Schisme saoudien

Riyad proscrit l’importation des portables équipés d’un appareil photographique. Une décision qui divise le royaume.

Publié le 7 décembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Ce n’est pas une guerre civile, mais on pourrait presque dire que c’est une guerre de religion. Le dernier modèle de téléphone portable qui inonde les marchés mondiaux, celui qui permet aussi de prendre des photos à la dérobée, divise profondément l’Arabie saoudite. Le gouvernement en a interdit totalement l’importation en mars, car il viole le tabou des visages féminins. L’interdiction a été chaudement approuvée par le grand mufti, Cheikh Saleh Ibn Abdulaziz al-Cheikh, et les autorités religieuses, mais les ministres du Commerce, des Finances, de l’Intérieur et de la Technologie en demandent l’abrogation.
Le problème est réel. En France, par exemple, il est interdit de photographier des particuliers dans la rue sans leur accord. Aux États-Unis, l’utilisation de ces photophones est également interdite dans les lieux publics. Et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a étendu cette nouvelle « prohibition » aux installations militaires. Certains pensent, en effet, que plusieurs des photos scandale de la prison d’Abou Ghraib ont été prises avec ces portables polyvalents.
Mais l’Arabie saoudite est le seul pays où l’interdiction est totale. Ce qui n’empêche pas que les appareils soient importés en contrebande de Bahreïn et des Émirats arabes unis et vendus au marché noir. Depuis mars, les incidents se sont multipliés. Le plus vif a été provoqué par la circulation sous le manteau d’une vidéo montrant un viol collectif, montée à partir de photos prises avec un portable. Deux Saoudiens et un Nigérian ont été arrêtés. Selon le quotidien Al-Arab Yawm, une étudiante aurait été expulsée de son université parce qu’elle avait fait des photos de ses camarades et les avait diffusées sur Internet.
L’Arabie saoudite importe environ 6 millions de portables par an. La plupart sont désormais équipés d’appareils photo. Les ministres défenseurs de la modernité considèrent que les photoportables sont un fait accompli et conseillent plutôt d’apprendre aux usagers à s’en servir raisonnablement. Sinon, il faudrait demander aux fabricants de produire des modèles spéciaux pour le pays et donc plus onéreux. Et ils ont fait appel au roi Fahd pour qu’il… interdise l’interdiction.

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