L’apocalypse selon Al Gore
En croisade contre la pollution de la planète, « l’ex-futur président des États-Unis » nous alerte sur les dangers des dérèglements climatiques.
Une vérité qui dérange de Davis Guggenheim, sorti en octobre dans les salles françaises, retrace l’engagement écologique d’Al Gore, « l’ex-futur président des États-Unis », comme il aime à se présenter lui-même. C’est le troisième plus gros succès de l’histoire du documentaire après Fahrenheit 9/11 de Michael Moore et La Marche de l’empereur de Luc Jacquet. Vice-président des États-Unis sous les deux mandats de Bill Clinton (1993-2001), Al Gore a donné, depuis cinq ans, plus de mille conférences sur le réchauffement climatique que Guggenheim a filmées en partie. Pour autant, il ne s’agit pas d’un film politique. Al Gore le martèle : la question environnementale doit dépasser les clivages politiques et les luttes partisanes. Il s’agit d’une question morale. Nous avons des devoirs envers les générations futures.Certes.
Mais il est dommage qu’Al Gore ne s’intéresse pas davantage à la politique des grands groupes industriels, notamment celle des lobbys pétroliers, ceux-là mêmes qui financent les campagnes présidentielles américaines. Ceci explique peut-être cela : 28 compagnies gazières et pétrolières avaient contribué à financer la campagne présidentielle de Gore en 2000. Sous la présidence Clinton-Gore, les États-Unis ont signé, en 1994, l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) dans lequel les réglementations sur l’environnement sont comprises comme des « distorsions de marché ». Il n’empêche. La lutte contre le réchauffement climatique semble être le cheval de bataille de Gore. Cette question l’a toujours préoccupé. Élève de Roger Revelle – scientifique américain qui, le premier, a mesuré le taux de CO2 dans l’atmosphère en 1957 et qui a travaillé sur les gaz à effets de serre -, Gore s’est préoccupé du problème environnemental dès sa première élection au Congrès en 1976. Il avait alors 28 ans et représentait le Tennessee.
Dans Une vérité qui dérange, son discours est alarmant. Photos et graphiques à l’appui, il explique que l’humanité aura atteint un point de non-retour dans dix ans et annonce qu’« à l’été 2050 toute la glace aura peut-être fondu ». Des images de synthèse montrent un ours polaire nageant sans trouver la moindre banquise où se reposer. Il mourra d’épuisement comme certains de ses congénères aujourd’hui. Plus grave, la fonte des glaces entraîne la montée du niveau des océans. Si rien n’est fait, les eaux risquent d’engloutir des villes comme New York, San Francisco, Calcutta ou Pékin. Gore énumère les conséquences d’une telle catastrophe : déplacements en masse des sinistrés, panique, pénurie alimentaire… Par ailleurs, le réchauffement des eaux rend les tornades et les typhons de plus en plus dévastateurs. L’ouragan Katrina qui s’est abattu sur La Nouvelle-Orléans en 2005 est présent dans tous les esprits. Avec un rayon de 650 km et des vents atteignant les 280 km/h, Katrina avait contraint plus d’un million d’habitants de la Louisiane à fuir et causé la mort de milliers de personnes.
Une vérité qui dérange révèle un Al Gore combatif, souriant, plein d’humour. Celui que Bush avait surnommé, lors de la campagne présidentielle de 2000, « Ozone Man » en référence à son inquiétude pour la destruction de la couche d’ozone, parcourt les continents, ressassant sans cesse son discours devant des publics nombreux et conquis. Aux États-Unis, il semble avoir été entendu. En juin 2005, 168 maires de 37 États se sont engagés à appliquer dans leur ville le protocole de Kyoto. Ils sont aujourd’hui 294 et représentent 49,2 millions d’habitants. C’est là une petite victoire de Gore, l’un des initiateurs du protocole de Kyoto. Entré en vigueur en 2005, ce protocole oblige les pays signataires à publier des inventaires de leurs émissions de gaz à effet de serre et à mettre en ÂÂuvre un programme pour les réduire. Mais les États-Unis, pays le plus pollueur de la planète, refusent de le ratifier.
Ce documentaire met en scène un Gore héros des temps modernes. On l’avait quitté à la porte de la Maison Blanche, alors qu’il devançait de quelque 500 000 voix son concurrent George W. Bush. On connaît la suite. Six ans plus tard, Gore revient ragaillardi. L’Amérique n’aime pas les perdants. Elle préfère les battants. L’ancien vice-président bénéficie d’une nouvelle cote de popularité ; ce qui pourrait en inquiéter certains à la veille de l’investiture du Parti démocrate pour la présidentielle de 2008. Et Gore ne fait rien pour les rassurer. Il affirme être en convalescence politique, mais précise qu’il peut, comme tout convalescent, faire une rechute…
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