Pétrole : point trop n’en faut

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

En dépit de son expansion économique rapide, la Chine ne représente que 8 % de la demande mondiale de pétrole, contre respectivement 25 % et 18 % pour les États-Unis et l’Europe. Un Chinois consomme moins de 2 barils par an, contre 12 pour un Européen et 26 pour un Américain. C’est la consommation occidentale, conjuguée au sous-investissement dans l’infrastructure énergétique pendant les années 1990, qui a provoqué la flambée du prix du baril.
Il est paradoxal de déplorer la cherté du pétrole d’un côté et de mener des politiques énergétiques absurdes de l’autre. Le prix de l’or noir ayant été multiplié par quatre en cinq ans, on pouvait s’attendre à ce que les consommateurs modifient leur comportement en conséquence, et à ce que les politiques agissent pour infléchir la demande. Mais rien de tout cela ne s’est produit. Regardons du côté des États-Unis, où la consommation ne cesse de croître. Là-bas, ces cinq dernières années, une voiture achetée sur deux est un 4×4 : un goinfre qui ne fait pas plus de 3 ou 4 kilomètres avec un litre d’essence. En conséquence, les véhicules américains font en moyenne 7 kilomètres avec un litre. La moyenne européenne – 13 kilomètres avec un litre – est un peu meilleure. Si les Américains achetaient les mêmes voitures que les Européens, nous économiserions 4 millions de barils par jour (b/j), l’équivalent de la production de l’Iran, troisième exportateur mondial.
Mais pourquoi devrions-nous nous contenter de rouler dans des voitures qui ne parcourent que 13 kilomètres avec un litre ? Aujourd’hui, il existe des véhicules très confortables qui font 20 kilomètres avec pas plus d’essence. Si toutes les voitures américaines, canadiennes, européennes, japonaises et australiennes s’alignaient sur ce niveau de consommation, nous économiserions 10 millions de b/j, l’équivalent de la production de l’Arabie saoudite, le premier producteur mondial, et plus que les consommations chinoise et indienne réunies.
Des voitures gourmandes en énergie : là n’est pas la seule inconscience de l’Occident. Il y a aussi le jeu excessif avec les températures. Les gens aiment qu’il règne chez eux une chaleur tropicale en hiver, et il fait un froid polaire dans les restaurants pendant l’été. Les États-Unis dépensent nettement plus d’énergie en chauffage et en air conditionné que l’Europe. Si les Occidentaux roulaient dans des véhicules « raisonnables », et si les Américains adoptaient les standards européens en matière de chauffage et d’air conditionné, nous pourrions économiser 15 millions de b/j. C’est, en gros, 20 % de la consommation mondiale.
Mais les consommateurs du Nord ne comprennent pas clairement qu’il est impératif qu’ils modifient leur comportement. L’une des raisons est que, même avec un baril à près de 60 dollars, le pétrole n’est pas cher pour eux. Mais même si les Occidentaux ne souffrent pas des prix élevés, il existe de très bonnes raisons pour que les pays industrialisés mènent des politiques énergétiques raisonnables et réduisent le gaspillage.
Les riches conducteurs de 4×4 ne s’offusqueraient pas de voir leur facture d’essence augmenter de quelques dollars. Mais en l’état actuel des choses, ces derniers maintiennent les prix du pétrole à la hausse pour tout le monde, y compris pour les pays pauvres qui dépendent de l’or noir pour le chauffage, le transport et leur survie. L’usage raisonnable du pétrole est également le meilleur moyen de protéger l’environnement. En consommant moins d’or noir, nous réduirions aussi les émissions de gaz à effet de serre.
Mais si le sous-sol regorge de pétrole, les réserves ne sont pas inépuisables. Même avec le pétrole canadien et vénézuélien, elles ne devraient tenir que soixante-dix ans, ce qui signifie que les enfants des jeunes couples d’aujourd’hui vivront dans un monde sans hydrocarbures.
Il faut espérer que nous aurons trouvé des solutions de rechange lorsque le pétrole sera épuisé. Mais parallèlement, nous devrions essayer de prolonger l’ère des hydrocarbures aussi longtemps que possible, pour assurer une transition en douceur. C’est le défi qui nous attend.

* Eni : société pétrolière italienne, numéro cinq mondial.

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