Vitrine du monde

Protection de l’environnement et haute technologie sont les deux thèmes de l’Exposition universelle d’Aichi, qui se tiendra à partir du 25 mars, près de Nagoya.

Publié le 7 février 2005 Lecture : 6 minutes.

Devinette : à quel endroit pourra-t-on voir à la fois un mammouth gelé de Sibérie, un robot bipède qui joue de la trompette, un bus sans conducteur et le plus grand écran du monde ? Réponse : à l’Exposition universelle d’Aichi, qui se tiendra du 25 mars au 25 septembre dans la province de Nagoya. Cette grande cité, pourtant troisième ville économique du Japon après Tokyo et Osaka, avait jusque-là bien peu fait parler d’elle. Une injustice qui sera prochainement réparée, grâce à cette première exposition internationale du xxie siècle, à la fois vitrine impressionnante des technologies de pointe et ode à notre environnement. N’a-t-elle pas choisi pour thème « La sagesse de la nature » ? De fait, tout a été mis en oeuvre pour préserver la beauté du cadre, au coeur d’un luxuriant parc naturel riche en bois et en étangs. Conformément au principe d’harmonie avec les écosystèmes, la forêt occupe 49 % des 173 hectares qui retrouveront leur état originel après la clôture de la manifestation. Le Global Loop, ou « Circuit du monde », une passerelle surélevée de 2,6 km de long, offre un accès facile, car dépourvu de barrière, d’un pavillon à l’autre, sans pour autant modifier la topographie des lieux. Le Loop, en effet, a été construit sur des emplacements déjà existants, comme des terrains de football et de tennis. Un moyen d’éviter l’abattage des arbres ou le remblaiement des plans d’eau. Ce qui explique la forme en boucle de cette artère en bois qui serpente tout autour du site, tel un circuit automobile. Et ce n’est pas tout ; pour éviter tout débordement dans l’élaboration des pavillons des cent vingt-deux pays et organisations internationales participants, le Japon a préféré prendre lui-même en charge leur construction. Une façon de s’assurer que les lieux seront laissés dans l’état dans lequel ils ont été trouvés. Le pays hôte ne veut pas se retrouver, à l’instar de l’Espagne il y a treize ans, avec des pavillons inutilisés sur les bras. Il ne sera donc pas question, pour les participants, de rivaliser d’efforts et d’audace architecturale afin de se doter du pavillon le plus spectaculaire, comme ce fut le cas à l’Exposition de Séville en 1992.
Les nations et organisations seront regroupées par régions, dans six blocs appelés Global Commons (« Hameaux du monde »), représentant respectivement l’Asie, l’Afrique, l’Europe, l’Océanie et l’Asie du Sud-Est, les Amériques, ainsi que le monde méditerranéen. Le choix de procéder à des constructions modulaires est destiné à réduire l’impact sur l’environnement. Pour promouvoir sa culture ou sa technologie, chaque État disposera d’au moins une unité de surface de 18 mètres sur 18 et pourra acquérir jusqu’à cinq modules au maximum. Si les États-Unis ont choisi de célébrer le 300e anniversaire de la naissance de Benjamin Franklin en faisant de ce père fondateur le guide en images 3D de leur pavillon, le Népal a préféré montrer la reproduction grandeur nature d’un temple bouddhiste, construit par deux cents artistes népalais. Bref, chaque pays sera libre de décorer son pavillon comme il l’entend.
Si la démarche adoptée par le pays du Soleil-Levant est d’une touche résolument écologique, il n’en néglige pas pour autant de promouvoir ses performances dans le domaine des technologies de pointe. À côté des sages bâtiments officiels, les pavillons futuristes des grands groupes locaux exhibent avec faste leur savoir-faire. Un torrent géant symbolisant des rapides coulera au coeur du pavillon Hitachi, conçu comme un canyon. Les visiteurs pourront y expérimenter l’ubiquous computing, l’informatique interactive et intelligente, où le dialogue avec la machine ne passe plus par le clavier, mais par la voix, l’écriture manuelle ou des puces corporelles. Mitsubishi, lui, a préféré miser sur une salle de cinéma pourvue d’effets spéciaux spectaculaires, tandis que chez Toyota, un robot-majordome vous accueillera en jouant à la trompette « When You Wish Upon a Star » de Louis Armstrong, grâce à ses lèvres flexibles.
