En toute franchise

Depuis quelques années, les réseaux des grandes marques internationales – et nationales – se développent de manière spectaculaire, tant par le nombre des enseignes que par leur variété.

Publié le 7 décembre 2004 Lecture : 5 minutes.

Un resto ce soir ? Vous hésitez entre le Matsuri et l’Hippopotamus. Finalement, ce sera Pizza Hut ou Domino’s pizza à la maison ! Demain, shopping : Celio, Mango, Chevignon, Max Mara, etc. Et le salon de coiffure, Jacques Dessange, Camille Albane ou Franck Provost ? Non, vous n’êtes ni à Paris, ni à Londres, ni dans aucune autre capitale européenne, mais à Casablanca !
Depuis quelques années, les franchises(1) se développent de manière spectaculaire au Maroc, tant par leur nombre que par la variété des enseignes. Le concept est apparu pour la première fois dans le royaume en 1962 avec l’américain Avis (transport et location de véhicules), mais ce n’est que trois décennies plus tard que le phénomène prend son essor véritable avec l’apparition de nouvelles chaînes couvrant un éventail de secteurs de plus en plus large, tels que l’habillement, la lingerie, la restauration ou l’ameublement. Conséquence : les habitudes d’achat et plus encore les modes de vie en ont été profondément bouleversés.
Le succès de Mr Bricolage est révélateur à cet égard : les particuliers, qui ne bricolaient jamais et faisaient systématiquement appel à un technicien pour tous les travaux de maison, se convertissent lentement mais sûrement aux joies du maniement de l’outillage. Car ce qui dissuadait les Marocains, malgré leur inclination pour la décoration intérieure, était l’absence d’offre structurée et spécialisée dans le bricolage, qui les obligeait à se déplacer dans plusieurs magasins pour s’équiper. À cela s’ajoutaient un choix limité de produits et une absence totale d’uniformisation des prix.
Tiraillés entre tradition et modernité, les consommateurs n’en ont pas moins réussi à évoluer, parvenant à tout concilier. Entrés de plain-pied dans l’ère de la société de consommation, ils trouvent désormais à leur disposition un grand nombre de produits sur une même surface ainsi qu’une offre globale adaptée à leur culture, à l’exemple des promotions spéciales pour l’Aïd, ou d’opérations marketing comme le « Mc Ftour » proposé par McDonald’s pendant le mois de ramadan. Même s’il y a une concentration des réseaux à Casablanca, Rabat et Marrakech, ce phénomène concerne également les villes de taille moindre. Le boom des franchises, qui contribue indirectement à l’amélioration du paysage commercial et urbain, est une tendance lourde, au point qu’elles font désormais partie intégrante du décor. Elles ont profondément transformé le visage de Casablanca et lui confèrent sa dimension de métropole internationale, tant au niveau de l’architecture et du design des magasins que de leur superficie.
Dans le cas de la chaîne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken, les promoteurs ont vu grand en ouvrant, en 2001, un espace de 2 100 m2. Le groupe Aksal, master franchisé(2) des enseignes Zara, a vu encore plus grand en construisant le plus vaste mégastore de la chaîne – au coeur de la ville, dans un immeuble d’une surface de 2 600 m2, sur trois niveaux, avec escalator – pour un « modeste » investissement de 200 millions de dirhams (environ 18 millions d’euros).
Le marché de la franchise se partage en deux catégories principales : les produits de grande consommation (le « mass market ») et le sélectif (luxe). La clientèle aisée achetait auparavant les produits signés lors de voyages à l’étranger ; aujourd’hui, elle peut se les procurer sur le marché local. D’autres marques se sont positionnées en moyenne gamme pour satisfaire une clientèle disposant d’un pouvoir d’achat moins élevé. Le royaume est même devenu l’eldorado des franchiseurs puisque le secteur est dans une phase de croissance exponentielle. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 42 réseaux et 174 points de vente en 1997 ; 210 réseaux et 700 points de vente en 2004. Soit plus de 400 % d’augmentation en sept ans.
Une quinzaine de nouvelles enseignes sont apparues au cours de la seule année 2003. Parmi les derniers arrivés, Marionnaud, leader français de la parfumerie, qui a inauguré, en juillet, son magasin casablancais de 1 200 m2, situé sur le fameux « triangle d’or » du prestigieux boulevard d’Anfa. Les franchises sont majoritairement d’origine étrangère – les enseignes françaises se taillent la part du lion -, mais les réseaux nationaux se développent à un rythme soutenu. Certaines entreprises « maroco-marocaines » sont de véritables success stories.
Si le nombre de franchiseurs étrangers est important, le nombre de leurs points de vente reste cependant modeste avec cinq magasins en moyenne par réseau. En revanche, certaines enseignes locales possèdent un grand nombre de points de vente – 50 pour Yatout, 37 pour Bigdil, 24 pour Kitéa – et représentent de véritables modèles de réussite « à la marocaine ». Un succès qui s’explique en partie par le fait que les entreprises internationales se positionnent plutôt sur le haut de gamme, le pouvoir d’achat étant plus faible que dans leur pays d’origine. Leur offre s’adresse donc à un public restreint. Les entreprises locales s’adaptent mieux à la demande. Elles ont su innover et se professionnaliser, au point que les franchiseurs étrangers ont fort à faire pour les concurrencer sur leur propre marché. Il n’en reste pas moins que les grandes marques internationales deviennent de plus en plus familières aux consommateurs marocains, pour ne citer que les enseignes les plus connues : Alain Afflelou, Lissac, Bulgari, Chopard, Descamps, Yves Rocher, l’Occitane, Neuhaus, Daskalides… Le phénomène pourrait s’amplifier dès 2005 avec la levée des droits de douane prévue par l’accord de libre-échange avec les États-Unis, puis en 2012 avec l’Union européenne.
Le boom de la franchise au Maroc doit cependant être nuancé, car le royaume ne peut offrir un potentiel de développement identique à celui des pays occidentaux. En revanche, il constitue un marché pilote pour de futures implantations au Maghreb, voire en Afrique subsaharienne. Le mouvement semble déjà amorcé puisque l’enseigne chérifienne de meubles Mobilia, qui a créé seize points de vente en six ans, envisage d’ouvrir prochainement un magasin en Côte d’Ivoire.

1. Système de commercialisation de produits ou de services fondé sur une collaboration étroite entre le franchiseur et ses franchisés. Le franchiseur accorde le droit à ses franchisés d’utiliser ses enseignes et marques, en échange d’une contribution financière directe ou indirecte. Le contrat de franchise impose une série d’obligations aux franchisés.
2. Franchisé qui détient par contrat l’exclusivité du développement en franchise d’une enseigne pour un territoire donné (régional ou national). C’est une pratique fréquente dans le cas des enseignes qui désirent s’implanter hors de leur territoire national, notamment lorsqu’elles ignorent tout ou presque du pays concerné.

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