Aide et efficacité

Le soutien financier aux pays en développement est en augmentation, alors que la zone d’intervention a été resserrée.

Publié le 6 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

De son grand bureau à larges baies vitrées situé au dernier étage du numéro 15 de la rue des Petits-Carmes, Armand De Decker, ministre de la Coopération au développement, peut contempler tout le sud de Bruxelles. Mais les centres d’intérêt de celui qui se présente comme l’héritier de Louis Michel se trouvent beaucoup plus loin, au-delà de la Méditerranée. Comme son ancien collègue passé à la Commission européenne, Armand De Decker a la fibre africaine. Un engagement qui l’a amené à réagir énergiquement en novembre aux propos de Karel De Gucht pour réaffirmer la politique de coopération de la Belgique (voir pp. 53-54). La presse wallonne avait alors interprété la déclaration du ministre des Affaires étrangères comme l’annonce d’une réorientation profonde de la politique africaine du royaume. « La Belgique n’a pas l’intention de laisser tomber la RDC, ni l’Afrique en général. D’ailleurs, notre aide publique au développement [APD] est en augmentation, l’objectif étant de consacrer 0,7 % de notre Produit intérieur brut aux pays du Sud en 2010 », explique De Decker, marquant au passage son territoire. Ainsi, la Belgique reste l’un des principaux soutiens au processus de transition en cours en RDC. « Nous avons élaboré avec le gouvernement congolais un programme de désarmement d’un montant de 220 millions de dollars. L’objectif est d’organiser des élections libres à la mi-2005 sur un territoire pacifié », précise le ministre. En Afrique centrale, la Belgique veut rejouer les premiers rôles et faire oublier la dramatique trahison que représenta le retrait de ses soldats au début du génocide rwandais en 1994.
Pour donner plus de poids à leur action et accroître l’efficacité des fonds versés aux pays du continent, les autorités ont resserré leur zone d’influence à 18 États(*), dont 13 situés en Afrique, et limité les secteurs prioritaires de l’aide (environnement, éducation, santé, infrastructures de base, bonne gouvernance). L’APD s’est élevée en 2003 à 1,64 milliard d’euros (0,61 % du PIB) au lieu de 1,14 milliard en 2002. « L’essentiel de l’augmentation provient de la comptabilisation de l’allègement de dette octroyé à la RDC sous l’ère Mobutu. Elle prend la forme de liquidations d’arriérés et de prêts relais qui permettent au nouveau gouvernement de rembourser le reste. Ces allègements autorisent un retour des financements extérieurs en RDC, avec un effet paradoxal : une reprise des remboursements. 30 % du budget du pays sont affectés en 2004 au paiement de la dette extérieure », déplore toutefois Arnaud Zacharie, directeur de recherche au Centre national de coopération et de développement, qui rassemble une centaine d’ONG francophones. Du côté de la rue des Petits-Carmes, on ne nie pas l’évidence. Et l’on souligne que, si les annulations de dette sont ponctuelles, l’État fédéral belge a prévu d’augmenter sensiblement son aide directe.
Les ONG belges contestent également le processus de régionalisation de l’APD. Ils reprochent aux gouvernements régionaux leur méconnaissance des dossiers et la complication des procédures. « On a tendance à renvoyer nos dossiers de la région vers l’État fédéral et vice versa », témoigne Pierre Lardot, échevin de la commune d’Ixelles (à Bruxelles), qui a monté des dossiers pour le financement d’activités de développement en Palestine. Au ministère de la Coopération au développement, on indique pourtant que 85 % de l’aide sont encore distribués par l’État fédéral.
Bruxelles accueillant d’innombrables ONG, qui, toutes, lorgnent les ressources de la Commission européenne, la coopération belge est particulièrement exposée aux feux de la critique. Des reproches qu’il convient de relativiser : sixième donateur mondial (en proportion de son PIB), le pays a profondément accru ses efforts en faveur des nations du Sud depuis la fin des années 1990. La Belgique tente également de faire progresser le débat sur l’instauration d’un prélèvement fiscal international qui serait consacré à l’aide au développement. Et montre l’exemple : « Nous avons voté en juin 2004 le principe de la taxe Tobin [NDLR : taxation des mouvements de capitaux]. Il suffirait que les autres pays européens nous imitent pour qu’elle entre en application », souligne Armand De Decker.
La Belgique soigne son image. Histoire de faire oublier l’époque où, sous un masque civilisateur, elle pillait les ressources de l’Afrique centrale.

* RD Congo, Rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie, Afrique du Sud, Mozambique, Palestine, Maroc, Algérie, Bénin, Niger, Sénégal, Mali, Vietnam, Pérou, Bolivie, Équateur.

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