Il n’y a pas que le pétrole

Depuis 2001, la production nationale ne répond plus à l’intégralité des besoins du pays. De nouveaux choix s’imposent.

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 6 minutes.

Il fut un temps où la balance énergétique de la Tunisie était équilibrée quand elle ne dégageait pas d’excédent. C’était dans les années 1970 et 1980 lorsque la production de pétrole tournait autour de 5 millions de tonnes par an. Depuis 2001, la balance d’énergie primaire enregistre un déficit structurel. En 2005, la production de brut a culminé à 3,4 millions de tonnes, et le déficit a atteint 543 000 tonnes-équivalent pétrole (tep). En valeur, et à la suite de la flambée du prix du baril de pétrole, le déficit de la balance énergétique a été de 510 millions de DT. La consommation étant subventionnée par l’État, celui-ci a dû supporter une charge de 1,5 milliard de DT en 2005.
L’anticipation est donc plus que jamais au centre de la politique énergétique du pays. Parmi les axes retenus pour les perspectives décennales (2007-2016) et au-delà, au moins trois sont primordiaux :
– premièrement, développer l’utilisation des ressources gazières du pays plutôt que le fuel lourd dans les centrales électriques, et le gaz naturel plutôt que le gaz de pétrole liquéfié (GPL), subventionné pour la consommation de l’industrie et des ménages ;
– deuxièmement, développer l’utilisation des énergies non fossiles « propres » comme l’éolien et le solaire, et se préparer, sur le long terme, à l’adoption du nucléaire ;
– troisièmement, renforcer les opérations de recherche et d’exploration pour les hydrocarbures.
Sur ce dernier point, des avancées notables ont été faites. Les quarante-quatre permis de recherche et d’exploration en cours couvrent près des deux tiers de la superficie du pays. « Proportionnellement à sa superficie, note le ministre de l’Industrie, Afif Chelbi, la Tunisie est peut-être le pays au monde où l’on se livre le plus à la prospection pétrolière. »
Dans la mise en uvre de cette politique, la Société tunisienne d’électricité et du gaz (Steg) est en charge de l’utilisation des ressources gazières et des énergies non fossiles pour la production de l’électricité consommée par l’industrie et les ménages. L’entreprise publique a pratiquement achevé son programme d’électrification du pays avec un taux de couverture de 100 % en zones urbaines et de 98 % en zones rurales, soit un taux national moyen de 99,2 %.
Son action est maintenant orientée vers le gaz, dont les quantités disponibles sont supérieures à celles du pétrole. L’extraction de gaz s’élève en 2005 à 3,6 millions de tep provenant à 64 % du gaz national (champs de Miskar et du Sud) et à 36 % du gaz algérien.
Les quantités disponibles devraient encore augmenter dans l’avenir avec le doublement attendu en 2007 de la production de gaz dans le Sud, et le développement par la compagnie britannique BG et l’Entreprise nationale d’activités pétrolières (Etap) du gisement Asdrubal dans le golfe de Gabès. Sans parler du gaz libyen à l’horizon 2010 en cas de concrétisation du projet de gazoduc reliant les deux pays et dont la construction a d’ores et déjà fait l’objet d’un accord entre les deux gouvernements.
La mise en uvre du programme de la Steg pour la promotion du gaz naturel commence à porter ses fruits. Au cours des vingt dernières années, la part du gaz dans la consommation nationale d’énergie est passée de 14 % à 44 %. Ce sont les industriels et les particuliers qui en sont les premiers bénéficiaires. « Outre la disponibilité, la sécurité et le respect de l’environnement, explique Othman Ben Arfa, le PDG de la Steg, le gaz naturel permet une réduction de 40 % de la facture énergétique du client résidentiel par rapport au GPL en bouteilles jusque-là largement utilisé. » L’objectif du programme de développement du gaz pour le secteur industriel est de raccorder en 2007 trois cents nouveaux industriels (dont 30 grands consommateurs prioritaires, comme les briqueteries) dans les zones desservies, et une centaine d’autres industriels dans les zones non encore desservies par le réseau à l’horizon 2008-2009.
