Carlos : huit ans de solitude

L’ancien terroriste dénonce ses conditions de détention dans les prisons françaises.

Publié le 7 février 2005 Lecture : 2 minutes.

La Cour européenne des droits de l’homme a, le 27 janvier, condamné la France à verser 5 000 euros de dommages et intérêts à Ilich Ramírez Sánchez, alias Carlos. Motif : les autorités judiciaires de ce pays ont refusé à l’ancien terroriste l’autorisation de présenter un recours contre son maintien en détention à l’isolement. En revanche, elle a estimé que ledit isolement ne constituait pas un « traitement inhumain ou dégradant ».
Carlos, 56 ans, fut une figure emblématique du terrorisme des années 1970. On se souvient de la prise en otages de onze ministres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, à Vienne, en décembre 1975… Enlevé au Soudan, où il avait trouvé refuge, dans des circonstances rocambolesques, il a été, en 1997, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de trois policiers français, plus de vingt ans auparavant. D’abord incarcéré à la prison de la Santé, à Paris (1994), puis à Saint-Maur (2002), à Fresnes (2004) et aujourd’hui à Fleury-Mérogis, il a presque constamment été soumis au régime de l’isolement. Ce qui signifie qu’il vit seul dans une cellule de moins de 7 m2, « vétuste et mal isolée », sans contact avec d’autres prisonniers ni avec les gardiens. Il n’en sort que deux heures par jour pour une promenade dans une courette triangulaire recouverte de grillage. Ses seules distractions sont la lecture des journaux et la télévision. Il ne reçoit aucune visite, hormis celle de ses avocats, de son médecin (deux fois par semaine) et, une fois par mois, celle du père Michel Lelong, prêtre catholique et collaborateur occasionnel de J.A./l’intelligent. Il n’empêche : la Cour a estimé que Carlos n’est soumis qu’à un « isolement social relatif ». Me Isabelle Coutant-Peyre, son défenseur devenue sa compagne, a été autorisée à lui rendre visite « plus de 640 fois en quatre ans et dix mois », notent ainsi les magistrats européens.
L’avocate admet difficilement que sa vie privée puisse être exhibée de la sorte pour justifier un arrêt. « Non seulement Carlos a perdu 25 kg entre mars et décembre 2004, mais on lui a décelé du diabète, explique-t-elle. Il est solide, mais cette résistance hors norme ne doit pas jouer contre lui. Ses conditions de détention de plus en plus dures, les provocations, les humiliations quotidiennes visent à le mettre le plus souvent possible en cellule de punition. Il a fait l’objet de huit procédures disciplinaires en neuf mois. Un record ! »
Elle n’est pas seule de cet avis. Dans leur « Opinion dissidente » jointe à l’arrêt, les juges grec, chypriote et belge expliquent pourquoi l’exceptionnelle durée de l’isolement – plus de huit ans – constitue, selon eux, un traitement inhumain. Me Coutant-Peyre s’apprête donc à saisir la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle estime par ailleurs que la décision, prise par quatre voix contre trois, a été influencée par la prise de position du juge français Jean-Paul Costa, vice-président de la Cour, qu’elle qualifie de « non indépendant » et avec qui elle a déjà eu des démêlés sur diverses questions de procédure. « Il s’est acharné à défendre la France, oubliant son devoir d’impartialité et de neutralité », conclut-elle.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires