Jeunes pousses africaines

En dépit de l’insuffisance des infrastructures et du coût des équipements, le Web progresse sur le continent. Un constat plutôt positif à l’heure où s’ouvrent, le 7 novembre à Bamako, les conférences Novatech 2006 sur les investissements dans les technolo

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 5 minutes.

Près d’un Ougandais sur deux a déclaré l’an dernier utiliser Internet quotidiennement, selon les résultats d’un sondage mené par la Commission ougandaise de communication. Même si elle peut paraître exagérée, voire irréaliste, cette annonce est révélatrice du nouvel engouement des Africains pour le Web. Certes, l’usage est parfois limité. Au Rwanda par exemple, neuf utilisateurs sur dix se connectent pour une simple consultation de leurs messages ou pour en envoyer. Sur le continent africain, comme ailleurs, le Web séduit avant tout par ses nouveaux moyens de communiquer, messagerie ou téléphone à bas coût. Avoir une adresse de courrier électronique (courriel) permet de développer ses affaires, de chercher l’âme sur ou de garder le contact avec ses parents expatriés. Mais le nombre de sites africains a fortement augmenté, et les applications se diversifient. Cours des produits agricoles, conseils de santé, webzine (transposition sur Internet d’un magazine) ou blog (site Web clefs en main pour une personne), mais aussi, de manière croissante, données administratives délivrées par les ministères, la Toile est devenue un moyen rapide et peu coûteux de mettre à la disposition du plus grand nombre une information complète et à jour.
Le domaine de l’e-administration, ou e-gouvernement, est très en pointe sur le continent, montrant que les gouvernements sont les premiers à donner l’exemple, comme au Sénégal où les principaux formulaires administratifs peuvent être téléchargés sur Internet. En Tunisie, le gouvernement a annoncé la mise en ligne des formulaires administratifs au cours de l’année prochaine. Au Maroc, un site propose des informations administratives et des formulaires à télécharger, en particulier pour les douanes et les impôts. Toujours au Maroc, ce sont les demandeurs de visas pour la France qui doivent depuis le début du mois d’octobre prendre rendez-vous par Internet. Au Rwanda et en Algérie, parmi d’autres pays, tous les ministères sont présents sur Internet, offrant au public de nombreuses informations et statistiques.
Le commerce électronique démarre plus timidement. Au Maroc, plusieurs banques marocaines et une société d’informatique, Intelcom, filiale du groupe espagnol Satec, se sont réunis dès 2000 pour fonder Maroc Telecommerce (MTC). Ils proposent une plate-forme de commerce électronique à leurs clients, sites de presse, agences de voyages ou boutiques d’artisanat. Au Sénégal, l’opérateur de commerce électronique TPS compte aussi de nombreux clients sur le marché de la location de véhicules, des agences de voyages et de l’artisanat. Mais trop souvent le cadre juridique est en retard par rapport aux nouvelles possibilités offertes par la technologie. Au bout de six ans, du fait de mésententes avec les banques sur les procédures électroniques de paiements, les clients de MTC ne sont encore qu’une poignée. Et il n’est toujours pas question de transactions avec l’étranger, qui requièrent l’autorisation de l’Office des changes.
La croissance rapide d’Internet devrait pourtant aider à lever ces obstacles. ?Au Maroc, le nombre d’abonnés à l’ADSL (liaison à haut débit) a été multiplié par trois entre mars 2005 et mars 2006, atteignant aujourd’hui plus de 300 000. Maroc Télécom est en train d’essayer de reproduire, dans ce domaine, ce qui lui avait réussi dans le mobile, en investissant le créneau juste au moment où la concurrence arrivait. Aujourd’hui, il fait de même, alors que deux nouveaux opérateurs de lignes fixes s’installent. L’Algérie aussi met les bouchées doubles. L’opérateur public Algérie Télécom propose déjà la connexion ADSL dans plus de sept wilayas, dont Alger, Constantine, Oran et Ouargla, et le nombre d’abonnés à haut débit atteignait 700 000 en juillet 2006, selon un rapport officiel publié le 22 octobre par l’agence de presse algérienne APS. La nouvelle offre Assilabox de l’opérateur privé Eepad – une offre jumelée Internet à haut débit et téléphonie illimitée – rencontre aussi un vif succès. Et certains spécialistes parient sur quelque quatre millions d’abonnés à l’ADSL en 2008 en Algérie. D’autres pays, comme le Togo ou le Sénégal, comptent aussi un grand nombre d’internautes et de nombreux télécentres et cybercafés très dynamiques, où sont proposés des services de téléphonie, fax et bien sûr Internet à prix réduits.
Par ailleurs, le succès du téléphone mobile vient conforter le développement d’Internet, même si les coûts des équipements ne sont pas les mêmes. Grâce au téléphone portable, les utilisateurs sont déjà familiarisés avec les outils numériques, et les opérateurs de téléphonie ont montré leur dynamisme et leur capacité de gagner de l’argent dans des pays pauvres. Ils ont maintenant les moyens financiers et les infrastructures pour devenir à leur tour moteurs dans le domaine de l’Internet. Les synergies entre mobile et Web se multiplient. Au Cameroun, le sud-africain MTN a pris de l’avance durant la Coupe du monde Fifa 2006 en lançant une offre Internet sur mobile, un service aujourd’hui gratuit pour ses clients abonnés. Il était possible de surfer sur les sites de la Fifa depuis son mobile, à condition de disposer d’un téléphone mobile GPRS (voir tableau p. 113), d’un ordinateur équipé d’une carte ou d’un modem compatible avec la téléphonie mobile GPRS. Autre exemple avec Sonatel, au Sénégal, qui vient de commercialiser l’USSD (Unstructured Supplementary Service Data). Sous ce vocable barbare se cache la possibilité d’échanger en direct des messages textes entre un téléphone mobile et un site Internet. Les applications sont diversifiées : déclenchement de paiements, lecture de résultats sportifs, ou service de callback, par exemple, pour moins dépenser en téléphonant depuis l’étranger. Lancé commercialement en septembre 2006 sous le nom de « Magik Portal », le portail USSD a déjà enregistré, en seulement un mois, plus de 7 millions de sessions pour un million d’abonnés Sonatel.
Le développement d’Internet suppose en effet un marché, l’existence de contenus, une population alphabétisée et équipée en PC, mais aussi des opérateurs capables d’investir efficacement. Manque d’investissements, problèmes politiques ou de corruption, entraves à la concurrence ou pauvreté accentuée, divers freins expliquent que les pays africains avancent en ordre dispersé. Le Niger demeure ainsi l’un des pays les plus en retard, principalement à cause des erreurs commises lors de la privatisation de la Sonitel à la fin des années 1990. Au Congo, la société nationale Sotelco, confrontée à des problèmes récurrents de trésorerie, n’a pas été des plus efficaces pour proposer des liaisons Internet aux particuliers et aux entreprises. Globalement, l’accès à Internet demeure encore coûteux sur le continent. Un abonnement ADSL revient à 35 euros par mois au Sénégal (pour 512 kbits/s) ou à 45 euros au Mali (128 kbits/s), alors que l’internaute français bénéficie d’un débit dix fois plus rapide pour moins de 30 euros. Hélas, la multiplication des points d’accès à Internet peut compromettre des rentabilités souvent fragiles : les cybercafés vivent parfois difficilement la progression du nombre d’abonnés au haut débit. Au Mali, les élèves, étudiants et professeurs, qui constituaient le gros de leur clientèle, ont délaissé les cybercafés depuis que leurs établissements sont connectés. L’essor du Web est riche en opportunités mais aussi en inévitables remises en question.

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