Sénégal, Congo, Kenya, Angola… Les élections clés de 2022

Si au moins quatre pays africains vont organiser des scrutins en 2022, un certain nombre d’autres restent dans le flou total.

João Lourenço à l’École polytechnique, le 28 mai 2018. © École polytechnique – J. Barande/Licence CC

João Lourenço à l’École polytechnique, le 28 mai 2018. © École polytechnique – J. Barande/Licence CC

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Publié le 31 décembre 2021 Lecture : 8 minutes.

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L’Afrique en 2022

L’année de tous les dangers ? Démocratie, sécurité, Covid-19, dette… Les signaux d’alerte et les motifs d’inquiétude se multiplient comme jamais depuis près de 20 ans. Il n’est pourtant pas trop tard pour réagir.

Sommaire

Le Sénégal ouvrira le bal des élections de 2022. La campagne bat déjà son plein pour des municipales qui ont valeur de répétition grandeur nature avant la présidentielle de 2024. Comme le pays ouest-africain, trois autres États se préparent à des scrutins importants : le Kenya va se choisir un nouveau président, l’Angola devrait selon toute vraisemblance réélire le sien, João Lourenço, et le Congo va renouveler ses députés.

C’est sur ces cas que nous avons choisi de nous concentrer. Car dans bien d’autres pays, règne un flou total. Y aura-t-il une présidentielle au Tchad, un an après la mort d’Idriss Déby Itno et l’accession au pouvoir de son fils, Mahamat ? Jusqu’à quand durera la transition au Mali, alors que les Assises nationales de la refondation voulues par Assimi Goïta viennent de préconiser sa prolongation ? Théoriquement prévue en février prochain, la présidentielle pourrait avoir lieu… dans cinq ans. Et à Conakry, quelles sont les intentions de Mamadi Doumbouya, le tombeur d’Alpha Condé ? Le militaire a promis de ne pas s’éterniser, mais aussi de « faire l’amour à la Guinée »…

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Sans compter le Soudan, où les militaires ont repris la totalité du pouvoir, la Somalie, où les élections sont sans cesse repoussées, ou encore la Libye, où la présidentielle de décembre 2021, qui devait voir s’affronter Khalifa Haftar et Seif el-Islam, a été reportée. Le pays va d’inconnues en incertitudes.

Au Sénégal, un test grandeur nature

Municipales et départementales – 23 janvier

Au Sénégal, pour la majorité comme pour l’opposition, 2022 sera une année à quitte ou double. Initialement prévues en 2019, les élections locales (à la fois municipales et départementales) se tiendront enfin le 23 janvier, huit ans après les précédentes. Pour la majorité présidentielle, remporter la mairie de Dakar sera le défi le plus important à relever. Tenue de 2009 à 2018 par Khalifa Sall, maire frondeur issu du Parti socialiste avant d’en être exclu en décembre 2016, puis par sa première adjointe, Soham El Wardini, après la condamnation de Sall dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie, la capitale échappe au camp présidentiel depuis la première élection de Macky Sall.

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En 2014, lors des dernières locales, la Première ministre Aminata Touré avait dû s’incliner face au maire sortant. Le nouveau champion désigné par la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY), le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, connaîtra-t-il plus de succès ? Face à lui, deux coalitions de l’opposition emmenées, respectivement, par l’ex-socialiste Barthélémy Dias (Yewwi Askan Wi) et par le candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS), Doudou Wade (neveu de l’ancien président, à la tête de la coalition Wallu Sénégal).

Dans tous les grands fiefs du pays, du Nord (Saint-Louis, Dagana, Podor, Matam…) au Sud (Ziguinchor, Tambacounda…) en passant par le Centre-Ouest (Diourbel, Thiès, Kaolack, Fatick…) et la banlieue de Dakar (Pikine, Guédiawaye, Rufisque…), ce scrutin local aura valeur de test à quelques mois des législatives qui devraient se tenir en juin ou juillet, avant l’expiration, le 31 juillet, du mandat des députés. En particulier à Ziguinchor, l’opposant Ousmane Sonko (Pastef-Les patriotes), très implanté en Casamance, entend bien poursuivre son ascension électorale, entamée en 2014.

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Moins de deux ans avant la prochaine présidentielle, ces législatives seront l’occasion pour l’opposition de mesurer son poids. Saura-t-elle s’unir pour la première fois depuis l’élection de Macky Sall, en 2012, et poser des jalons en vue de 2024 ? Ou bien se montrera-t-elle divisée comme en 2017 face à Benno Bokk Yakaar ? Le scénario survenu à l’entame de la campagne des locales, en septembre, est à cet égard de mauvaise augure. Incapables de constituer une coalition unique, les principaux partis se sont en effet scindés en deux dès le premier jour. Lors des précédentes législatives, en 2017, un enchaînement semblable d’événements avait permis à BBY de rafler 125 sièges sur 165, reléguant les partis de l’opposition à un rôle de figurants.

Au Congo, ni suspense ni bouleversement

Législatives – fin du premier semestre

Des prochaines élections législatives attendues pour 2022 au Congo, on ne connait pas encore grand-chose. Seule certitude à ce stade, « elles devraient être organisées à la fin du premier semestre », selon un officiel congolais, soit entre juin et août. La date exacte pourrait être communiquée par le président Denis Sassou Nguesso lors de son traditionnel message de fin d’année à la nation.

Faute d’un calendrier plus précis, peu de partis politiques se sont pour l’instant officiellement lancés dans la course, à part ceux du camp présidentiel, regroupés autour du Parti congolais du travail (PCT) qui, depuis le scrutin de 2017, détient la majorité absolue avec 90 des 151 députés de l’Assemblée nationale. Tout l’enjeu pour le parti du chef de l’État consiste à conserver cette majorité absolue, dans un contexte social tendu par les crises économique et sanitaire. À Pierre Moussa, 80 ans, secrétaire général du PCT depuis 2019, de relever ce qui pourrait bien être son dernier défi politique.

