Biocarburants contre pétrole

Publié le 7 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Les projections économiques sont souvent imprécises, mais tel n’est pas le cas avec la bioénergie, dont l’impact à long terme sur l’économie mondiale est assez évident. On peut en effet estimer sans grand risque de se tromper qu’elle privera l’Opep du pouvoir de fixer le prix du pétrole et mettra fin au protectionnisme agricole.

1. Les progrès technologiques vont sans nul doute permettre de produire à l’avenir un biocarburant compétitif par rapport à l’énergie fossile. Le Brésil exporte déjà vers les États-Unis de l’éthanol à un prix moyen de 1,45 dollar pour l’équivalent énergétique de 1 gallon (3,78 l) de pétrole. Les quantités exportées augmentent régulièrement, les bénéfices aussi, malgré une taxe de 54 cents par gallon instaurée pour protéger des producteurs américains d’éthanol à base de maïs.
Problème : l’éthanol est un composé chimique difficile à utiliser, corrosif et soluble dans l’eau, ce qui limite son utilisation. Pour l’instant, c’est un simple supplément à l’essence. Mais des sommes très importantes sont investies pour tenter de découvrir des moyens plus efficaces de produire, à partir de la biomasse, de l’énergie susceptible d’être utilisée dans le transport et l’industrie. Avec le temps, on devrait réussir à utiliser d’autres matières premières que la canne à sucre, le maïs ou l’huile de palme. Par exemple, la cellulose, l’herbe des pâturages ou les ordures ménagères.
2. Il existe de par le monde de nombreuses terres sous-exploitées – ou pas exploitées du tout – qui pourraient être affectées à la production de la biomasse que permettra la nouvelle technologie. On a calculé que, dans quelque 95 pays, plus de 700 millions d’ha de terres de bonne qualité ne sont pas cultivés. Or la production pétrolière représente aujourd’hui l’équivalent de 500 millions à 1 milliard d’ha de biocarburants
3. Même s’il n’est que partiellement utilisé, ce vaste potentiel fera concurrence au pétrole parce que sa disponibilité sera beaucoup plus grande. Conséquence : le prix du pétrole s’établira en fonction de celui de la bioénergie, indépendamment des décisions de production de l’Opep. Si cette dernière tente d’augmenter ses prix, elle provoquera un afflux supplémentaire de biocarburants. Les producteurs de pétrole seront toujours riches, mais ils n’auront plus de raison de constituer un cartel.
4. Si produire de la bioénergie leur paraît plus rentable, les agriculteurs s’y résoudront. Cela entraînera un très fort accroissement de la demande de terres agricoles, dont les prix – comme ceux des principales productions – augmenteront. De combien ? Cela dépendra du coût de la bioénergie, mais aussi de la quantité de nouvelles terres mises en culture et de la nature des récoltes : produits de remplacement ou compléments ?
5. L’augmentation des prix réduira la pression qui s’exerce sur les gouvernements pour les contraindre à subventionner les agriculteurs, que la production de biocarburants ne manquera pas d’enrichir. En revanche, les consommateurs auront moins de motifs de se réjouir. La solution évidente sera de renoncer au protectionnisme et de libéraliser le commerce agricole.
6. Ce sont les pays en développement, surtout en Afrique et en Amérique latine, qui disposent des plus grandes superficies de terres inexploitées. Pour mettre ces terres en culture, il faudra investir dans des infrastructures qui, contrairement à celles requises par les industries extractives, seront socialement bénéfiques et favoriseront le cas échéant la création d’autres industries.
Pour que ces possibilités se concrétisent, il faudra une volonté politique de la part des pays industrialisés, qui devront renoncer à envisager les biocarburants à travers le prisme du soutien à l’agriculture et les placer au cur de leurs politiques énergétique et environnementale. Des normes devront être définies pour permettre aux secteurs de l’énergie et de l’automobile de coordonner leurs technologies. Pour rendre ce scénario attrayant, il faudra prendre en compte l’impact de cette mutation de l’agriculture sur l’environnement et la biodiversité, ainsi que les conséquences de l’augmentation des prix alimentaires sur le niveau de vie. Mais ces problèmes paraissent solubles étant donné les avantages politiques attendus en termes de réduction nette des émissions de gaz carbonique, de renforcement de la sécurité énergétique, d’amélioration des politiques agricoles et de développement durable.

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