Provinces oubliées

L’accord de paix conclu le 9 janvier dernier porterait-il en germe l’implosion du pays ?

Publié le 7 février 2005 Lecture : 2 minutes.

A l’Est comme à l’Ouest, les régions se plaignent d’un pouvoir central qui les néglige et les a écartées du partage des richesses et du pouvoir, au bénéfice du Sud. Elles refusent d’être les laissées-pour-compte de la paix.
Une crise succédant à une autre, après le soulèvement du Darfour à l’Ouest depuis février 2003, ce sont désormais les tribus de l’Est qui font parler d’elles. Leur révolte, qui couvait depuis une dizaine d’années, a abouti à la constitution d’un mouvement rebelle, le Congrès Beja. Ses dirigeants ont pignon sur rue à Asmara, capitale de l’Érythrée voisine, et leur aile militaire opère des deux côtés de la frontière. Sans trop inquiéter le pouvoir central, qui a préféré leur céder un terrain désertique et montagneux pour concentrer ses forces sur la protection de Port-Soudan, terminal commercial et pétrolier stratégique sur la mer Rouge, véritable poumon économique du pays.
Jusqu’à ces manifestations organisées les 28 et 29 janvier à Port-Soudan. Le 28, tout se déroule pacifiquement. Les représentants des rebelles du Congrès Beja remettent au gouverneur, qui incarne le pouvoir central dans la province de la mer Rouge, un mémorandum reprenant leurs revendications. Mais dans la nuit, disent les autorités, ont lieu des pillages et des actes de vandalisme, ce qui fait monter la tension. Le 29, une nouvelle manifestation tourne à l’émeute lorsqu’elle atteint le centre-ville. Les forces de l’ordre tirent sur les Bejas venus des bidonvilles. Bilan : 18 morts selon les autorités, 25 selon les rebelles, qui parlent de « génocide », apparemment pour tenter d’internationaliser leur cause, comme l’ont fait les rebelles du Darfour.
Or une telle accusation de « génocide », reprise par le gouvernement et le Congrès américains en septembre 2004, n’a pas été prouvée. Dans un rapport rendu public le 31 janvier, une Commission internationale d’enquête mandatée par le Conseil de sécurité de l’ONU pour vérifier ces allégations a conclu « que le gouvernement du Soudan n’a pas poursuivi une politique de génocide… » Mais, ajoute le rapport, les troupes gouvernementales et les milices alliées d’une part, les forces rebelles (le Mouvement de libération du Soudan et le Mouvement pour la justice et l’équité) de l’autre, ont commis des actes criminels qui devraient être soumis à la Cour pénale internationale. Les premiers sont « responsables de sérieuses violations des droits de l’homme et du droit international équivalentes à des crimes ». Les seconds aussi ont commis « des violations sérieuses du droit humanitaire [meurtres et pillages] qui peuvent représenter des crimes de guerre ».
Ces conclusions n’ont satisfait ni le gouvernement ni les rebelles. Elles devraient pourtant les aider à arriver au constat qui a permis la signature de l’accord de paix avec le Sud, à savoir que la force ne règle rien. Seul le retour à la table des négociations permettra de rendre justice à toutes les régions du Soudan. Entre le partage du pouvoir et des ressources et l’implosion du pays, il va falloir choisir.

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