Face au PCT, l’opposition semble trop désorganisée et désargentée pour espérer autre chose qu’un rôle de figuration. Aussi fébrile que son chef, Pascal Tsaty Mabiala, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) compte s’appuyer sur ses fiefs de la Bouenza et du Niari pour conserver ses huit députés et garder le statut de premier parti d’opposition. Seul challenger pour ce rôle, l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki) est toujours en deuil : son leader, Guy-Brice Parfait Kolélas, est décédé le soir des résultats de la présidentielle, le 21 mars.

Le parti orphelin espère aujourd’hui limiter les dégâts dans le Pool, notamment face au Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de Landry Euloge Kolélas, qui rêve de faire tomber le département dans l’escarcelle du camp présidentiel. Seule véritable inconnue de ce scrutin : le taux de participation. Mais si une forte abstention est à craindre, elle ne devrait pas empêcher la victoire attendue du PCT.

Au Kenya, un duel de poulains

Présidentielle – 9 août

Tout a commencé par une poignée de mains. Le 9 mars 2018, après des mois de tensions politiques, d’invectives, de menaces, Uhuru Kenyatta recevait à la State House son grand rival, Raila Odinga. Le candidat malheureux à la dernière présidentielle, qui avait même organisé une prestation de serment symbolique en janvier, actait ce jour-là une réconciliation aussi surprenante que pragmatique.

L’épisode a marqué le lancement (très prématuré) de la campagne pour la succession de Kenyatta. Il a aussi mis en péril le mariage de circonstance qu’il avait noué avec son vice-président, William Ruto. En faisant la paix avec Odinga, Kenyatta a réussi un coup de billard à trois bandes. Il s’est offert un début de mandat moins tumultueux que prévu, a installé au sommet de l’État un curieux trio – Ruto, Odinga et lui-même – au fonctionnement volontairement flou, et s’est octroyé plus de marge pour reprendre en main sa propre succession.

Après avoir soutenu Kenyatta lors des deux derniers scrutins, Ruto ambitionne désormais de rafler la magistrature suprême. L’homme fort de la vallée du Rift, leader kalenjin et pur produit du régime de Daniel Arap Moi, attendait en retour un soutien pour 2022 mais a rapidement compris qu’il n’en bénéficierait pas. Rompre trop tôt apportait plus de problèmes que de solutions pour les deux hommes. C’est donc une guerre de palais qu’ils se livrent depuis la dernière élection.

Ruto a profité de sa fonction de numéro deux de l’État pour battre campagne de manière anticipée et rencontrer les leaders de la région, dont le président ougandais, Yoweri Museveni, chez qui il a ses entrées. Kenyatta, de son côté, a écarté plusieurs cadres proches de son « VP », affaibli ce dernier en lançant des enquêtes pour corruption et mis ses moyens politiques et financiers au service de « son » candidat : son ex-rival, Raila Odinga.

Signe que la campagne entre dans sa dernière ligne droite, pour la première fois, en août dernier, Kenyatta a même défié Ruto, en l’invitant à quitter ses fonctions : « Il serait honorable, si vous n’êtes pas satisfait, de vous retirer et de permettre à ceux qui veulent aller de l’avant, d’aller de l’avant. »

En Angola, Lourenço rempile

Générales – août

Sauf énorme surprise, on connaît déjà l’affiche des élections générales de 2022 en Angola. Le scrutin, qui doit se tenir en août, opposera le président sortant et candidat du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), João Lourenço, à un nouveau challenger, le patron de l’Unita, historique parti d’opposition en Angola, Adalberto Costa Júnior.

Sauf surprise encore plus énorme, c’est le premier, successeur de José Eduardo dos Santos (1979-2017) et à la tête d’un parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1975, qui a toutes les chances de l’emporter. L’ancienne famille reine du pays, les dos Santos, semble hors course : le père s’est retiré de la vie politique, la fille aînée, Isabel, demeure à l’étranger, et le fils, José Filomeno, a vu sa condamnation pour corruption récemment confirmée par la justice angolaise.

João Lourenço, qui avait promis en 2017 d’être « l’homme du miracle économique angolais », disposerait alors de cinq ans supplémentaires pour tenir son engagement. Autrement dit, réformer un pays encore très dépendant du pétrole, peinant à sortir du cercle vicieux de la corruption et aspirant à en finir avec la pauvreté.

Pour autant, le scrutin des élections générales au terme desquelles le chef du parti vainqueur devient président de la République – sera intéressant à plus d’un titre. Même si le MPLA est passé maître dans l’art de mobiliser ses troupes et si l’exécutif dispose de fait d’un certain contrôle du processus, le président-candidat Lourenço va devoir défendre son bilan. Or, avec une lutte contre la corruption source de déceptions et les difficultés socio-économiques nées de la pandémie de Covid-19, l’affaire ne sera pas aisée.

Le MPLA, divisé par la série de réformes engagées, va devoir trouver le bon équilibre entre vieilles recettes (culte du chef, peur du chaos, propagande) et nouvelles approches, en particulier via les réseaux sociaux, pour convaincre de continuer à lui faire confiance.

En face, l’opposition a pour la première fois une vraie carte à jouer. En s’appuyant sur le mécontentement social croissant, la libération de la parole via ces mêmes réseaux sociaux et une stratégie d’union des forces, elle pourrait, emmenée par un chef quinquagénaire et charismatique, effectuer une belle percée.

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