Ismaël Lo, engagé malgré lui

Après cinq ans d’absence, le « Bob Dylan africain » revient sur la scène avec Sénégal, l’album de la maturité artistique aux thèmes variés et aux titres ciselés.

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Ismaël Lo vient de sortir son 22e album. Enregistré entre Dakar, Paris et Londres, il est sobrement intitulé Sénégal. « Ce pays m’a tout donné », explique le chanteur, né en 1956 au Niger, la terre de sa mère, mais élevé à Rufisque, non loin de Dakar. « C’est mon devoir de citoyen de rendre hommage à ce grand pays que j’aime profondément. Il y fait bon vivre, les gens sont ouverts. » Sur cet opus de quatorze titres, Ismaël Lo chante en wolof et en français de sa voix, belle et unique, qui navigue avec aisance des graves aux aigus. On retrouve les ballades enjôleuses chères à son cur et le rythme entraînant du mbalax.
Dans ses chansons, il évoque des thèmes très divers tels que les mariages arrangés (dans la chanson « Taar dousey »). Dans « Yaye boye », il rend hommage à sa mère : « Que tu sois Rockefeller ou sans le sou, que tu sois jeune ou vieux, ta maman reste toujours dans ton cur. Si je pouvais rendre hommage à la mienne sur chaque album, je le ferais ! Aujourd’hui, j’ai quatre enfants et je comprends ce qu’elle pouvait ressentir. » Le compositeur, musicien et interprète, parle aussi politique dans « Manko ». « Je rappelle aux hommes politiques, élus par le peuple, qu’ils doivent honorer leurs promesses. J’aimerais aussi que le choix des électeurs soit respecté et que les politiciens ne se tirent pas dessus. Il ne faut pas déstabiliser les pays, comme en Côte d’Ivoire. Au Sénégal, on a une bonne démocratie et il faut que ça dure », précise-t-il. Sur cet album, il a aussi enregistré une chanson écrite il y a quatre ans, « Le Joola », en souvenir des victimes du naufrage. « C’est un appel à se souvenir de nos morts, à prier pour eux et pour que la catastrophe ne se reproduise plus. »
Ismaël Lo se dit inspiré par la vie quotidienne, par ce qui le rend joyeux ou triste. Ce qui le scandalise aussi, comme « l’amalgame entre islam et terrorisme depuis le 11 Septembre ». Ce fervent religieux appartenant à la tidianniya, confrérie soufie du Sénégal, s’enflamme : « Personne n’a le droit de juger une religion. Moi, je les respecte toutes. L’islam m’a appris à aider les autres, à être sérieux dans la vie et à savoir souffrir par moments, comme pendant le ramadan, un mois d’abstinence pour vivre comme les pauvres. » Si Ismaël Lo a toujours dénoncé des problèmes de société dans ses chansons, comme le racisme ou l’immigration, il répugne à se dire chanteur « engagé ». « Le terme me gêne. Je dis les choses comme je les ressens. Dès qu’on est artiste, on est leader d’opinion, on devient porte-parole du peuple. Il y a toujours des choses à dénoncer. Chanter l’amour ne fait pas un album ! »
Sénégal réussit à mêler tous ces thèmes. Les titres, très bien arrangés, coulent comme de l’eau de source et les nostalgiques ont même droit à la reprise de « Tajabone », le tube qui a fait connaître Ismaël Lo à l’étranger au début des années 1990. Le chanteur a mis cinq ans à ciseler son album, son dernier opus remontant à 2001 (Dabah). « On me reproche de prendre mon temps », s’amuse-t-il. L’écriture est entrecoupée de tournées. Je suis sur la route six à sept mois par an. Et une chanson doit être mûrie, retravaillée Je suis un éternel insatisfait, un perfectionniste. Quand le disque est gravé, il m’arrive d’avoir des regrets ! »
Quand il ne travaille pas à sa musique, Ismaël retrouve ses toiles. Il emmène son matériel de peinture lors des longues tournées et pose, sur la pochette de Sénégal, devant une de ses uvres. Il a commencé à taquiner le pinceau en même temps que la guitare, et passé deux ans à l’Institut des arts de Dakar avant de choisir la voie musicale. Au début des années 1970, il intègre le groupe phare du moment, le Super Diamono. En indépendant à partir de 1984, il s’entoure de musiciens qui, comme lui, aiment le métissage : mbalax sénégalais mais aussi soul, rythm’n’blues, mélodies peules et mandingues Il signe chez Barclay au début des années 1990. C’est la consécration internationale. Aux côtés de Youssou Ndour, il s’impose très vite comme l’une des figures emblématiques de la musique sénégalaise à l’étranger – que d’aucuns surnomment le « Bob Dylan africain ».

Sénégal, Ismaël Lo (AZ/Universal). En concert à l’Olympia (Paris) le 14 novembre 2006.

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