Turquie-Europe : la confusion

Publié le 8 février 2005 Lecture : 2 minutes.

C’est une malchance pour la Turquie et pour l’Europe que le problème de leur relation ait été mal posé naguère et qu’au fil des années il ait été traité dans la confusion par les responsables politiques, au point d’être devenu un sujet de controverse et de tension en Turquie même et au sein de l’Union européenne. Il y a tout lieu de penser qu’il va évoluer dans la confusion et au prix d’arrière-pensées préjudiciables à toutes les parties concernées.
Si la clairvoyance avait prévalu, on aurait constaté que l’évolution de la Turquie était d’une importance capitale tant pour elle-même que pour ses voisins, dont l’Union européenne. L’intégration amorcée par la création du marché commun était très délicate à réaliser, compte tenu d’une histoire chahutée et des caractéristiques propres à chaque pays concerné.
L’erreur capitale commise a été de lier les deux sujets, alors qu’ils étaient d’une essence fort différente. Elle a dû beaucoup à l’interférence brouillonne des États-Unis, motivés, au temps de la guerre froide, par le souci de consolider l’ancrage de la Turquie dans le camp occidental. Le président Nixon afficha donc un soutien actif à la prise en charge de la Turquie par l’ensemble européen naissant.
La position simplificatrice de Washington sur ce sujet n’a pas varié. Elle a été reprise à son compte par la Grande-Bretagne, jamais convaincue, semble-t-il, par l’idéal européen et qui a saisi là l’occasion de dissoudre le « noyau dur » de l’intégration européenne dans un vaste ensemble à vocation essentiellement économique. La logique du rapprochement toujours plus intime des six pays fondateurs du Marché commun, devenu Communauté économique européenne, et de ceux qui les ont rejoints visant à un « approfondissement » de ses structures avant son « élargissement » a été écartée.
L’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ne peut manquer d’avoir pour conséquence l’abandon de l’objectif d’une Europe confédérale dans laquelle une part croissante des décisions de ses membres serait prise dans un cadre collectif. Comment croire que les Européens puissent intégrer le peuple turc dans la gestion de leur vie profonde, il leur est déjà difficile de se mettre d’accord entre eux, alors que c’est pourtant la condition de la survie de leur influence dans le monde. En s’associant des éléments profondément différents à maints égards, elle réduira de fait ses ambitions propres. Il est loin d’être évident que la Turquie sera gagnante dans une participation à l’Europe qui la dénaturera en partie et réduira sa liberté de mouvement.
L’Europe est l’Europe, la Turquie est la Turquie. Il fallait aborder sans idée préconçue le problème fort important de leur relation, sans exclure la possibilité d’évolutions ultérieures, jugées mutuellement bénéfiques le moment venu. La logique malheureuse de l’évolution annoncée est qu’elle va rendre beaucoup plus difficile la définition des relations avec d’autres pays du Bassin méditerranéen, voire du Moyen-Orient. Les convictions européennes de nombreux responsables politiques en Europe, et particulièrement dans les pays fondateurs du marché commun, ne sont pas à la hauteur de celles de leurs prédécesseurs.

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