Ça bouge
C’est une semaine où, me semble-t-il, le positif domine et incite à l’optimisme. Je dirais, plus précisément, que, dans les événements qui se déroulent sous nos yeux et les évolutions qu’ils annoncent, on peut détecter des lendemains meilleurs.
Je commence par l’Afrique subsaharienne et, tout d’abord, par le Togo.
Grâce à l’Union africaine (UA) et à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), plus généralement à l’opinion publique togolaise et africaine, la crise de succession a pris la voie du dénouement, et les pessimistes, dont j’étais, ont noté avec soulagement que leurs craintes étaient excessives.
Le Togo et l’Afrique de l’Ouest ne sont certes pas sortis de la zone dangereuse, mais, pour l’heure, ils paraissent vouloir s’en éloigner : « Le pire n’est pas toujours sûr », et l’on peut même dire qu’en l’occurrence c’est le meilleur qui se dessine.
Il reste à espérer que « les fruits tiendront la promesse des fleurs ». Mais, pour qu’il en soit ainsi, il faut que l’UA et la Cedeao, la communauté internationale – et les acteurs togolais au premier chef – jouent jusqu’au bout le jeu de la démocratie, privilégient l’apaisement plutôt que l’affrontement, se donnent pour objectif de mener le Togo à une République nouvelle qui aura exorcisé le démon de la vendetta.
Mais il y a aussi dans la région des Grands Lacs, au Burundi, un deuxième succès pour la grande diplomatie africaine, tout aussi éclatant, et qui a beaucoup tardé à venir (voir pages 37-39).
Si l’on passe de l’Afrique subsaharienne au Moyen-Orient, on aperçoit trois évolutions qui mêlent le positif et le négatif, mais dont on peut dire, tout bien pesé, qu’elles sont – de loin – préférables au statu quo ante.
1. La seconde Intifada palestinienne est terminée ou, à tout le moins, suspendue ; l’ère Arafat est ainsi clôturée, et il reviendra aux historiens de se prononcer sur la performance du fondateur de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Du côté israélo-américain, plus précisément des pouvoirs qui dirigent les deux pays, on estime qu’on a « contenu la vague » et défait ceux des Palestiniens qui voulaient obtenir par la force ce qui leur a été refusé par la négociation. Mais Bush et Sharon eux-mêmes savent que le statu quo n’est pas tenable et donnent l’impression de vouloir faire bouger les choses.
Sont-ils capables de dépasser la demi-solution à laquelle ils pensent et qui ne mettra pas fin au conflit ? J’en doute, mais il est permis d’espérer que la dynamique de leur action les mènera plus loin qu’ils ne veulent aller et, peut-être, jusqu’à la solution. S’ils ne parcourent pas ce chemin, leurs successeurs devront le faire.
Connue de tous depuis une décennie, cette solution est décrite une fois de plus, ce 3 mars 2005, dans un éditorial du Financial Times, quotidien britannique modéré, favorable aux États-Unis et à Israël.
« L’affrontement pour le partage de la terre pourrait rebondir brutalement si Ariel Sharon utilise l’astuce de Gaza pour conforter la mainmise d’Israël sur la Cisjordanie et poursuivre son objectif d’un règlement éternellement provisoire du conflit. Mahmoud Abbas, pour sa part, ne survivra que s’il peut démontrer à son peuple que la manière pacifique qu’il propose donne des résultats – et que la fin de l’occupation israélienne est en vue.
Les deux parties devront donc dire plus précisément à quoi elles veulent aboutir. Il semble qu’il n’y a guère de chances, dans les conditions actuelles, qu’Israéliens et Palestiniens puissent seulement envisager de s’entendre sur les problèmes de ce qu’on appelle le statut final : les frontières, les colonies, les réfugiés et Jérusalem.
La meilleure manière de faire un petit pas en avant pourrait donc être de réunir une conférence internationale.
Il n’y a pas de mystère sur ce que devrait être la base de l’accord : un État palestinien occupant pratiquement toute la Cisjordanie et la totalité de la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale ; la reconnaissance par les Arabes du droit d’Israël de vivre en paix derrière les frontières de 1967, avec de petits aménagements. Et il n’y a pas le moindre doute qu’en droit international l’occupation israélienne et l’expansion des colonies juives sont illégales.
Ce sont, bien entendu, les Israéliens et les Palestiniens qui devront se mettre d’accord. Mais il appartient à la communauté internationale à la fois de faciliter cet accord et de faire comprendre aux deux parties que le monde ne veut plus être l’otage de leur affrontement. »
2. L’Irak. Ce grand pays est toujours occupé et la violence y est quotidienne, comme pour montrer que les élections n’ont pas tout réglé. Mais il est indéniable que l’Irak entre, en ce mois de mars 2005, dans une ère nouvelle : devant lui s’ouvre un nouveau chapitre d’histoire, et nous ne pouvons que nous féliciter de le savoir écrit, principalement, par la majorité chiite, qui aura enfin pris les commandes.
3. L’évolution la plus spectaculaire dans la région concerne le Liban et la Syrie.
C’est tout à fait inédit et lourd de conséquences.
Grâce à l’actuel président des États-Unis, dont je ne me souviens pas qu’il ait une seule fois demandé à son allié israélien d’évacuer les territoires arabes qu’il occupe, mais qui veut rester dans l’Histoire comme le « libérateur » des peuples (arabes, de préférence), grâce à George W. Bush donc, la Syrie va rapatrier les troupes qu’elle a le tort de maintenir au Liban contre la volonté de la majorité des Libanais.
Elle le fera contrainte et forcée, et le régime qui la gouverne (fondé sur une minorité encore plus étroite que celle sur laquelle s’appuyait Saddam pour gouverner l’Irak) ne résistera probablement pas à ce qui apparaîtra comme une humiliation.
Si tel est le cas, Israël et les États-Unis auront obtenu un nouveau changement de régime arabe, mais sans guerre cette fois.
Et, grâce à eux, un pays arabe (de plus) sera gouverné non par une minorité usurpatrice, mais par des hommes et des femmes issus de la majorité ! Qui le leur reprochera, surtout si c’est avec ce nouveau pouvoir installé par les États-Unis et Israël que ce dernier négociera l’évacuation, par ses troupes et ses colons, du Golan syrien ?
Si vous voulez bien vous reporter maintenant au plan israélo-américain de remodelage de la carte du Moyen-Orient, exposé ici même, et à sa ligne directrice (remplacer les régimes arabes hostiles à l’Amérique ou à Israël par des pouvoirs amis et qui acceptent l’hégémonie israélo-américaine), et si vous passez en revue la liste des 22 États membres de la Ligue arabe, vous pouvez constater qu’une bonne dizaine, soit près de la moitié, sont :
– soit déjà pris en main, « récupérés » et mis à la place qui leur est assignée dans la nouvelle carte de la région : le Koweït, Oman, le Qatar et d’autres émirats (plus la Jordanie).
– soit en voie de l’être : l’Irak, la Palestine, le Liban, la Syrie (plus la Libye).
Restent deux « gros morceaux » : l’Arabie saoudite et l’Iran (grand pays de la région mais non arabe). Leur destin n’est pas arrêté car le plan les concernant est encore en élaboration.
Restent l’Égypte et le Yémen, cas particuliers.
Et les pays du Maghreb, qui font l’objet, eux aussi, d’un traitement à part.
Conclusion : si le « monde arabe », plus particulièrement sa partie moyen-orientale, est en train d’être recolonisé, c’est qu’il était « colonisable ».
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