Balade en Afrique
Chaque année, une myriade d’ouvrages illustrés paraît en France à l’approche des fêtes. Sur les quelque 3000 nouveautés recensées pour 2004, un bon lot sont des invites à découvrir les richesses naturelles et culturelles du continent.
Publié le 7 décembre 2004 Lecture : 5 minutes.
On connaît la ritournelle : en automne (du moins dans les pays du Nord), les feuilles tombent, les livres fleurissent. Puis viennent l’hiver et l’approche des fêtes : c’est la saison des beaux-livres. Il s’en est publié plus de trois mille en France au cours du second semestre 2004. Les traditionnels livres d’art (peinture, sculpture, architecture…), y compris les catalogues d’exposition, constituent une bonne part de cette production éditoriale. Mais, sur les tables des libraires, ils cèdent de plus en plus la place aux « livres illustrés », portant sur les thèmes les plus divers : de la religion aux sports et à la cuisine en passant par le jardinage, le folklore, les loisirs créatifs, etc. L’histoire se taille un succès grandissant, les commémorations jouant un rôle de locomotive. Cette année, toujours pour la France, le sacre de Napoléon en 1804 mais aussi le Débarquement et la Libération de 1944 ont fait recette.
L’Afrique n’est pas absente de ce déferlement livresque. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons relevé une bonne centaine de titres la concernant dans les catalogues des éditeurs.
D’une année à l’autre, les mêmes pays reviennent en force. L’Égypte des pyramides d’abord, mise en vedette par l’exposition organisée actuellement à l’Institut du monde arabe (voir J.A.I n° 2285) et que l’on retrouve dans le catalogue coédité par Flammarion (Pharaon, 320 pages, 45 euros). Mais aussi et surtout le Maroc, dont le public semble ne jamais se lasser. ACR, par exemple, sort coup sur coup Jours de fête au Maroc (348 pages, 75 euros) de Ilham Ibahimi et Moha Fedal, Arts et cultures du Maroc (372 pages, 75 euros) de Marie-Rose Rabaté et André Goldenberg, et Meknès, cité impériale. Histoire d’une folie (336 pages, 75 euros) de Francis Ramirez et Christian Rolot. Minerva propose L’Artisanat du Maroc (128 pages, 29 euros) de Marie-Pascale Rauzier et Laeticia Fourgeaud, et Hermé Balades secrètes et gourmandes (216 pages, 36 euros) de Jean-Michel Ruiz et Cécile Tréal. Les deux photographes précités sont par ailleurs, associés à Corinne Verdier, les auteurs, chez Aubanel, de Maisons et Riads du Maroc (224 pages, 40 euros). Pays aux facettes multiples, le Maroc, c’est aussi bien la magnificence des palais et jardins royaux (voir l’encadré) que la vie des villageois du Haut Atlas dont le photographe Philippe Lafond et l’écrivain Tahar Ben Jelloun évoquent la rudesse dans Les Montagnes du silence (Le Chêne, 176 pages, 50 euros).
Jusqu’ici parent pauvre de ce secteur éditorial, l’Algérie, comme pour signer ses nouvelles ambitions en matière touristique, fait une réapparition avec plusieurs ouvrages à caractère historique, mais aussi un très beau livre illustré, Algérie. Destination de légendes (EDL, 216 pages, 38 euros), signé par les journalistes Fadéla Benabadji (textes) et Benyoucef Cherif (photos).
Comme les années passées, les amateurs de paysages dunaires sont eux aussi comblés. Honneur aux éditions de La Martinière, à qui l’on doit l’imposant Sahara. Les lumières du temps, monument de 424 pages sur 28,5 x 36 cm. Un tel format met parfaitement en valeur les magnifiques photos de Philippe Bourseiller. Du banc d’Arguin, en Mauritanie, jusqu’au désert Blanc, au coeur de l’Égypte, ce dernier a parcouru pendant quatre ans plaines de sable et plateaux de pierres. Des textes signés par les meilleurs spécialistes de la région – Edmond Bernus, Marceau Gast, Malika Hachid… – en révèlent les mystères naturels aussi bien qu’humains. Des cartes très soignées complètent l’ensemble, qui ne coûte que 49 euros.
