Consensus à la rwandaise

Alors que le Burundi a choisi de faire du dosage ethnique la base de ses nouvelles institutions, Kigali proscrit toute allusion aux clivages entre Hutus et Tutsis.

Publié le 7 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

Fixée selon des règles de pure arithmétique, la composition des institutions issues de la nouvelle Constitution adoptée par référendum le 28 février vise à prendre en considération, de manière pragmatique, la complexité des rapports ethniques pour tenter de mieux les canaliser. Une méthode totalement opposée à celle choisie par le Rwanda pour conjurer ses vieux démons génocidaires.
La Loi fondamentale rwandaise adoptée en mai 2003 par la majorité de la population, consacre, elle aussi, un partage des pouvoirs entre les différentes sensibilités représentées sur la scène politique nationale : le président de la République, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale doivent tous trois appartenir à un parti politique différent. Dans l’esprit de ses concepteurs, ce type de gouvernance doit réduire à néant les antagonismes politiques classiques, susceptibles de semer la division au sein de la population. Difficile, en effet, de parler de multipartisme au Rwanda, sans faire allusion aux idéologies extrémistes qui ont conduit au génocide de 1994. Conformément à la Constitution, l’activité des partis politiques reste donc fortement encadrée. Regroupées au sein du « Forum des partis », les formations autorisées doivent se soumettre au sacro-saint consensus imposé comme mode de gouvernance. Dans un pays qui s’est reconstruit sur « les impérieuses valeurs d’unité et de réconciliation », il est strictement interdit de faire référence, de quelque manière que ce soit, aux différences ethniques, religieuses, régionales ou claniques. Candidat malheureux à la présidentielle de septembre 2003, le Hutu Faustin Twagiramungu en a fait l’amère expérience, puisqu’il a été accusé de « divisionnisme » au cours de la campagne électorale.
Si la référence au facteur ethnique est pratiquement considérée comme un crime à Kigali, Bujumbura a choisi d’affirmer haut et fort l’existence de cette fracture intercommunautaire. Longtemps dubitatifs à l’égard de leur voisin burundais, les dirigeants rwandais pourraient ressentir une certaine inquiétude face à l’évolution positive de la situation à Bujumbura. Alors que certains attendent toujours une véritable libéralisation du paysage politique local, le consensus « à la rwandaise » pourrait bien vite paraître « insuffisant » pour de nombreux Hutus vivant au pays des Mille Collines.
Parallèlement, les craintes exprimées par l’Union pour le progrès national (Uprona, principal parti tutsi burundais), qui se dit préoccupée par le risque de « monopolisation du pouvoir par un groupe politico-ethnique », sont partagées par les autres communautés tutsies vivant dans les pays voisins, surtout au Rwanda. Enfin, sur le plan diplomatique, Kigali risque d’y perdre, sinon un allié objectif, tout au moins un voisin bienveillant : un pouvoir hutu élu à Bujumbura serait naturellement enclin à se rapprocher de Kinshasa… au détriment du régime de Paul Kagamé.
Toutefois, l’option de dosage ethnique retenue par la Constitution burundaise n’est pas sans risque pour le pays lui-même, dans la mesure où elle ne fait que couler dans le marbre de la loi la confrontation entre les deux communautés. Les dernières élections organisées au Burundi, en 1993, avaient déjà débouché sur un affrontement ethnique, à la suite de l’assassinat de Melchior Ndadaye, le premier président démocratiquement élu et le premier hutu chef de l’État. Bilan : plus de 300 000 victimes.

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