Tunisie : incendie au siège d’Ennahdha, Kaïs Saïed cherche à apaiser les tensions
Le siège du parti islamiste a été ravagé par un incendie causé par l’immolation d’un militant. Explications.
Le 9 décembre, en début d’après-midi, un incendie s’est déclaré au siège d’Ennahdha, situé dans le quartier de Montplaisir, à Tunis. Le feu a ravagé une grande partie des locaux du parti islamiste. Bilan : 1 mort et 18 blessés, dont Abdelkrim Harouni, président de la Choura, qui souffre de brûlures, et Ali Laarayedh, ancien chef du gouvernement et vice-président du parti à la colombe, qui présente des fractures après avoir sauté du deuxième étage du bâtiment en feu.
Les rumeurs sur les causes du drame sont allées bon train, avant que les faits ne se précisent : Samir, un militant d’Ennahdha de 51 ans, s’est immolé dans le hall de l’immeuble. Un geste de désespoir et de dépit.
L’homme, qui avait participé à l’attentat contre la cellule du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) à Bab Souika (Tunis) en 1991, avait été libéré en 2006, puis embauché par Ennahdha, qui a renoncé à ses services voilà un an.
Une partie de l’opinion publique s’est félicitée du drame sur les réseaux sociaux
Sans emploi, l’homme, qui escomptait percevoir les dédommagements que l’Instance Vérité et Dignité (IVD) avait accordés aux islamistes persécutés par l’ancien régime, n’a pu rencontrer le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, ce qui aurait motivé son passage à l’acte.
Détestation
Le chef du parti et président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) – gelée par le président Kaïs Saïed depuis le 25 juillet – s’est exprimé en fin de journée sur l’identité de celui qu’il qualifie de « martyr » : « Sami a passé plus de dix ans en prison et a mené une longue bataille contre la dictature […]. Même si l’Instance Vérité et Dignité s’est prononcée en sa faveur, Sami a souffert de la discrimination sociale. »
Depuis 2011, de nombreux protestataires ont tenté ou menacé de s’immoler par le feu. Exprimant d’ordinaire son empathie à l’endroit de ceux qui se tuent ainsi par désespoir, une partie de l’opinion publique s’est au contraire félicitée du drame sur les réseaux sociaux. Un phénomène qui en dit long sur la ténacité et l’ampleur de la détestation du parti islamiste. Alors qu’Ennahdha est le principal parti qui pâtit des décisions présidentielles du 25 juillet, Kaïs Saïed ne peut laisser les profondes divisions qui traversent la société mettre en péril son projet.
Dans la matinée du 9, le président s’est réuni avec son trio de conseillers en droit constitutionnel, les professeurs Sadok Belaïd, Amine Mahfoudh et Mohamed Salah Ben Aïssa. Kaïs Saïed se prépare à faire des annonces majeures à l’occasion de la commémoration de la révolution, qu’il vient de fixer au 17 décembre et non plus au 14 janvier.
Le président estime que la Constitution en vigueur n’est pas l’émanation de la volonté populaire et dénonce les politiciens qui cherchent des appuis auprès de puissances étrangères. Ce qui donne une idée des mesures que le chef de l’État va annoncer le 17 décembre.
Le soir, lors d’une séance du Conseil national de sécurité, Kaïs Saïed se présente comme fédérateur et conciliant
Changement de ton en fin de journée après l’incendie au siège d’Ennahdha : celui qui dit vouloir mettre en œuvre ce que « le peuple veut », selon le slogan qu’il a fait sien, se présente lors d’une séance du Conseil national de sécurité comme fédérateur et conciliant. Il s’est dit garant de la continuité de l’État sur un ton apaisé qu’on ne lui connaissait pas.
Pas de marche arrière
Entre le matin et le soir, Kaïs Saïed n’a pas changé d’avis mais il a jugé qu’il fallait calmer les tensions. « Il a bien affirmé et répété qu’il ne compte pas opérer de marche arrière et il faut se le tenir pour dit. Il a révélé que son problème et son projet est d’ordre constitutionnel mais les mesures qu’il prépare ne sont pas toutes les bienvenues, notamment la modification de la loi fondamentale qui revient à reconnaître que le 25 juillet était bien un coup d’État », commente une source proche des Affaires étrangères.
Dans ce contexte tendu, certains craignent que le chef de l’État n’ait recours à la force publique pour enrayer les mouvements de protestation qui s’organisent pour le 17 décembre. « Attendons de voir si les acquis seront préservés par son projet constitutionnel », tempère une militante féministe qui participera à la marche contre les violences faites aux femmes prévue à Tunis le 10 décembre.
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