Promesses dans l’air

Publié le 7 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Le 29 janvier, alors que les médias internationaux concentraient leurs regards sur les funérailles – passées ici quasi inaperçues – de l’ex-secrétaire général déchu du Parti Zhao Ziyang, les Chinois se sont massés par centaines de millions devant leurs téléviseurs pour regarder décoller en direct sur l’aéroport de Pékin le Boeing 737 d’Air China CA-1085 à destination de Taipei.

Ce vol a pris valeur de symbole. Il rassure, de part et d’autre du détroit, des populations à qui les velléités d’indépendance de l’île faisaient redouter la perspective d’un conflit armé. Il a aussi été l’occasion d’exalter les liens très intimes entre « deux peuples chinois » que l’histoire avait éloignés l’un de l’autre. Ainsi les pilotes ont-ils témoigné qu’ils avaient d’instinct choisi le chinois pour communiquer avec les contrôleurs aériens de leur destination, ajoutant que l’échange avait été « très cordial et émouvant ». Même si, après un simple Ni Hao (« Bonjour » en chinois) et quelques paroles de politesse, les équipages ont été contraints de revenir à l’anglais pour éviter d’éventuels malentendus, du fait du décalage existant entre deux idiomes qui, depuis cinquante-six ans, ont évolué chacun de leur côté.
L’opération peut-elle être considérée comme une victoire pour Pékin ? Il est vrai qu’en prenant l’initiative de la négociation, la Chine a forcé le président taiwanais Chen Shuibian, connu pour ses positions indépendantistes, à faire des concessions importantes pour satisfaire son opinion publique, largement acquise aux vols directs. Taipei avait jusque-là tout fait pour limiter les échanges aériens, ainsi que les courriers et les transports maritimes directs avec le continent. Une politique à laquelle le million de Taiwanais – 5 %, environ, de la population de l’île -, hommes d’affaires et commerçants, installés aujourd’hui en Chine, n’adhéraient évidemment pas. Ceux-ci voient en effet dans ces nouveaux vols non seulement un gain de temps évident pour eux-mêmes (plus de quatre heures, correspondant à la suppression des escales de Hong Kong et Macao), mais surtout la possibilité d’un abaissement considérable du prix de revient de leurs produits.

la suite après cette publicité

Pour Pékin, les vols directs représentent une percée importante dans « la lutte contre les menées indépendantistes ». Et ce, bien que les vols restent d’une portée limitée, tant dans le temps – les « charters » sont seulement programmés sur trois semaines – que dans l’espace, puisque les autorités taiwanaises ont exigé que les avions empruntent une route qui leur fait survoler Hong Kong, un crochet inutile de plusieurs centaines de kilomètres. Les autorités de Taiwan ont-elles voulu signifier qu’à leurs yeux Hong Kong ne ferait pas partie intégrante de la Chine ou faire en sorte, comme l’a suggéré un commentateur taiwanais, que « l’enfant puisse sortir de la maison, non par la porte, mais seulement par la fenêtre » ?

Pékin veut croire néanmoins que les progrès réalisés interdiront tout retour en arrière, voire qu’ils fourniront la base des négociations qui conduiront « à la formation d’une nouvelle Chine », la « Chine unique », cette « grande Chine » qu’il appelle de ses voeux. Mais, pour le moment, consigne est donnée de s’en tenir à un seul mot d’ordre : le statu quo.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires