Lansana Conté parle

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Après plusieurs années sans la moindre interview, Lansana Conté a fini par se livrer à un exercice qu’il affectionne peu : parler à un journaliste. Et c’est le Guinéen Mouctar Bah, le correspondant à Conakry de Radio France internationale (RFI) et de l’Agence France-Presse (AFP), qui a été choisi. Notre confrère a été reçu pendant deux heures trente, le 31 octobre, non dans la retraite habituelle du chef de l’État, à Wawa, mais dans sa propriété de Lansanaya, à une centaine de kilomètres de la capitale. Bah était accompagné du Suisse Serge Michel, marié à une employée de la Croix-Rouge en poste à Conakry, qui se serait présenté comme le correspondant du quotidien français Le Monde en Afrique de l’Ouest. La rencontre a été organisée par la « madame communication » de Conté, la Française Chantal Cole, qui a insisté pour que l’entretien prenne la forme d’une conversation à bâtons rompus et non d’une interview classique.
« Qui n’est pas malade ? Moi, au moins, j’ai la chance de n’être malade que d’un point de vue physique. Et j’ai le courage de dire à tout le monde que je le suis », a notamment déclaré Conté. Selon l’un des journalistes présents, le président est apparu fatigué, amaigri, se mouvant avec difficulté. Tout au long de l’entretien, il est resté les pieds nus, sans doute en raison des vives douleurs que provoque chez lui, depuis plusieurs mois, le port de chaussures. Il a grillé cigarette sur cigarette, mangé avec appétit un plat de riz à la sauce claire et au poulet, mais s’est abstenu de croquer la moindre noix de cola, conformément aux prescriptions de ses médecins, à Cuba comme à Genève.
Conscient des inquiétudes suscitées par son interminable fin de règne, Conté s’est voulu rassurant sur la question de sa succession : « Je finirai mon mandat, si Dieu le veut, en 2010. Après, on verra. Pour diriger la Guinée, j’aimerais trouver quelqu’un qui ait de l’envergure. Mais je n’ai aucun souci, je sais que je trouverai. »
D’autres questions ?ont été abordées. Prolixe, contrairement à son ?habitude, le chef de l’État n’en a éludé aucune. Interrogé par Chantal Cole à propos du patron des patrons guinéens (« Elhadji Mamadou Sylla prétend que vous êtes associé en affaires »), il a eu cette réponse agacée : « Vous me voyez m’associer à Sylla ? Pourquoi ? » À l’évocation du nom de Charles Taylor, son « ennemi », le ton s’est fait brutal : « Taylor n’est pas mon ennemi, c’est un pauvre type que les Blancs ont manipulé contre son peuple. Il doit être fusillé. »
Mais tel n’était pas l’objet de l’entretien. À l’évidence, le numéro un guinéen a surtout voulu reprendre la main. Comme pour dire aux clans qui se déchirent dans son entourage : « J’existe et je suis là jusqu’en 2010, si Dieu me prête vie. »

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