Satisfaction mesurée

Officiellement, tous les indicateurs économiques sont au vert, mais le ralentissement de l’activité dans le textile et la stagnation des investissements productifs incitent à la prudence.

Publié le 7 février 2005 Lecture : 4 minutes.

Grâce aux bienfaits du ciel et… de l’euro fort, l’économie tunisienne a connu une forte croissance en 2004. Le Produit intérieur brut (PIB) progresse de 5,8 %, soit 0,2 % de mieux qu’en 2003, et confirme le rebond par rapport au médiocre 1,7 % de 2002. Les statistiques qui permettent de mesurer l’évolution des activités économiques ont leurs limites, mais les performances sont là, indéniables. En 2004, les exportations, principal moteur de la croissance, ont globalement augmenté de 16,6 %. Les importations, en hausse de 13 % par rapport à 2003, s’accélèrent, mais pour la bonne cause, puisqu’elles recouvrent l’achat de biens d’équipement et de produits semi-finis nécessaires au fonctionnement des entreprises. Le tourisme, qui représente près de 7 % du PIB, a repris ; le déficit de la balance énergétique, suite à la hausse des prix du pétrole sur le marché mondial, s’est révélé moins lourd que prévu : 408 millions de dinars, contre 424 millions de dinars en 2003 (1 dinar = 0,62 euro). Tous ces facteurs ont contribué à réduire le déficit de la balance des opérations courantes, qui se chiffre à 2 % du PIB en 2004, contre 2,9 % en 2003 et 4,1 % en 2000 et 2001. L’épargne salariale des Tunisiens qui résident à l’étranger, et plus particulièrement en Europe, a augmenté de 13,2 % : elle atteint 1 376 millions de dinars (soit plus de 5 % du PIB), contre 1 216 millions de dinars en 2003. Les réserves de devises du pays se sont élevées à 4 733 millions de dinars fin 2004 – ce qui représente cent sept jours d’importations -, contre 3 503 millions de dinars et quatre-vingt-dix jours d’importations fin 2003 : un record, et une bonne nouvelle pour le Fonds monétaire international (FMI), qui souhaitait que les réserves couvrent au minimum trois mois d’importations.
Ces chiffres démontrent que la croissance tunisienne n’est pas un mirage. Ils confirment que le pays est capable de résister aux pressions de l’environnement économique international et de préserver ses équilibres fondamentaux. Une bonne tenue qui s’explique aussi par la diversification de l’industrie, qui doit sa croissance de quelque 5 % aux exportations des industries mécaniques et électriques. Leurs ventes à l’étranger ont progressé de 20,44 % en 2004 et, avec une valeur de 2,59 milliards de dinars, représentent désormais 21,55 % des exportations.
Mais la Tunisie s’expose à des lendemains difficiles si elle n’interprète pas correctement les signaux qui apparaissent à travers les résultats de 2004. Tout d’abord, en raison du ralentissement dans le textile et de la lente reprise du tourisme, une partie non négligeable de la croissance provient des bonnes performances de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et de l’effet d’un euro fort, qui s’est apprécié de 6,4 % par rapport au dinar, ce qui augmente d’autant la contrepartie en dinars des recettes en euros.
De meilleures conditions climatiques ont permis d’obtenir une bonne saison en agriculture, qui représente habituellement plus de 12 % du PIB. La récolte céréalière, exceptionnelle, a atteint 24 millions de quintaux, soit le double de la moyenne annuelle, et la production d’huile d’olive, 280 000 tonnes, avec des exportations records de 200 000 tonnes en 2003-2004. Au total, les exportations agricoles et agroalimentaires ont connu une hausse vertigineuse : 83 % par rapport à 2003. Elles ont représenté 11,36 % des exportations totales, contre 7,25 % en 2003. L’appréciation de l’euro a gonflé à la fois la valeur des recettes d’exportation et celle des importations agricoles et agroalimentaires qui, théoriquement, aurait dû baisser.
Mais la hausse de l’euro cache mal l’érosion des exportations du secteur textile-habillement et cuir, à plus de 95 % destinées au marché européen et payées en euros. D’après les statistiques, la valeur en dinars a progressé de 4,73 %. Cela veut dire qu’en dinars constants (calculés sur la base d’une appréciation de l’euro de l’ordre de 6,4 %), cette croissance a été en fait négative. Cela est d’ailleurs confirmé par la baisse de 1 % de l’indice de la production textile-habillement et par la chute à 42,4 % de sa part dans les exportations totales, alors qu’elle était de 47,1 % en 2003. Un recul qui était prévisible. Les donneurs d’ordres européens ont commencé, l’an dernier, à anticiper sur la levée, le 1er janvier 2005, des quotas sur l’entrée des textiles asiatiques en Europe et à placer des ordres auprès des Chinois, plus compétitifs que les Tunisiens sur les produits bas de gamme. Ce qui laisse augurer une année 2005 des plus difficiles dans le secteur.
Par ailleurs, le tourisme, secteur clé de l’économie, continue à poser problème malgré la reprise enregistrée. Si les recettes en devises ont progressé de 17,7 % en 2004, ce qui, malgré l’effet euro, constitue une embellie incontestable, on n’a pas encore retrouvé les chiffres de 2001, supérieurs de 4,1 % à ceux de 2004, tant au niveau des visiteurs européens que des recettes.
Dernier indice auquel il faut prendre garde : celui des investissements productifs, dont les bulletins de conjoncture gouvernementaux ne font pas publiquement mention. Peut-être le signe que, sur ce plan, il y a une stagnation, sinon une baisse, pour la deuxième année consécutive. Pourtant, c’est bien d’eux que dépendra la solution du problème du chômage (dont le taux officiel atteint 14 %), priorité numéro un du programme présidentiel. Et la croissance de 2005.

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