Travail à domicile

Le Maroc, la Tunisie et, depuis peu, l’Algérie misent sur le marché français des délocalisations de services à valeur ajoutée pour créer des emplois.

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 5 minutes.

On les présente souvent comme le nouveau moteur du développement maghrébin, après les hydrocarbures et le tourisme. Depuis le tournant des années 2000, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc ont en effet choisi de diversifier leurs économies de rente en faisant un pari : celui des technologies de l’information et de la communication (TIC). C’est que les trois pays n’entendent pas passer à côté d’un secteur aujourd’hui considéré comme le plus créateur de richesse, tant sur le plan matériel qu’humain. L’organisation du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), à Tunis, du 16 au 18 novembre 2005, fut, dans ce contexte, un puissant symbole.
En six ans seulement, l’Afrique du Nord a pu mesurer le vaste potentiel que représentent les TIC. Dans un premier temps, la libéralisation des télécoms, notamment, s’est traduite par l’arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs de téléphonie fixe et mobile, qui ont stimulé la filière. En Algérie, plus de 3 milliards de dollars d’investissements directs en provenance de l’étranger (IDE) y ont été investis, transformant le secteur en deuxième source de rentrée de devises après le gaz et le pétrole. Le nombre d’emplois a été multiplié par 4,5, passant de 45 000 en 2000 à plus de 200 000 aujourd’hui. Quant au chiffre d’affaires réalisé dans la filière, il a atteint 228 milliards de dinars (2,5 milliards d’euros) en 2005. Des performances que le pays doit surtout à la remarquable percée du mobile : avec près de 16 millions d’abonnés, soit un habitant sur deux, l’Algérie dispose du plus grand nombre d’utilisateurs de téléphones portables du Maghreb. Les autorités ne comptent d’ailleurs pas en rester là, puisqu’elles espèrent bien voir grimper ce chiffre jusqu’à ?18 millions en 2008.
Au Maroc et en Tunisie, les TIC semblent regorger d’opportunités, en grande partie grâce à la délocalisation ou à la sous-traitance des activités de services d’un nombre croissant de multinationales européennes : centres d’appels et de renseignements téléphoniques, plates-formes d’assistance technique informatique (hotlines), départements de création ou de développement de logiciels et de sites Internet, services de gestion back-office notamment. Dans le royaume chérifien, les métiers du « offshoring », comme les professionnels les désignent dans leur jargon, ont généré un chiffre d’affaires de 942,2 millions de dirhams (85 millions d’euros) et 7 200 emplois pour la seule année 2004. Indirectement, ils ont aussi permis aux TIC d’encaisser une recette de 26 milliards de dirhams durant la même période. La branche s’en est trouvée, du coup, dynamisée. « En deux ans, j’ai embauché une trentaine de personnes », confie par exemple Said Bensbih, le directeur général adjoint de Sigmatel, une société spécialisée dans l’intégration de solutions pour les centres d’appels marocains qui recense 130 salariés.
À Casablanca, 300 entreprises opérant dans les industries de pointe ont par ailleurs vu le jour au sein du Technopark – le seul que compte le Maroc à l’heure actuelle – depuis son inauguration en 2001 dans les locaux de l’ancienne douane de la ville. Neuf cents cadres et techniciens y travaillent quotidiennement. Ils font partie de ceux qui occupent l’un des 60 000 emplois offerts par la trilogie offshoring-TIC-Telecoms au Maroc cette année. Mais pour le royaume chérifien autant que pour ses deux voisins, la bonne nouvelle réside sans doute dans le fait que les TIC n’en sont toujours qu’à leurs balbutiements dans?la zone. Autrement dit, les perspectives de développement qu’elles laissent entrevoir pour l’économie et pour l’emploi sont faramineuses. Les différents programmes de promotion ou d’accompagnement de la filière mis en place en donnent la mesure.
La stratégie e-Maroc élaborée à Rabat prévoit par exemple la création, d’ici à 2012, de « 33 000 emplois par les activités de l’industrie des technologies de l’information hors télécoms » et le passage d’un chiffre d’affaires du secteur « de 26 milliards de dirhams à fin 2004 à près de 60 milliards de dirhams en 2012 ». Pour atteindre ces objectifs, le royaume entend s’appuyer sur plusieurs béquilles : d’abord un vaste programme d’informatisation de 50 000 PME en six ans ; ensuite la généralisation de l’utilisation de l’ordinateur et d’Internet dans les écoles, les collèges et les lycées ; enfin, un train de mesures incitatives destinées au développement d’un ?tissu de petites entreprises de ?pointe. Le pays table également sur 90 000 à 100 000 nouveaux emplois issus des métiers de l’offshoring cette fois, grâce à la mise en place, là aussi, d’une politique volontariste de stimulation de la filière.
La Tunisie développe des ambitions comparables. Le pays espère faire passer à 18 % de son PIB « les activités de services dans les secteurs promoteurs et innovants avant fin 2009 ». Il souhaite aussi, entre autres objectifs, porter à 1 million de machines – pour 10 millions d’habitants – le parc national d’ordinateurs à la même date et mener un vaste programme de dématérialisation de la gestion administrative de l’État. S’ajoute enfin à tout cela l’ouverture, dans les mêmes délais, de trois nouveaux cyberparcs, en plus de ceux de Monastir, Le Kef, Gafsa, Siliana, Kasserine, Kairouan et Sousse, déjà opérationnels ou en voie de l’être prochainement.
L’Algérie, enfin, compte certes poursuivre sur sa lancée dans les télécoms, mais cherche à ajouter d’autres cordes à son arc. Après s’être tiré une balle dans le pied en introduisant des mesures dissuasives en matière de délocalisation de centres d’appels européens, le pays a pris conscience de son erreur. En début d’année, le décret adopté en 2005 instituant un ticket d’entrée de 100 000 euros pour tout opérateur étranger désirant implanter un call center dans le pays, assorti d’un prélèvement de 5 % sur son chiffre d’affaires, a été abrogé. Parallèlement, le programme Ourastic, qui vise à doter quelque 6 millions de foyers algériens d’un micro-ordinateur et d’une connexion Internet d’ici à 2010, suit son cours, tout comme la construction du cyberparc de Sidi Abdallah, dont l’inauguration est prévue à la fin de l’année 2007. Sur une centaine d’hectares, le complexe accueillera un centre d’études et de recherches, des laboratoires, des plates-formes de formation, des incubateurs d’entreprises et des centres de transfert de technologies. Son ouverture devrait « susciter l’émergence d’une plate-forme technologique autour de laquelle des investisseurs nationaux et internationaux peuvent s’installer et développer une industrie de logiciels et de contenu », a déclaré à son propos, enthousiaste, Boudjemaa Haichour, le ministre algérien des Technologies. La chose est désormais certaine : en Afrique du Nord, les TIC ont vraiment la cote.

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