Sur le discours de Constantine

Olivier Le Cour Grandmaison, historien, est professeur à l’université d’Évry-Val-d’Essonne. Dernier ouvrage paru : Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial, Fayard, 2005.

Publié le 7 janvier 2008 Lecture : 1 minute.

Les déclarations de Nicolas Sarkozy à l’université de Constantine le 5 décembre 2007 (voir J.A. n° 2448) ont été saluées par ses fidèles puisqu’il affirmait que « le système colonial était injuste par nature » et qu’il « ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation ». Revirement ? Lucidité tardive ? Reconnaissance implicite des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis par la monarchie de Juillet puis par plusieurs Républiques au cours des cent trente-deux ans de « présence française » en Algérie, comme certains osent encore l’écrire ?
Démagogie, opportunisme et mise en scène, encore et toujours. De même que le président flatte les passions populaires, comme on dit, il sait aussi jouer avec les sentiments de ses homologues étrangers lorsque des contrats importants, dont il s’attribue le mérite, sont en jeu. C’est à l’aune de cette politique extérieure mercantile qu’il faut interpréter les déclarations de Constantine. Elles ne sont que des moyens cyniquement mis au service d’une fin : la promotion de l’industrie nationale. Le succès économique et financier de ce séjour en Algérie exigeait quelques concessions verbales, ainsi fut fait, mais comme tous les démagogues, Nicolas Sarkozy ignore la contradiction. À preuve, le même dirige un État qui est le seul, parmi les anciennes puissances impériales européennes, à avoir juridiquement sanctionné une interprétation apologétique de son passé colonial par la grâce de la loi du 23 février 2005, toujours en vigueur en dépit du retrait de l’article 4. Pour les amateurs d’exception française, en voilà une remarquable mais sinistre. Nicolas Sarkozy pense ce qu’il a déclaré et prétend faire ce qu’il dit ? Qu’il le prouve en demandant à son diaphane Premier ministre et à sa majorité soumise d’abroger cette législation scélérate. Quant aux députés de l’opposition, qu’ils déposent, sans plus attendre, une proposition de loi en ce sens. Tous, nous les jugerons sur leurs actes, pas sur leurs déclarations.

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