Vers une offensive judiciaire ?

Le camp présidentiel n’exclut pas de poursuivre la France devant les tribunaux. Et a finide ficeler ses dossiers. Voici par qui et comment.

Publié le 6 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est dans la soirée du 6 novembre, quand certaines rafales tirées par des hélicoptères de l’armée française atteignaient la cour de la résidence du président Laurent Gbagbo, que l’idée d’une plainte a commencé à germer dans la tête des autorités ivoiriennes.
Après sa retentissante sortie du 7 novembre, promettant « pire que le Vietnam » à la France, le président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly a activement travaillé à rallier l’entourage du chef de l’État à l’idée d’engager des actions judiciaires une fois la tension retombée. Désiré Tagro, magistrat et porte-parole de Gbagbo, et la directrice adjointe du cabinet présidentiel, Sarata Ottro-Zirignon Touré, se sont mis au travail.
« Deux à trois jours après ces dramatiques événements, assure une source proche, les dossiers avaient fini d’être ficelés et déposés sur le bureau du chef de l’État. » Parmi ceuxci, deux projets de lettres de protestation : l’une à l’encontre de la France (adressée à son ambassadeur Gildas Le Lidec), l’autre contre l’Organisation des Nations unies, coupable aux yeux d’Abidjan de s’être abstenue de réagir aux « exactions » des soldats de l’opération Licorne présents en Côte d’Ivoire en vertu d’un mandat onusien.
Deux projets de requête devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye ont également été esquissés. Le premier demande un avis à la Cour sur la question suivante : « Un contingent d’une force onusienne d’interposition, peut-il, suite à un accident sur le champ de bataille, engager de son propre chef, sans l’aval de l’ONU, des actions de représailles ? » Le second consiste en une plainte en bonne et due forme contre
la France pour violation d’accords internationaux (le traité de défense de 1961 qui la lie à la Côte d’Ivoire, la Charte de l’ONU), rupture de la paix, tueries et autres atteintes aux droits de l’homme, destruction de biens Mais également pour tentative de coup d’État : la présidence ivoirienne détiendrait des preuves pour étayer cette accusation, trouvées dans le disque dur d’un ordinateur portable oublié par les militaires français dans l’une des chambres qu’ils occupaient à l’hôtel Ivoire, le 8 novembre.
Les collaborateurs du président Gbagbo ont, enfin, ébauché des « pistes de réflexion » pour faire aboutir des plaintes individuelles des proches des victimes (estimées à Abidjan à une soixantaine de morts et à des milliers de blessés) devant les justices ivoirienne et française.
En dépit des pressions de son entourage, le chef de l’État ivoirien a estimé, une fois en possession des dossiers, qu’il fallait prendre le temps de la réflexion avant d’engager une bataille en justice. Les offres spontanées de services d’avocats américains, français et africains ne lui ont pas fait changer d’avis. D’où le désaveu infligé le 30 novembre à l’avocate Hamza Atéa, membre d’une mission de lobbying en Europe qui, dans l’entendement d’Abidjan, devait « se consacrer à informer les capitales européennes sur ce qui s’est réellement passé, et non à engager la moindre poursuite au nom de la Côte d’Ivoire ».
Aujourd’hui, au vu de la tournure prise par les événements, notamment avec la reconnaissance d’une vingtaine de morts par Paris et la réclamation d’une commission d’enquête parlementaire par l’opposition française et les organisations de défense des droits de l’homme, nul doute que Gbagbo utilisera l’avantage psychologique qu’il est en train d’acquérir pour desserrer l’étau diplomatique autour de son pays.
Si les politiques se livrent à leurs calculs, soufflent le chaud de la menace de plainte et le froid de la diplomatie secrète, Charles Blé Goudé, leader des « Jeunes patriotes », entend mettre les pieds dans le plat. Il envisage d’orchestrer une marche nationale le 11 décembre pour réclamer « la mise en place d’une commission d’enquête internationale sur les exactions commises par l’armée française ». Et d’organiser le même jour un concert
géant à Abidjan. Objectif : récolter des fonds destinés à payer des avocats chargés de diligenter la plainte avec constitution de partie civile que le mouvement des « Jeunes patriotes » s’apprête à déposer en lieu et place de ses membres morts ou blessés au cours des événements du 6 au 9 novembre.

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