Dans le concert des nations

Deuxième contributeur de l’Organisation des Nations unies, Tokyo revendique le statut de membre permanent du Conseil de sécurité.

Publié le 7 février 2005 Lecture : 5 minutes.

Le Japon attend beaucoup de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvrira en septembre prochain. L’archipel, à qui l’on fait miroiter depuis plus d’une décennie la perspective de devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, espère enfin obtenir ce siège tant convoité. « Je suis certaine que la 59e session de l’Assemblée générale constituera un tournant historique, parce que nous sommes dans la dernière ligne droite de la réforme des Nations unies », déclarait en septembre 2004 Yoriko Kawaguchi, ministre nippone des Affaires étrangères. Le Japon, qui se distingue par l’importance de son apport financier au budget de l’Organisation, ne cesse de le répéter : en tant que deuxième puissance économique mondiale, il a la capacité d’assumer les plus grandes responsabilités à travers sa contribution active au travail de l’institution, en particulier au sein du Conseil de sécurité. Depuis son admission en 1956, sa coopération avec les Nations unies constitue la pierre angulaire de la politique étrangère nippone. L’archipel, en effet, s’investit plus que n’importe quel État membre dans les principaux problèmes planétaires. Avec une coopération financière d’environ 20 %, il est le deuxième contributeur au budget général de l’Organisation, derrière les États-Unis (22 %). Sa seule cotisation dépasse celle – cumulée – des quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité : la France, la Chine, le Royaume-Uni et la Russie (17 %).
Aussi le pays du Soleil-Levant est-il très présent sur la scène internationale. De la reconstruction de l’Afghanistan à la lutte contre le terrorisme, Tokyo joue un rôle non négligeable. Comme en Irak et au Timor oriental, où les membres des forces d’autodéfense japonaises ont mené des activités humanitaires et de reconstruction. Pour aider les victimes du tsunami qui a dévasté l’Asie du Sud le 26 décembre dernier, le gouvernement nippon a déjà déboursé 500 millions de dollars, loin devant les États-Unis, dont l’aide financière « n’est que » de 350 millions de dollars. Et parce que la question nucléaire dans la péninsule coréenne constitue un risque sérieux pour la paix et la stabilité du nord-est de l’Asie, le Japon s’attache à résoudre ce problème en accord avec la Déclaration de Pyongyang. Adoptée à l’occasion de la visite du Premier ministre japonais en Corée du Nord, le 17 septembre 2002, ce texte cosigné par Junichiro Koizumi et Kim Jong-il est le fondement des relations bilatérales entre les deux pays.
L’action de Tokyo en Afrique est également notable, et pas seulement au niveau de la Ticad (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique), fondée sur le partenariat Japon-Afrique (voir article p. 70). Le Japon participe aux efforts de maintien de la paix en soutenant notamment les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) des ex-combattants, l’assistance aux réfugiés et le déminage, par le biais d’organisations des Nations unies et d’aides bilatérales. Et face à la détérioration de la situation humanitaire dans la région du Darfour, au Soudan, l’archipel a décidé d’accroître son assistance de 15 millions de dollars et de fournir une aide matérielle aux réfugiés soudanais du Tchad.
Parce qu’il juge indispensable d’assurer la sécurité de la population des pays en développement, le Japon a contribué à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme à hauteur de 246 millions de dollars ces deux dernières années. Enfin, outre le siège qu’il brigue, le pays du Soleil-Levant plaide pour que l’Afrique dispose, elle aussi, d’un représentant permanent au Conseil de sécurité.
Reste à savoir si le Japon va pouvoir enfin obtenir le fauteuil tant convoité. L’extension du Conseil de sécurité, proposée par un comité de sages, donne des chances au Japon et à l’Allemagne, autre contributeur clé des Nations unies, ainsi qu’au Brésil, à l’Inde et à deux pays africains de devenir membres permanents. Malgré ces pronostics encourageants, rien n’indique que les nouveaux membres se voient octroyer le droit de veto, un privilège réservé aux actuels membres permanents. L’une des formules proposées, moins favorable, leur laisserait espérer le bénéfice d’un statut particulier de membres non permanents, pour quatre ans renouvelables. Un scénario qui n’a pas manqué d’irriter les Japonais.
Dernièrement, la presse écrite s’est fait l’écho du ras-le-bol nippon face au peu d’empressement que met le Conseil de sécurité à intégrer le Japon, pourtant véritable « vache à lait » de l’Organisation. Pourquoi une telle réticence ? Les Nippons n’arrivent pas à le comprendre. Leur pays a fourni une contribution importante et durable au maintien de la paix dans le monde ainsi qu’à la sécurité internationale, il a les moyens et la volonté de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Organisation, et pourtant, il est toujours aussi peu considéré. Selon un sondage réalisé en octobre 2003, 32 % de la population considère qu’il devrait participer à la prise des décisions importantes de l’Organisation ; 29 %, que son intégration au Conseil récompenserait son pacifisme et son opposition au nucléaire. Pour certains, tout cet argent vainement prodigué à une organisation qui rechigne à ouvrir ses portes, malgré ses nombreuses promesses de réforme, serait mieux employé s’il servait à dédommager les victimes du tremblement de terre de Kobé de janvier 1995.
La composition du Conseil de sécurité n’a pas changé depuis quarante ans. Les Japonais estiment qu’il est grand temps de l’adapter à la nouvelle donne mondiale. « Le Conseil doit refléter les réalités de la communauté internationale du xxie siècle. Les pays qui en ont la volonté et les ressources devraient pouvoir jouer un rôle prépondérant pour la paix et la sécurité internationale et prendre part aux décisions du Conseil de sécurité. Celui-ci doit donc s’élargir en accueillant des membres permanents et non permanents, qui soient issus de pays développés et en développement », affirmait le Premier ministre japonais, lors de la 59e session de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre dernier. Avant de clore son discours sur ce qui pourrait être considéré comme un énième appel du pied : « Dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale, qui représente précisément le mandat du Conseil de sécurité, le rôle du Japon n’a cessé d’augmenter. Selon nous, il constitue une base solide à son admission au Conseil comme membre permanent. » Le message sera-t-il entendu ? Rendez-vous en septembre prochain. La vénérable institution, qui fêtera ses 60 ans, pourrait bien décider de rajeunir son image.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires