Serigne Saliou Mbacké

Le calife général des Mourides est décédé le 28 décembre à Touba

Publié le 7 janvier 2008 Lecture : 2 minutes.

Les Sénégalais n’entendront plus sa voix faible qui les invitait sans cesse à l’adoration de Dieu et au respect des préceptes de l’islam. Ils ne reverront plus le corps mince, le visage émacié et la barbe blanche de cet ascète qui a consacré toute sa vie à lire le Coran, à enseigner la parole divine et à cultiver la terre.
Serigne Saliou Mbacké s’est éteint le 28 décembre à Touba, à l’âge de 92 ans. Il occupait depuis le 13 mai 1990 le fauteuil de calife général des Mourides, confrérie fondée en 1883 par son père, Cheikh Ahmadou Bamba. Dernier fils vivant de cette grande figure de l’islam et de la résistance au colonisateur français, il cède le califat au plus âgé des petits-fils de Cheikh Ahmadou Bamba, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké.

La disparition de Serigne Saliou, qui a vécu suivant l’exemple de soufis tels qu’Ibn Arabi, prive le Sénégal d’une référence morale, mais également d’un régulateur de la vie politique et sociale. Écouté, respecté voire craint, il intervenait pour sauvegarder les grands équilibres du pays. Fin janvier 2007, dans un contexte lourd d’incertitudes, il a parrainé la réconciliation entre le chef de l’État Abdoulaye Wade et son ex-Premier ministre Idrissa Seck. Les retrouvailles entre les deux hommes ont décrispé le climat politique et contribué à apaiser l’élection présidentielle du 25 février suivant.
Récemment cité par J.A. parmi « les 100 personnalités qui font l’Afrique », Serigne Saliou était le plus petit dénominateur commun dans un Sénégal en proie à des divisions de toutes sortes. Abdoulaye Wade, dont il était le guide spirituel et qui lui rendait régulièrement visite, s’inclinait devant lui pour solliciter ses bénédictions. L’opposition l’avait rencontré fin novembre pour lui demander de convaincre Wade d’accepter d’ouvrir le dialogue. Les syndicats sollicitaient sa médiation avant de lancer le moindre mouvement social.
Serigne Saliou était également un acteur économique convaincu de la nécessité pour son pays de réaliser l’autosuffisance alimentaire. Premier agriculteur du Sénégal, il exploitait un domaine de 49 000 hectares à Khelcom, un village du bassin arachidier, et cultivait de l’arachide, du mil, du maïs, des produits maraîchers dans diverses localités du pays : Ndiouroul, Ndiapndal, Ndoka
Paysan dans l’âme, il a toujours vécu au village entouré de ses centaines de talibés, ces jeunes qui apprennent le Coran dans les daaras (« écoles coraniques », en wolof). Avant de s’installer à Touba, capitale du mouridisme, le 13 mai 1990, pour y être intronisé calife général, il n’y venait qu’une fois par an afin de remettre à ses prédécesseurs successifs sa participation aux frais d’entretien de la « ville sainte ».
Serigne Saliou laisse derrière lui une confrérie forte de plusieurs millions d’adeptes, mais aussi une ville qui a connu un essor exceptionnel. Avec son université islamique d’un coût de 17 millions de dollars, sa bibliothèque de 170 000 ouvrages, sa Grande Mosquée en perpétuel agrandissement dont l’un des minarets, culminant à 86 m, est le plus haut d’Afrique de l’Ouest, Touba est devenue la deuxième agglomération du pays après Dakar.
Il n’a pas pu voir se réaliser un méga-projet de modernisation de la ville qu’il a confié à Wade, non sans lui remettre, en guise de participation personnelle, une somme de 7 milliards de F CFA (environ 1,075 milliard d’euros).

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