Sénégal – Khalifa Sall : « Je serai candidat à la présidentielle de 2024 »

Après des années de mutisme, l’ancien maire de Dakar règle ses comptes. Et affirme se tenir prêt pour la prochaine présidentielle.

Rencontre avec l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall à son domicile, à Dakar, le 7 décembre 2021 © Sylvain Cherkaoui pour JA

Rencontre avec l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall à son domicile, à Dakar, le 7 décembre 2021 © Sylvain Cherkaoui pour JA

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Publié le 9 décembre 2021 Lecture : 14 minutes.

Difficile d’imaginer, en l’écoutant, qu’en quelques mois il a tout perdu – politiquement parlant. Depuis sa condamnation à cinq années de prison, le 30 mars 2018 – une peine confirmée en appel –, Khalifa Ababacar Sall a chuté du piédestal qu’il avait patiemment bâti depuis son plus jeune âge. Une ascension politique où il fut tour à tour député, ministre puis maire de Dakar.

Déclaré coupable de plusieurs délits dans l’affaire dite de la « caisse d’avance » de la mairie de la capitale sénégalaise, dont « escroquerie aux deniers publics », « faux et usage de faux dans des documents administratifs » et « complicité de faux en écriture de commerce », Khalifa Sall a alors vu le ciel lui tomber sur la tête.

S’il sera gracié par le président Macky Sall en septembre 2019, quelques mois après la présidentielle, il aura perdu, successivement, son mandat de maire de Dakar (acquis en 2009 puis renouvelé en 2014) et celui de député (remporté en 2017, depuis sa prison) et n’aura pu concourir à la présidentielle de 2019, sa candidature ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel pour cause d’inéligibilité. Tout comme il aura cédé sa place à la tête de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), dont il était le secrétaire général, de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA) et de Cities Alliance, qu’il présidait.

Alors que des élections locales, maintes fois reportées, doivent se dérouler le 23 janvier 2022, précédant de quelques mois un scrutin législatif, ce vétéran de la scène politique sénégalaise, devenu inclassable depuis son exclusion par le Parti socialiste (PS) en 2017, règle ses comptes avec le pouvoir. Et annonce son come-back.

Jeune Afrique : Votre coalition, Taxawu Sénégal, a désigné Barthélémy Dias, le maire de la commune de Mermoz-Sacré-Cœur, comme candidat à la mairie de Dakar. Mais ce dernier doit être jugé en appel dans l’affaire de la mort par balles d’un nervis du Parti démocratique sénégalais (PDS), pour laquelle il avait été condamné en 2012 à six mois de prison. N’est-il pas risqué d’investir ainsi un candidat qui comparaîtra devant la justice deux mois après le scrutin ?

Khalifa Ababacar Sall : Le processus au sein de notre coalition a été le même partout, pour la ville de Dakar comme pour toutes les communes du pays : nous sommes dans la coalition Yewwi Askan Wi, qui est gagnante et compétitrice. Nous avions deux candidatures pour la mairie : Barthélémy Dias et Soham El Wardini [la maire sortante par intérim]. Au terme des concertations dans les 19 communes de Dakar, Barthélémy Dias a été choisi.

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Depuis des années, j’ai assisté à toutes les audiences dans la procédure qui le vise. Il avait fait appel du jugement qui le condamnait tout comme le Parquet – car il a été agressé dans sa mairie, qui est une institution de la République. Il s’est défendu, certes. Mais on n’a jamais pu prouver que c’est bien lui qui a été à l’origine du décès de Ndiaga Diouf.

On maintient une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Barthélémy Dias. Le dossier est politique

Le fait de le choisir comme candidat de Taxawu Sénégal n’expose-t-il pas votre coalition à une sérieuse déconvenue si la justice devait le condamner prochainement à une peine plus lourde ?

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Nous avons pris une décision politique. Nous partageons la démarche de Barthélémy Dias. Dans cette affaire, où il est innocent, on sent une manipulation politique. Comment a-t-on pu laisser de côté pendant si longtemps une affaire comme celle-là, sans la vider, et la faire resurgir systématiquement à des moments politiques cruciaux : pendant le référendum de 2016, pendant mon procès, pendant les législatives de 2017, pendant la présidentielle… et, désormais, au moment des locales ?

C’est une épée de Damoclès que l’on maintient au-dessus de sa tête pour lui envoyer un message : « Si tu te tiens tranquille, on se tiendra tranquille. Mais si tu bouges, on sera là ! » De notre côté, nous considérons que le dossier est politique et non judiciaire. Donc nous entendons le gérer politiquement.

Vous vous exprimez aujourd’hui alors que vous évitiez soigneusement les médias nationaux ou internationaux depuis de nombreuses années. Pourquoi ?

Qu’est-ce que c’est, au fond, l’expression publique d’un homme politique ? Est-ce sa parole ou bien les actes qu’il pose ? Chacun perçoit la communication à sa manière. Pour moi, l’important est de m’adresser aux interlocuteurs à qui cette communication est réellement destinée : autrement dit, les populations. Communiquer, c’est aller vers les gens, discuter avec eux, m’imprégner de leurs préoccupations.

Bien s’informer, mieux décider

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