Burkina Faso : un gouvernement resserré après le départ de plusieurs caciques
Alpha Barry, Éric Bougouma, Clément Sawadogo… Plusieurs hommes influents et ambitieux quittent le gouvernement. Moins pléthorique, le nouvel exécutif mené par le scientifique Lassina Zerbo aura la lourde tâche de calmer la grogne.
Une équipe resserrée de 26 membres, les départs de certains poids lourds du parti au pouvoir… Moins de trois jours après sa nomination à la primature, Lassina Zerbo a dévoilé la composition du nouveau gouvernement, dans la soirée du 13 décembre. Un nouvel exécutif mis sur pied après une séquence difficile et tendue pour le pouvoir en place. Suite à l’attaque d’Inata, lors de laquelle 53 gendarmes ont été tués, des manifestations ont eu lieu plusieurs jours durant pour protester contre l’inaction du pouvoir face aux groupes terroristes.
Le président Roch Marc Christian Kaboré s’est donc employé à donner des gages. Comme il l’avait promis, la nouvelle équipe est moins importante. Plusieurs caciques, que le président a appelés un par un pour leur faire part de leur limogeage, ont fait les frais de ce remaniement. Parmi eux, deux hommes à qui l’on prêtait des ambitions présidentielles. Éric Bougouma, surnommé « le Bulldozer », quitte le portefeuille des Infrastructures et est remplacé par son secrétaire général, Ollo Franck Kansié. Alpha Barry, est également remercié. C’est Rosine Sori-Coulibaly, une ancienne proche de feu Salif Diallo et ex-ministre de l’Économie, des Finances et du Développement (2016-2019) qui reprend les Affaires étrangères.
Clément Sawadogo, vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, au pouvoir) cède sa place à Maxime Lomboza Koné à la tête du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Enfin, Laurence Marshall Ilboudo, autre figure importante de la vie politique, quitte le département de la Femme et de l’Action humanitaire.
Juger sur les actes
« Ma mission est celle dictée par le peuple », a déclaré le nouveau Premier ministre lors de sa première prise de parole, appelant au pardon, à la cohésion et à l’unité. Ce scientifique, bénéficiant de solides réseaux politiques mais pas issu de ce milieu, va tenter d’apaiser la grogne face aux situations sécuritaire et économique qui ne cessent de se dégrader. Peut-il y parvenir ? « Le chef de l’État semble avoir pris la mesure de la crise en se séparant d’anciens compagnons politiques. Les gens vont se dire que l’espoir est permis, et patienter un peu », décrypte sous le couvert de l’anonymat un connaisseur du monde politique burkinabè.
Attendre les actes pour juger, c’est ce qu’accepte le patron de l’opposition. Lui qui avait adressé un ultimatum d’un mois au président burkinabè, désormais dépassé, se dit satisfait. « C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon », lâche Eddie Komboïgo. Le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) voit d’un bon œil le parcours de Lassina Zerbo. « Nous osons espérer qu’il sera à la hauteur des défis et lui souhaitons force et courage », dit-il.
Pour Mahamadou Sawadogo, expert burkinabé en sécurité, la nomination de Lassina Zerbo incarne un choix pertinent pouvant permettre de « bénéficier de son réseau pour obtenir de l’aide militaire et diplomatique ». Beaucoup espèrent que Lassina Zerbo saura mettre à profit ses méthodes et sa rigueur scientifiques pour lutter contre le terrorisme. « Sans connaissance des groupes terroristes et de leur modus vivendi, nous ne pouvons qu’appliquer des réponses inadaptées à la menace », souligne Sawadogo.
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