À l’heure des comptes

Le Sommet de Ouagadougou n’a pas été qu’un huis clos politique sans résultats. Loin s’en faut.

Publié le 6 décembre 2004 Lecture : 4 minutes.

On craignait que le Xe Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) organisé à Ouagadougou les 26 et 27 novembre ne soit une sorte de chausse-trappe. Non à cause du thème général (« Une Francophonie solidaire pour un développement durable »), somme toute consensuel. Mais plutôt parce que les sujets de tension au sein de la famille francophone étaient légion (voir J.A.I. n° 2290). Et que les textes et cassettes vidéo sur « la guerre des Six-Jours de la France contre la Côte d’Ivoire » que la délégation ivoirienne entendait verser au débat n’ont pu sortir de l’aéroport. À la fin du conclave, tout le monde s’est senti un peu soulagé. La Côte d’Ivoire – grâce au profil bas de la France, mais aussi au soutien du Cameroun, du Congo-Brazza, du Nigeria qui ne voulaient pas de sanctions contre Gbagbo, contrairement au Canada -, car les chefs d’État et de gouvernement ne sont pas allés au-delà des mesures déjà décidées par les Nations unies et l’Union africaine. Le Burkina, parce que nul ne s’est appesanti sur son rôle – supposé ou réel – dans le conflit ivoirien, les chefs d’État et de gouvernement réaffirmant simplement dans la résolution finale « leur ferme attachement au respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale, des institutions et de l’unité de la Côte d’Ivoire », et réitérant « l’importance des principes de bon voisinage, de non-ingérence et de coopération régionale ».
Et les présidents Laurent Gbagbo, Gnassingbé Eyadéma et Maaouiya Ould Taya (le seul à n’avoir envoyé aucun représentant), qui ont manqué à l’appel, n’ont fait que confirmer à leurs pairs que les absents ont souvent tort. Même le Camerounais Paul Biya, peu féru de ces grand-messes, s’était déplacé. Pour les Burkinabè et les Français, sa présence a constitué une divine surprise. Chirac l’avait appelé plusieurs fois avant le Sommet pour le décider.
D’autres n’ont pas hésité un seul instant et n’ont pas regretté leur voyage. Pour le Centrafricain François Bozizé, la Déclaration de Ouagadougou vise à « encourager le secrétaire général de l’OIF à continuer d’accompagner le processus électoral en cours et à lui apporter l’assistance nécessaire… » ; pour le Soudanais Omar el-Béchir, elle salue les efforts déployés au Darfour ; pour Joseph Kabila, le document réaffirme « la nécessité du respect scrupuleux de l’État de droit ». Et rappelle son « attachement au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de la RD Congo ».
La Déclaration s’indigne aussi des menaces « qui ont pesé sur la Guinée équatoriale en mars 2004 » et salue « l’initiative prise […] pour aider ce pays à déjouer la tentative d’invasion mercenaire dont il a fait l’objet… » Le président Teodoro Obiang Nguema était aux anges. Le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, et son ministre de la Coopération Armand de Decker, tout autant, qui ont profité du conclave ouagalais pour tenter de calmer le président Joseph Kabila, très en colère après les déclarations de leur collègue des Affaires étrangères, Karel De Gucht, stigmatisant sans détours l’impéritie de la classe politique congolaise.
Personne n’est oublié dans la Déclaration, ni la Somalie, ni le Burundi. À la grande satisfaction du secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, qui incarne l’organisation chaque jour davantage. Avec le lancement annoncé de la Maison de la Francophonie qui va regrouper tous les opérateurs autour du secrétariat général, son action se trouvera plus cohérente et son autorité plus prégnante. Le pays hôte n’a pas à se plaindre non plus. Les débats politiques ont été de « bonne tenue ». Les hôtels et les restaurants ont fait le plein. À l’occasion du Sommet, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) a, entre autres, inauguré le lycée multimédia de Signoghin, à Ouaga, après avoir participé à son financement à concurrence d’environ 309 millions de F CFA.
L’Agence intergouvernementale de la Francophonie a lancé dans la capitale Radio jeunesse, dont elle a entièrement équipé les studios ; elle a fourni pour 74 000 euros de matériel informatique et de bureautique, déboursé 210 000 euros pour les manifestations culturelles, 60 000 euros pour le forum de la société civile (celui sur les affaires étant reporté en mars prochain, toujours à Ouagadougou), 1,3 million d’euros en rencontres et manifestations diverses. Elle a décaissé 262 000 euros pour une classe de formation multimédia ; 105 000 euros pour un centre de dépistage et d’information sur le sida à Ouaga…
La France a mis la main à la poche pour, entre autres, l’achat de matériel de sécurité, la location de voitures et l’aménagement – à hauteur de 900 millions de F CFA – du centre international de presse. Le Canada a fourni des équipements de sécurité et deux ambulances pour 4 millions de dollars canadiens. Le Québec a mis à la disposition du pays hôte des moyens financiers et techniques pour la création d’une douzaine de cybercentres, notamment dans les lycées et les radios locales rurales, et participe au financement d’une école des arts du cirque au coeur de Ouagadougou. Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Surakiat Sathianthai, qui a profité de ce sommet pour faire campagne pour le poste de secrétaire général de l’ONU (le mandat de Kofi Annan arrivant à terme en 2006), a signé avec ses hôtes burkinabè un accord de coopération et, cerise sur le gâteau, leur a offert 1 000 tonnes de riz et de poulet congelé.
Dans le cadre de la coopération décentralisée, la municipalité de Grenoble a ouvert le tiroir-caisse et, avec d’autres partenaires du Nord, contribué à hauteur de 128 millions de F CFA à l’aménagement d’un Jardin de la musique dans l’arrondissement de Baskuy, à Ouaga. D’un coût global de près de 377 millions de F CFA, le Jardin, d’une superficie de 3 500 m2, comprend trois salles de répétition et de création équipées, un espace scénique couvert de 400 places et une régie son et lumière…

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