Hiam Abbass, ou le cinéma sans frontières

Après « Satin rouge », de la Tunisienne Raja Amari, la comédienne palestinienne a trouvé dans « La Fiancée syrienne », film israélien à l’affiche en France, un rôle sur mesure, celui d’une femme éprise de liberté.

Publié le 7 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

« Je suis fière d’être là avec ce film qui transcende les frontières. » Ainsi s’exprimait Hiam Abbass avant la projection de La Fiancée syrienne au Festival de Marrakech, en décembre dernier. On imagine que la comédienne palestinienne a dû elle-même transcender des frontières psychologiques pour accepter de jouer dans cet opus réalisé par l’Israélien Eran Riklis.
« J’ai été contactée par la production française et, lorsque j’ai lu le scénario, je l’ai trouvé magnifique. J’ai senti l’engagement politique derrière cette histoire. Il n’y avait pas de préjugés et, en même temps, j’ai beaucoup aimé le rôle qu’il me proposait », explique Hiam Abbass, qui, depuis sa prestation dans Satin rouge, de la Tunisienne Raja Amari, n’a cessé d’être sollicitée.
La Fiancée syrienne * se passe dans le Golan. Hiam Abbass y incarne Amel, la grande soeur de Mona, une jeune fille druze (interprétée par l’émouvante Clara Khoury) qui doit rejoindre son fiancé à Damas et qui, dès lors qu’elle aura franchi la frontière, ne pourra plus remettre les pieds dans son Golan natal sous occupation israélienne. Et cette journée de mariage, la dernière que Mona passe avec sa famille, la plus triste de sa vie, est montrée à travers le regard de la soeur aînée, une femme qui tente d’échapper tant à l’oppression des hommes de sa famille qu’à celle de l’armée israélienne.
Autant dire une situation propre à toucher Hiam Abbass au plus profond de son être. L’actrice a vu le jour il y a une quarantaine d’années dans un village au nord de Nazareth et a dû transgresser bien des tabous pour mener sa vie comme elle l’entendait. « J’ai fait des choses que la religion et que mes parents réprouvaient… comme partir, me marier avec un homme d’une confession autre que la mienne, divorcer, devenir comédienne », confirme-t-elle.
Et l’on imagine qu’il n’a pas dû être aisé de braver les traditions d’un village de Galilée pour sillonner la région appareil photo en bandoulière. Car le premier métier de Hiam Abbass était photographe. Un jour, on lui demande de prendre des clichés de la fameuse troupe du Hakawati à Jérusalem, et c’est ainsi qu’elle pénètre le monde du spectacle. Un beau matin, elle est invitée à remplacer une comédienne au pied levé. Elle accepte la proposition et se découvre une nouvelle vocation. Elle enchaînera par la suite les pièces et les tournées, en Palestine, en Israël, mais aussi en Europe.
À la même époque, en 1987, elle fait sa première apparition sur le grand écran dans Noces en Galilée, de Michel Khleifi. En 1989, ses pérégrinations théâtrales la mènent en Angleterre, puis à Paris, où elle a fini par s’installer et mener une belle carrière cinématographique. Elle tourne entre autres sous la houlette de Rachid Masharawi (Haïfa, 1995), Christophe Ruggia (Le Gone du Chaâba, 1996), Bourlem Guerdjou (Vivre au Paradis, 1998) et, plus récemment, avec Yousri Nassrallah (Bab el-Shams, 2003) et Moufida Tlatli (Nadia et Sarra, 2004).
Mais tant de rôles ne l’empêcheront pas de se réveiller un beau matin avec un besoin viscéral d’écrire. C’est ainsi que naît son premier court-métrage, Le Pain (2000), suivi d’un deuxième, La Danse éternelle (2003).
Elle a aussi entamé l’écriture d’un long-métrage, mais les propositions qui affluent de toutes parts ne lui laissent guère, pour l’instant, le loisir de l’achever. Son prochain tournage ? Free Zone, de l’Israélien Amos Gitaï. Travailler avec des réalisateurs israéliens est sa façon à elle de contribuer à la paix dans cette région du monde. « Les artistes font la preuve d’une vraie collaboration sur des bases égales. On est là pour faire avancer la machine chacun à sa façon », explique cette comédienne palestinienne à qui la nationalité israélienne fut imposée et qui ne la refuse pas, car c’est pour elle l’unique moyen de retourner sur la terre de son enfance.

* La Fiancée syrienne, réalisé par Eran Riklis ; sortie en France le 9 mars 2005.

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