Kent, venue délivrer le message de la reine d’Angleterre. « Les espoirs d’un grand nombre, surtout en Afrique, reposent sur vos épaules. Je crois profondément que mon peuple du Ghana avancera vers la liberté et la justice », déclare-t-elle, avant de donner la parole au héros du Ghana et, ce jour-là, de toute l’Afrique. Le discours de Nkrumah fera date, et ceux qui y assistèrent se souviennent encore de la majesté et de l’intelligence des mots.
Mais personne ne prête attention à son intention d’assumer, en plus des fonctions de Premier ministre, celles de la Défense et des Affaires étrangères. La joie est bien trop grande et le jour symbolique pour qu’on se doute alors de ce qui allait se passer… D’autant que Nkrumah répète qu’il n’est nullement question de mettre en place une république et qu’il souhaite rester au sein du Commonwealth. La reine demeure chef de l’État, le Ghana devenant un dominion du Commonwealth.

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