Dans un genre plus modeste, tandis qu’Actes Sud met en vente le nouveau livre de l’un des grands connaisseurs de la région, le photographe Jean-Marc Durou (L’Exploration du Sahara, 250 pages, 42 euros), les éditions Favre publient Sahara. Le royaume des dunes et des sables (192 pages, 30 x 21,5 cm, 40 euros) de Régis Colombo, avec un texte d’Antoine Blanc. « Le plus inattendu dans le désert, écrit Albert Jacquard dans la préface, ce n’est pas la forme des rochers, ce n’est pas l’immensité des dunes, c’est la présence illogique des humains. » De fait, les auteurs donnent la place qui leur revient à ces populations capables de vivre harmonieusement dans un environnement aussi hostile.
Si le désert fait rêver les nostalgiques d’un monde originel que ne serait pas venue pervertir la modernité dévastatrice, le sud du Sahara continue à nourrir des fantasmes du même ordre. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir la page 4 de couverture de l’album intitulé Afrique mystérieuse. Les peuples oubliés de la vallée de l’Omo (coédition Géo-Solar, 504 pages, 39 euros) : « Hommage à la splendeur d’une Afrique éternelle, ce livre dérobe à ces peuples une part de leur mystère et de leur magie, avec respect et amour, pour mieux comprendre les enjeux sociaux et culturels face à une occidentalisation presque inévitable. » Il n’empêche : les clichés de Gianni Giansanti sont remarquables.
À l’autre bout du continent, au Mali, un autre peuple continue à fasciner les étrangers. Dogon, gens de la falaise (Cinq Continents, 136 pages, 29,95 euros), de la photographe Agnès Pataux, tente de restituer les divers éléments d’une culture pour le moins originale.
Dans un registre voisin, le mode de vie traditionnel fait l’objet d’au moins deux publications de qualité : Habitat du monde de Martine et Caroline Laffon à La Martinière (200 pages, 45 euros) et le très didactique (de nombreux croquis et encadrés techniques accompagnent les photos) Habitats nomades de Denis Touchaux chez Alternatives (192 pages, 39 euros).
Sur le plan visuel, pour les éditeurs du moins, l’Afrique, ce ne sont pas seulement des peuples « premiers » et des paysages vierges, mais aussi des traditions artisanales, il est vrai particulièrement vivaces. Dans Afrique. Les mains du monde (Solar, 208 pages, 30 euros), Jacques Anquetil, familier du sujet, montre tout ce que recèlent de symboles et de croyances la moindre sculpture ou la plus anodine des poteries. Wax, bogolans, sérigraphies, teintures sur basin… : c’est l’histoire des étoffes que raconte pour sa part Anne Grosfilley dans Afrique des textiles (Edisud, 176 pages, 35 euros). Un livre appréciable autant par sa dimension ethnologique que par la qualité de sa présentation.
Tradition et modernité se rejoignent dans un thème à la mode, les marques corporelles. Outre le très beau catalogue de l’exposition présentée jusqu’en avril 2005 au musée Dapper (Signes du corps, 300 pages, 45 euros, voir J.A.I. n° 2283), les amateurs de tatouages, piercings et scarifications en tout genre ont à leur disposition un ouvrage sobrement titré Peau (Fitway Publishing, 144 pages, 29,90 euros). Des Bobos du Burkina aux jeunes des cités, 150 photos et un texte très documenté de Philippe Di Folco donnent à voir et à comprendre les « codes de reconnaissance entre tribus d’hier et d’aujourd’hui ». À signaler aussi, dans la même veine, Tatu, tatoo ! (Cinq Continents, 240 pages, 49 euros), issu d’une autre exposition qui se tient jusqu’en février 2005 aux musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles.
Mais il existe d’autres moyens d’enjoliver le corps : les bijoux et les parures. Et, s’il fallait distinguer un livre pour lequel le mot « beau » vient d’emblée à l’esprit, la palme reviendrait à Ceintures ethniques d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et d’Amérique d’Anne Leurquin et Mauro Magliani pour les photos (318 pages, 62 euros). Ce n’est pas vraiment une surprise parce que les éditions Skira ont déjà publié, dans une présentation aussi somptueuse, des volumes sur les bagues, les boucles d’oreille, les bracelets, les colliers. Le dernier de la série est d’autant plus intéressant qu’il porte sur des parures (ceintures et cache-sexe) concernant les parties les plus intimes du corps et n’ayant jamais fait l’objet d’une publication spécifique.