Pour le résidentiel, l’objectif pour 2009 est d’atteindre 500 000 clients raccordés au gaz naturel. Pour Afif Chelbi, « cela équivaut au raccordement de 25 % des foyers en Tunisie, soit le taux des pays les plus avancés de l’Europe du Sud ». Le gain total engendré par le remplacement des importations de GPL entre 2005 et 2009 est évalué à 200 millions de DT. Sans compter les gains liés au fait que les centrales électriques de la Steg utilisent désormais le gaz naturel comme combustible au lieu du fuel lourd. Cette substitution est l’un des objectifs visés par les réalisations en cours. C’est notamment le cas pour la centrale de Tyna-Sfax dont l’extension en cours permettra de doubler sa puissance pour atteindre 240 mégawatts. Sa mise en exploitation est prévue pour avril 2007. Il en est de même pour la centrale à cycle combiné de Ghannouch (près de Gabès) et dont la puissance sera de 400 mégawatts. Les offres des candidats pour un contrat de développement sont en cours de dépouillement. Quatre groupes internationaux sont en compétition. La mise en service de Ghannouch est prévue avant la fin du premier semestre 2009.
Le projet d’une centrale à El-Haouaria, dans la région du cap Bon, prévu dans les plans de développement établis par le gouvernement, est toujours au stade des discussions. Son avantage tient à la proximité de son site avec le terminal gazier Transmed. Avec une puissance prévue de 1 200 mégawatts, elle pourra exporter de l’électricité à travers un câble qui la raccordera à la Sicile toute proche. La boucle Tunisie-Italie, comme celle qui existe déjà entre le Maroc et l’Espagne, permettrait ainsi de compléter l’interconnexion des réseaux maghrébins et européens à travers la Méditerranée à l’horizon 2015.
Mais les responsables tunisiens voient encore plus loin. « Actuellement, nous dépendons à plus de 80 % du gaz pour produire l’électricité. Il faut donc diversifier. » Outre l’éolien, il ne faut pas négliger le solaire, dont le potentiel annuel est de 2 600 à 2 700 heures d’ensoleillement. Comme ce fut le cas pour l’éolien durant les années 1990, le programme de la Steg pour les XIe et XIIe plans de développement (de 2007 à 2016) prévoit la mise en uvre de projets pilotes pour assurer une veille technologique, déclare Ben Arfa. Il s’agit de l’étude et de la réalisation de microcentrales photovoltaïques, raccordées au réseau, d’une puissance de 500 kW durant le XIe plan, et de 1 000 kW durant le XIIe plan. En attendant que le coût des centrales solaires devienne plus abordable, le gouvernement met l’accent sur les panneaux solaires pour le chauffage de l’eau et un appoint en électricité, notamment dans les zones rurales. L’objectif est de porter la surface de ces panneaux à 500 000 m² à l’horizon 2009 contre 125 000 m² en 2005. « Cela permettrait d’économiser jusqu’à 70 % de la consommation des ménages qui en bénéficient », note Afif Chelbi.
Reste le nucléaire. À moins qu’il n’y ait de nouvelles découvertes, les réserves en pétrole brut, estimées à 308 millions de barils, risquent d’être épuisées dans une dizaine d’années, et le gaz n’est pas éternel non plus.
Les perspectives décennales préparées par le gouvernement font de l’option nucléaire l’une des priorités pour le long terme et recommandent la réalisation des études nécessaires à cette fin. « En 2002, nous avions fait une étude de faisabilité technico-économique pour une centrale nucléaire combinée pour le dessalement de l’eau de mer et la production de l’électricité sur le site de la Skhira, déclare Othman Ben Arfa. Cette question est récemment revenue sur le tapis en raison de la flambée des prix du pétrole. Le nucléaire est économiquement rentable à partir de 35 dollars le baril. » Mais le projet n’est pas réalisable dans l’immédiat. « Le réseau électrique national ne pourra intégrer d’unité nucléaire – aussi petite soit-elle (900 mégawatts) – qu’à l’horizon 2020. Alors, la combinaison du nucléaire et du dessalement deviendra, à mon avis, intéressante pour la Tunisie. En 2020, un turboréacteur de 900 mégawatts dans le parc de production tunisien ne représenterait que 11 % de la puissance totale installée. »

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