Antjie Krog, ou les mots rebelles

Figure de la lutte antiapartheid, la poétesse et journaliste sud-africaine donne un ouvrage poignant sur les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation.

Publié le 7 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Au moment où Actes Sud publie enfin la traduction française du magnifique livre de la Sud-Africaine Antjie Krog Country of my Skull, sous le titre La Douleur des mots, un petit éditeur du sud-ouest de la France prend le pari de la poésie en proposant à ses lecteurs un joli recueil du même auteur, Ni pillard, ni fuyard*. Il faut lire ces textes écrits entre 1969 et 2003 pour se pénétrer de l’atmosphère de l’époque de la lutte contre la ségrégation raciale et comprendre l’impact des bouleversements qui ont suivi la victoire de la liberté.
Femme toute en douceur, Antjie Krog pose sur les choses et les gens un regard compréhensif à peine voilé par ses petites lunettes rondes. Elle paraît frêle, mais sa poignée de main est ferme. Ce brin de femme pétrie par les luttes et les convictions est forte comme un roc, de cette force intérieure qui prend racine dans son enfance à la campagne, dans l’État libre d’Orange. Le nom même de cette province renvoie à l’histoire de ces Boers venus fonder une république hors de l’Empire britannique, à ces mères de famille courageuses, à ces pionniers rudes au travail.
Antjie est née en 1952, à Kroonstad, ville de mines d’or, au moment où se mettaient en place les lois ségrégationnistes. Sa famille ? Des fermiers afrikaners nationalistes, très croyants et on ne peut plus conservateurs. Pourtant, Antjie n’hésitera pas à les braver en publiant, à l’âge de 16 ans, dans le journal de son école, Mon beau pays, une poésie qui prône l’amitié entre Noirs et Blancs. L’affaire fait scandale, au point que le père de la coupable est convoqué à Pretoria pour se faire sermonner. Mandela en entend parler du fond de sa prison de Robben Island. « Si une jeune Afrikaner émet de tels voeux, estime-t-il, tout n’est pas perdu dans ce pays. »
Au fil des ans, la poésie d’Antjie se fait plus dure. Elle s’attaque à la répression, à l’état d’urgence et, bien sûr, à l’apartheid. Devenue enseignante dans une école pour Noirs, elle se fait connaître du grand public par ses textes métaphoriques, où apparaissent à la fois son engagement politique et un féminisme militant. Sa révolte est permanente, profonde comme peut l’être celle de ses compatriotes André Brink ou Breyten Breytenbach. En 1994, c’est l’un de ses poèmes, Le Chant du griot, qui est lu lors de l’investiture de Nelson Mandela à la présidence de l’Afrique du Sud. Sept ans plus tard et dans les mêmes circonstances, Thabo Mbeki, l’actuel chef de l’État, citera en public quelques vers de Pays de chagrin et de clémence.
Entre 1996 et 1998, Antjie Krog couvre les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, ce qui donnera le poignant ouvrage La Douleur des mots. Désormais, elle travaille pour la radio publique chargée des débats parlementaires au Cap. Ardente défenseuse des droits de l’homme et, surtout, de la femme, elle s’intéresse également à l’afrikaans, langue victime de la connotation raciste liée à la période d’apartheid et aujourd’hui submergée par l’anglais.

* Ni pillard, ni fuyard, traduit de l’afrikaans par Georges-Marie Lory, éd. Le temps qu’il fait, 122 pages, 14 euros.

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