Ces signes ostentatoires n’empêchent pas ces entreprises de militer elles aussi pour une « symbiose harmonieuse avec la nature ». Mitsubishi a recouvert d’herbe le toit et les murs de son pavillon pour réduire la consommation d’énergie induite par la climatisation, préfigurant ainsi l’édification d’immeubles spécialement conçus pour lutter contre le réchauffement climatique. De son côté, grâce à l’énergie fournie par une éolienne, celui de Toyota n’émettra pas de dioxyde de carbone. Un mot d’ordre : à bas la pollution ! Même les « curiosités » de l’expo sont écologiquement correctes. Tels les IMTS (Intelligent Multimode Transit System), des bus qui rouleront sans conducteur sur des voies réservées et produiront peu de gaz polluants à effet de serre. Programmés pour circuler en peloton de trois, ces véhicules innovants feront un parcours sans faute grâce à des marqueurs magnétiques incrustés dans la route. Et sans risque d’accidents, s’il vous plaît, puisqu’ils disposent d’une fonction anticollision intégrée à leur mémoire.
Le voyage dans le temps ne s’arrêtera pas là. Une grande variété de robots humanoïdes se mêleront aux visiteurs sur tout le site. Certains les accueilleront en s’adressant à eux comme s’ils étaient des amis de longue date, d’autres seront affectés au nettoyage ou à la sécurité, tandis que d’autres encore joueront les baby-sitters dans les haltes-garderies, sous le regard vigilant de Kiccoro et de Morizo, les mascottes de l’exposition. Deux bonshommes verts, dont le logo évoque, sur le mode humoristique, la nature et traduit l’ambition de cette exposition : allier les technologies les plus évoluées à la sauvegarde du patrimoine culturel. Le pavillon des Trésors du monde, où le public pourra admirer une partie du corps d’un mammouth gelé excavé en Sibérie, jouxte celui du Japon, où trône, prodige de la technologie moderne, un énorme écran sphérique à 360 degrés. Le premier au monde. Et, avec quelque sept mille animations et manifestations prévues pendant les cent quatre-vingt-cinq jours que durera l’exposition, les visiteurs n’ont pas fini d’en voir.
Alors, Aichi 2005, l’exposition de tous les défis ? Le Japon a en tout cas vu les choses en grand. Outre la construction du nouvel aéroport ultramoderne construit sur une île artificielle à proximité d’Aichi, le pays a déboursé 135 milliards de yens (1 milliard d’euros) pour organiser cette fête. L’État, la ville d’Aichi et des entreprises privées ont fourni l’essentiel des finances. Un investissement que l’archipel compte rentabiliser par la vente des tickets d’entrée (35 euros environ) et les jeux qui seront organisés, comme les courses de chevaux et les épreuves cyclistes. À un mois de l’ouverture, les travaux du site ont beaucoup avancé et les organisateurs sont certains de finir dans les temps, comme le certifie Kawamoto Masaaki, le directeur de la communication de l’Expo 2005 : « Comme d’habitude, le Japon tiendra ses délais. Tout sera donc fini pour l’ouverture. S’il y a des retards, ceux-ci ne dépendront pas de nous, mais des pays chargés de décorer eux-mêmes leurs pavillons. » L’échec, comble du déshonneur nippon, est tout simplement inenvisageable pour ces descendants de samouraïs. Pas question de répéter le « bide » de l’Exposition universelle de Hanovre en 2000, qui s’était achevée sur un fiasco financier, avec un déficit de 1,23 milliard d’euros. Alors que Séville avait accueilli 41,3 millions de visiteurs, Hanovre n’en avait reçu que 18 millions, sur les 40 millions espérés. Le Japon, lui, attend 15 millions de visiteurs, dont 1,5 million en provenance de l’étranger. Pour parer à tout échec, le pays a établi un système de vente préalable de tickets : « Nous avons tablé sur le fait que si nous arrivons à vendre la moitié des billets avant l’ouverture, le reste s’écoulera forcément », affirme Kawamoto Masaaki. Bien joué : à quelques semaines de l’ouverture officielle, 8 millions de tickets se sont déjà vendus.

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