Paris lève un coin du voile

Pour que la lumière soit faite sur le rôle qu’on lui prête dans le génocide, la France a décidé de laisser la justice accéder aux documents classés secret défense.

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

C’est la condition sine qua non d’un examen de conscience douloureux et salutaire qui apaisera peut-être les relations entre Kigali et Paris. Le 2 novembre, la ministre française de la Défense a décidé de « déclassifier » totalement 105 notes de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) concernant le génocide des Tutsis au Rwanda qui, entre avril et juillet 1994, a fait près d’un million de morts. En clair, Michèle Alliot-Marie accepte de rendre accessibles à la justice une série de documents jusqu’alors protégés par le sceau du secret. En ouvrant la boîte de Pandore, la France prend le risque de faire la lumière sur le rôle supposé trouble qu’elle aurait joué au Rwanda pendant le génocide et les années Habyarimana – l’ancien président – qui l’ont précédé.
Au départ, il y a une procédure judiciaire entamée par six Rwandais tutsis : en février 2005, ces derniers portent plainte contre X devant le Tribunal aux armées de Paris (TAP) pour « complicité de génocide et/ou complicité de crime contre l’humanité ». Les plaignants accusent des militaires français d’avoir commis des viols et des meurtres au Rwanda en 1994, et d’avoir laissé des miliciens hutus enlever des réfugiés placés sous leur protection. Dix mois plus tard, en décembre 2005, le parquet du TAP ouvre une information judiciaire et juge, in fine, que quatre des six plaignants n’ont pas subi de « dommages directs et personnels résultant des infractions dénoncées ».
Retournement de situation en mai dernier : la cour de Paris confirme la recevabilité de quatre des six plaintes. Florence Michon, seul magistrat au TAP qui juge les instructions commises par l’armée hors de l’Hexagone, demande la déclassification des documents pour mener à bien son enquête. Après avoir pris l’avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), Michèle Alliot-Marie répond favorablement.
Le magistrat fera-t-il des découvertes gênantes pour Paris ? Le 24 octobre à Kigali, la Commission d’enquête chargée de montrer le rôle de la France dans la préparation et l’exécution du génocide a entamé ses travaux. « Au cours de ces premières auditions, confie Jean de Dieu Mucyo, président de la Commission, au quotidien Le Monde, nous avons pu comprendre que les conseillers français étaient présents dans toutes les structures du régime Habyarimana, jusque dans les services de renseignements. »

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